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Rencontre avec 3 grévistes du 92

Depuis quelques temps, les établissements du 92 sont mobilisés contre leur dotation horaire pour la rentrée prochaine. Certains se sont engagés dans un mouvement de grève reconductible, les Ag et les appels à des grèves départementales rencontrent un réel succès. Q2C a souhaité rencontrer 3 grévistes pour qu’ils nous présentent ce mouvement.

Q2C – Comment est né le mouvement dans le 92, d’où est-il parti et depuis quand ?

Kai Terada (lycée Joliot-Curie de Nanterre, SUD 92) – Pour le départ du mouvement, Olivier pourra t’en dire davantage car c’est dans son collège, Edouard Manet à Villeneuve-la-Garenne, que c’est vraiment parti.

Factuellement, on peut dire que la grève a démarré dès que l’institution a communiqué les chiffres de DHG, en très forte baisse dans beaucoup d’établissements du 92. Il y a quand même deux faits antérieurs qu’il faut avoir en tête, ceci dit : la très forte dégradation des conditions de travail que nous connaissons depuis le gouvernement précédent (pour rappel plus de 80 000 postes supprimés), et qui n’a jamais été réparée contrairement à ce que laissait entendre le candidat Hollande lors de la présidentielle. Cela s’ajoute au fait qu’il y avait un creux générationnel (moins de naissances en 1993) qui a maintenant complètement quitté le secondaire et que les effectifs ne cessent d’augmenter. Autre chose, en octobre-novembre, des “assises” de l’éducation prioritaire ont été lancées avec une pseudo-concertation où l’institution a essayé d’imposer une vision complètement “managériale” de l’éducation prioritaire (en gros, tout ce qui coûte de l’argent – décharges horaires, limitation des effectifs, primes, moyens -, ce n’est pas bien, et tout ce qui coûte rien c’est bien – hiérarchisation intermédiaire, pouvoirs accrus des chefs d’établissement, etc.), et qui avait déjà mis sur le qui-vive les établissements ZEP. Au delà de la question des dotations horaires, il existe une menace sur le concept même de ZEP qui inquiète très largement (et à raison puisque le DASEN du 92 a déclaré que pour lui l’existence des ZEP dans le 92 était une anomalie, compte-tenu de la “sociologie” du département)

Olivier Claeren – Effectivement, le mouvement est parti du collège Edouard Manet de Villeneuve la Garenne, le lundi 20 janvier.

Le mieux est sans doute que je reprenne notre premier communiqué de presse (il montre bien que les baisses de DHG sont le déclencheur du mouvement, mais surtout -car malheureusement le gouvernement précédent nous avait habitué à de telles baisses- le décalage total entre le discours du gouvernement et ses actes, entre les attentes légitimes des collègues qui espéraient mieux d’un ministre de “leur côté” et les faits) :

Les enseignants du collège Edouard Manet de Villeneuve-la-Garenne (92390) ont déclenché un mouvement de grève reconductible le lundi 20 janvier, suivi à plus de 90 %.

A l’heure où le Président de la République et son ministre de l’Education, annoncent des moyens sans précédent consacrés à l’Education prioritaire, les enseignants du collège Edouard Manet de Villeneuve-la-Garenne, classé ZEP et Zone Violence, viennent d’apprendre la perte de 56 heures dans la dotation de leur établissement pour la rentrée 2014 (soit une perte équivalente à deux, voire trois classes), malgré la stabilité de ses effectifs.

Cette situation est en contradiction totale avec les besoins de ce collège, qui, de plus, a connu, à l’automne dernier, de graves faits de violence ayant entraîné l’exercice d’un droit de retrait, suivi de la mobilisation de l’ensemble de la communauté éducative.

La rentrée 2012 a été pour l’ensemble des personnels du collège l’une des plus difficiles à assurer en raison d’une Dotation horaire globale (DHG) en baisse de 33 heures, décidée sous le mandat de Nicolas Sarkozy. À cette occasion, nous avions même reçu le soutien de François Hollande et de Vincent Peillon, qui s’étaient rendus, en personne, dans notre établissement le 6 mars 2012, et qui avaient déploré cette perte sèche en s’engageant devant la presse à agir une fois au pouvoir.

François Hollande avait alors déclaré qu’il fallait « plus de moyens, plus de ressources, plus d’enseignants dans les zones défavorisées. Car [son] objectif n’est pas seulement de lutter contre l’échec. C’est aussi de permettre aux enfants d’atteindre l’excellence ». Il s’était au passage insurgé contre la baisse de moyens, s’étonnant que « là où on devrait avoir plus d’heures de soutien, on coupe des moyens ! », rappelant que l’engagement qu’il avait pris des « 60000 postes » servirait les zones défavorisées, en particulier par le maintien des moyens dévolus à la pédagogie.

Un tour rapide de la situation des dotations dans les Hauts-de-Seine fait apparaître que sur 31 établissements classés « Education prioritaire », 27 perdent des moyens.

Les enseignants ne peuvent que constater le décalage total entre ce discours sur l’éducation prioritaire, qui fait logiquement écho aux propos tenus le 15 janvier 2014 par notre Ministre, et la politique concrète que nous subissons aujourd’hui sur le terrain.

