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Vision à Louise Michel

” Une école qui affirme ses choix égalitaires, dans ses manières d’enseigner, sans résignation… ”
Le billet de une de Jean-Pierre Fournier, publié ce matin, m’engage à faire connaître le texte qui suit.
J’ai partagé cette contribution avec mes collègues, avant de quitter le collège Louise Michel de Clichy-sous-Bois, en avril dernier, après quinze ans de travail dans cet établissement, lancé dans une expérimentation, depuis 2011 (au terme de quatre ans de lutte, de débats et de réflexion pour en faire un projet collectif porté par la base et reconnu par la direction).
A la rentrée prochaine, cet établissement sera neuf, puisqu’il fait partie des 21 collèges construits ou reconstruits en Seine-Saint-Denis. Le partenariat public-privé, Conseil Général-Eiffage, a mis presque 40 millions sur la table. Aucun projet collectif, à part la reconduction de l’expérimentation, n’a été engagé par les personnels, dans un établissement qui compte 87 % d’élèves dits très défavorisés par les indicateurs de CSP. Les technocrates tablent, plutôt, sur l’effet magique de la nouveauté des locaux, de l’éducation au développement durable et du tout numérique.
Cette contribution, qui n’a que la prétention d’inviter au débat – et que bien des spécialistes des alternatives et des révolutions éducatives jugeront bien peu audacieux – n’a rencontré que le silence. C’était prévisible, c’est habituel. Il avait fallu quatre ans, entre une première contribution collective et l’entrée en expérimentation…
Il faut du temps, même face à l’urgence.

Le texte qui suit, est assorti de deux modélisations tabulaires d’emploi du temps qui apparaissent dans le document en pièce jointe.

Vision à Louise Michel

Pour un libertaire, militant révolutionnaire, il ne suffit pas des dresser des constats, des bilans et des histoires, encore faut-il les associer à un lendemain, à un horizon, à une destinée… liés à la transformation sociale qu’exige le formidable projet républicain, sa construction, sa défense, sa préservation… à la base, par la base et pour la base.
La vision de la journée d’Ana, esquissée ici, est une nouvelle contribution, discutable, proposée à la réflexion collective. Elle doit beaucoup à mes expériences, à mes lectures, à mes rencontres, à mes voyages… ici et ailleurs.

Comme chaque jour, Ana peut arriver au collège, entre 8 heures et 8 heures 15. De 8 heures à 8 heures 30, elle est libre de se rendre où bon lui semble dans l’établissement : à la cafeteria, au foyer, dans une salle informatique, au CDI, dans une salle de travail ou dans la cour…
Ses cours commencent, quotidiennement, par une lecture (à voix haute, par l’enseignant qui commencera avec la classe à 8 heures 45, ou, parfois, silencieuse) suivie d’un échange, le tout pendant quinze minutes.
A 8 heures 45, son premier cours débute. Jusqu’à 12 heures, elle aura quatre créneaux de cours de 45 minutes, avec une pause de 15 minutes entre 10 heures 15 et 10 heures 30. C’est un temps académique, les contenus de cours ont été refondés, dans la mesure du possible, sur les programmes d’Histoire, ce qui occasionne et permet d’avantage d’interdisciplinarité et de cointervention. Dans son emploi du temps, le nombre de doubles créneaux est assez important, pour permettre les activités expérimentales, pratiques, le travail de groupe, l’autonomisation, la recherche…
De 12 heures à 13 heures 30, Ana, qui est demi-pensionnaire, après avoir mangé, a la possibilité de rejoindre le foyer, un atelier, le CDI, une salle informatique, une salle de travail…
A 13 heures 30, les cours reprennent.
Si elle est en Sixième, elle aura deux créneaux de cours, jusqu’à 15 heures, suivis d’une pause de 15 minutes. A partir de 15 heures 15, elle bénéficie d’une heure de TPE, chaque jour, et de deux créneaux, le lundi et le jeudi, de « temps des livres ». Sa journée s’achève, donc, à 16 heures 15 ou à 17 heures.
A partir de la Cinquième, elle aura trois créneaux de cours, jusqu’à 16 heures, avec une pause de 15 minutes, à 15 heures. A 16 heures, elle bénéficie d’une heure de TPE, chaque jour, et, si elle l’a choisi, d’un temps d’option, deux fois par semaine, auquel cas l’heure de TPE a lieu de 17 heures à 18 heures. Sa journée s’achève, donc, à 17 heures ou à 18 heures.
Quand elle rentre chez elle, elle est prête pour le lendemain et peut se consacrer à d’autres activités. Le travail personnel n’est pas exclu, le soir, elle peut revoir une leçon ou réviser pour un contrôle. Elle dispose, également, du mercredi après-midi (mais il y a fort à parier qu’elle participe à l’Association sportive), des demi-journées banalisées, du week-end et des vacances, pour consacrer une partie de son temps à des tâches plus longues : lecture d’œuvre complète, préparation d’exposé, recherche, conception de fiches…
Une ou deux fois par trimestre, elle participe à une semaine interdisciplinaire, centrée sur un objet ou un projet transversal : mesure(s), policier, république et démocratie, énergie(s), milieu forestier, modélisme, astronomie, machines, automates et robots…
Si elle est en Cinquième ou en Quatrième, elle participe une fois par semaine ou par quinzaine, entre 13 heures 30 et 16 heures, à un projet avec sa classe.
En tant qu’usager d’un lieu collectif, elle est associée, individuellement, en groupe ou avec sa classe, aux tâches d’entretien, de propreté, d’animation, de restauration et de décoration du lieu, au même titre que tous les usagers de ce lieu.
Les personnels qui travaillent dans son établissement, ont toutes et tous un statut de titulaire (sauf négociation contraire) et ont accepté un encadrement des salaires, fixé pour un temps plein, entre 1400 et 2800 euros, et inscrit dans un continuum d’une trentaine de paliers indiciaires. Ils ont toutes et tous des missions d’enseignement et d’éducation, à hauteur de 30 à 80 % de leur temps. Les personnels qui assurent des missions de préparation de cours et de correction sont présents cinq ou six demi-journées pleines, sur l’établissement, dont une, bimensuelle, de concertation et/ou de plénière. Les autres, sept ou huit, dont une, bimensuelle, de concertation et/ou de plénière. La direction de l’établissement est collégiale et institutionnelle. Les personnels du collège fonctionnent en assemblées générales et celles et ceux qui le souhaitent se sont organisés en syndicat des travailleurs-ses de leur établissement et ont déposé ses statuts.
Son collège a fondé une coopérative de biens et de services, et s’est relié à une AMAP. Il participe, activement, à la vie sociale et culturelle de la ville, et au développement du Grand Paris (!).

Sébastien MARGUET

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