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La chanson de Craonne censurée dans l’Indre

Sur le site de la fondation Besnard, Jean Marc Luneau commente un article paru il y a une dizaine de jours dans la Nouvelle République du Centre Ouest relatant la censure de la Chanson de Craonne par l’académie de Tours lors de la commémoration du 11 novembre. Comme d’autres alertés par les “maladresses” du président Macron, il dénonce la confusion entretenue entre commémoration militaire, souvenir de la grande guerre et enseignement de l’histoire. Il est légitime de s’interroger sur le basculement du discours et des rituels de cette fin de période commémorative : peu de discours pour dénoncer le massacre, peu d’hommage institutionnel à l’ensemble des populations impactés par cette guerre, peu d’appel à la paix, mais beaucoup de louange autour de l’héroïsme des généraux…

Voici un article bien édifiant paru dans La Nouvelle République du Centre Ouest, édition de l’Indre. Tout d’abord il montre une censure nette vis à vis d’une chanson qui devrait pourtant être saluée comme “éveilleuse des consciences”. Ce qui est chaque jour (hypocritement ?) demandé aux enseignants. Mais il est vrai que dans une époque où pour justifier la présence d’une militaire à la direction pédagogique de l’Éducation nationale, une commentatrice du “café pédagogique” écrit que c’est une bonne chose car les militaires sont “de grands professionnels” (sic) on ne doit pas s’étonner [de voir s’exprimer d’une censure toute militaire dans le domaine du mémoriel]

Au-delà de cette censure totalement pétainiste (Au sens premier du terme), c’est bien le dirigisme moral et soi-disant patriotique, articulé sur des obligations et des interdits contrôlés par une hiérarchie sourcilleuse, que l’on retrouve ici.
C’est aussi la main mise du ministère de l’éducation nationale sur les contenus pédagogiques, bien qu’il s’en défende, qui est révélée ici. Car à quoi peut obliger un programme ? Dans ce cas, dire que l’on doit à tel ou tel niveau de classe étudier la première guerre mondiale. Mais en aucun cas dicter ce qui doit en être dit. Car même si la notion de séparation des pouvoirs ne s’applique malheureusement pas à l’éducation nationale c’est bien de cela qu’il s’agit. Et si l’on invite des élèves à une commémoration, c’est pour qu’ils participent avec ce qu’ils ont étudié, appris, découvert et non pour qu’ils soutiennent d’une façon toute stalinienne (façon que nos dirigeants pourtant dénoncent avec force) la gloire de l’État. On remarque même dans cet article que le représentant de l’État qui démagogiquement finit par autoriser, hors commémoration, que cette chanson soit entonnée par les élèves qui l’ont travaillée, obtient que, comme un antidote sans doute pour tous ces gens qui sont dans l’égarement, soit aussi chantée la Marseillaise.
Le mot de “réactionnaire” trouve ici tout son sens.
Jean-Marc Luneau

Extrait commenté de l’article de Jean-Michel Bonnin :

La Chanson de Craonne reçue à l’oral de rattrapage
La chanson interdite de cérémonie du 11 Novembre par le directeur
académique, a été interprétée hier, en sa présence, par 170 scolaires.

Il n’y a jamais eu de polémique, affirmait, hier matin, le directeur académique des
services de l’Éducation nationale (Dasen). Pierre-François Gachet venait d’écouter 170 jeunes Blancois interpréter La Chanson de Craonne

. Cet intermède, programmé au collège des Ménigouttes, constituait le dernier acte d’une querelle engendrée par la commémoration du 11 Novembre. Le représentant de l’Education nationale avait, en effet, interdit aux écoliers de Tournon-Saint-Martin de restituer en public la chanson qu’ils répétaient depuis plusieurs mois. Julien Natali, père d’élève, avait dénoncé une « atteinte à la liberté d’expression ». Mais le Dasen était resté intraitable, précisant que « les cérémonies du centenaire doivent être des moments de recueillement et d’union nationale. Faire chanter Craonne par les enfants, en de pareils moments, peut être une source de division. »

Si le texte a tout de même été interprété par des jeunes à Tournon-Saint-Martin, il l’a été également au Blanc, par une partie de l’assistance, ce qui avait entraîné une certaine crispation chez les représentants de la gendarmerie et du corps préfectoral. Pierre-François Gachet avait aussitôt voulu calmer le jeu et l’inspecteur de circonscription s’était déplacé dans une école blancoise pour écouter les paroles polémiques. Hier, M. Gachet est venu en personne au collège des Ménigouttes où les élèves de l’établissement et ceux des écoles Jules-Ferry et de Ville-Haute ont à leur tour repris cet air des tranchées avant de chanter La Marseillaise sous la direction de Ludovic Dromaint, professeur de musique. « Nos élèves travaillent sur le sujet depuis le mois d’octobre ; c’est pour eux une juste récompense » expliquait Maxime Boucherit, directeur de l’école primaire de Ville-Haute. « Je ne connaissais par cette chanson et c’est une façon de rendre hommage à ceux qui se sont battus pour nous », notait Eddy, collégien de 14 ans. Après avoir applaudi chaleureusement les interprètes, Pierre-François Gachet a souligné que La Chanson de Craonne reçue à l’oral de rattrapage que ce moment avait permis « de montrer l’attachement à tous ceux qui sont morts et saluer le travail pour la paix. » La sous-préfète, Sandrine Cotton, a ajouté qu’il est bon d’associer tous les âges à ce devoir de mémoire. Même Julien Natali avait été invité. S’il admettait que les échanges avec le Dasen avaient été courtois, il rappelait qu’il aurait préféré entendre La Chanson de Craonne le Jour J : « Qu’elle soit partielle ou totale, c’est une censure ! »

Jean-Michel Bonnin La Nouvelle république, 24 novembre 2018

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