En conséquence, les enseignants du collège Edouard Manet ont déclenché un mouvement de grève reconductible le 20 janvier 2014.

Yannick – On peut ajouter que dans mon lycée et sur la ville de Colombes par exemple, nous avons progressivement établis des contacts durables avec des militant-e-s de divers-e-s organisations (SUD, SNES, CGT, FCPE, SNUIPP, …). Malgré nos divergences politiques (sur le rôle des AG notamment), ces relations atténuent méfiance et sectarisme, et nous permettent d’être plus réacti-ve-f-s en cas de besoin. Au niveau départemental, nous tâchons également d’avoir des débats assez fréquents avec les autres orgas pour les mêmes raisons. Globalement, l’intersyndicale s’est montrée assez solidaire et plutôt complémentaire à la mobilisation locale, malgré quelques tiraillements entre ses propositions et les attentes de certains collègues. Au regard des divisions habituelles, et dans une année électorale, j’ai trouvé cela très positif pour le mouvement.

Le 92, vu de l’extérieur, a l’image d’un département privilégié et riche, peut-on alors parler d’un mouvement du 92 “dans son ensemble” ?

Kai Terada – La caractéristique du 92, c’est que c’est un des départements dans lesquels les inégalités sont les plus grandes. Une chose a énormément choqué les collègues des établissements des communes populaires, c’est que les baisses de taux d’encadrement sont les plus fortes dans les établissements les plus difficiles. Cela dit, dès le départ, le discours n’a jamais été de “déshabiller Pierre pour habiller Jacques”. Et lorsque la direction départementale a essayé d’éteindre le feu en corrigeant ses dotations avec des coupes dans les établissements jusque-là épargnés, les établissements mobilisés ont tout de suite dénoncé cette manoeuvre. En réalité, c’est une combine qui a plutôt énervé les établissements “aisés” et qui les a fait rejoindre le mouvement.

Quelles sont les revendications portées par les grévistes ?

Yannick – Assez rapidement l’AG a porté 3 revendications principales :

Maintien à minima des moyens actuels (en se basant sur le taux d’encadrement) dans tous les établissements du 92.

Maintien de tous les établissements qui s’y trouvent en Education Prioritaire.

Paiement des jours de grève.

Les parents sont-ils impliqués également ? de quelle manière ?

Kai Terada – L’implication des parents est très variable selon les endroits. Je suis dans une commune (Nanterre) où il a été difficile de créer le lien, mais dans d’autres communes, les liens sont beaucoup plus étroits (notamment Colombes. Yannick pourra t’en dire davantage)

Yannick – Les collègues du collège Marguerite Duras de Colombes ont contacté individuellement tous les parents de leur collège. Résultat : réunion avec plus de 100 parents qui décident de soutenir le mouvement en bloquant le collège, en tractant dans le quartier et en manifestant. Nous les avons imité pour le lycée et le collège voisin (Moulin Joly). 300 personnes présentes qui décident d’appeler à la grève scolaire, au blocage du lycée et du collège, à la manif du mardi 4 février à Paris et à une manif dans Colombes le samedi 8. Des scénarios analogues ont lieu à Gennevilliers dans le même temps.

Comment se fédèrent les établissements mobilisés ? Pourquoi ce choix de lutter collectivement quand la tradition, sur ce genre de mobilisation, est d’aller séparément réclamer plus de moyens pour son établissement ?

Kai Terada – Le choix de la lutte collective, outre le fait qu’il est évident pour beaucoup de militants, a été dicté par le fait que le mouvement est parti de la base, et que les collègues de Manet qui ont démarré le mouvement ont dès le départ de la lutte cherché à contacter les autres établissements des communes avoisinantes en se mettant en grève reconductible pour pouvoir le faire. Le succès des rassemblements et des AG départementales qui ont connu dès le départ de grandes affluences a fait le reste, et a incité de plus en plus de monde à s’inscrire dans le collectif.

Comment se déroule actuellement la lutte, quelles sont les prochaines échéances et les perspectives ? Y a-t-il des prises de contact au-delà du 92 ?

Kai Terada – Principales perspectives, même s’il y a de multiples actions qu’il est difficile de lister : “journées écoles mortes” un peu partout sur le département en ce début de semaine, grève et manifestation mardi à paris devant le ministère, manifestation départementale avec les parents samedi 8.

Pour l’instant, à ma connaissance les contacts avec les autres départements restent faibles.

Yannick – Les quelques contacts et invitations se heurtent aux difficultés à mobiliser rapidement dans les autres départements. Les premiers mouvements devraient se rattacher à l’appel de la cgt du 6 ou à la convergence avec le 1er degré le 13.

Propos recueillis par Grégory Chambat pour Q2C

1 Comment

  1. Nebout

    Rencontre avec 3 grévistes du 92
    Juste un détail, un “pinaillage”, allez-vous dire… Pourquoi ne pas écrire “Hauts de Seine” plutôt que d’adopter cette infâme manie d’appeler les départements par leurs numéros ? (… qui ne devraient servir que pour les envois de courrier, et uniquement là).

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