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L’empowerment par la pédagogie féministe postcoloniale

La pédagogie féministe a développé des pratiques non-sexistes en s’appuyant sur la notion de « genre ». Au sein des courants féministes, le courant postcolonial s’attache à montrer la diversité des voies d’émancipation des femmes relativement à l’ancrage géographique local dans lequel elles se situent.
L’article ci-dessous à partir de la perspective d’une pédagogie féministe post-coloniale s’intéresse aux stratégies pratiques qu’il est possible de développer, non pas seulement pour déconstruire les stéréotypes, mais également pour favoriser l’empowerment des filles et des femmes.

Construction d’une pédagogie féministe pour une citoyenneté transformatrice et contre-hégémonique

Texte original : Martínez Martín, I. « Construcción de una pedagogía feminista para una ciudadanía transformadora y contra-hegemónica ». Foro de Educación, (2016).

Traduction 04/10/16

Nous vivons dans un monde où les femmes et les filles représentent 70 % de la population pauvre c’est-à-dire des personnes qui vivent avec moins d’un dollar par jours selon les données du PNUD, un monde dans lequel 90 % des familles pauvres ont comme chef de famille une femme ; un monde où les femmes ne sont propriétaires que de 1 % des terres ; un monde où les femmes représentent deux tiers de la population analphabète.

Dans un monde où ces inégalités sont globales, Kaber ou Tomasevsky s’interrogent sur ce qui se cache derrière ces catégories telles que féminisation de la pauvreté, analphabétisme ou violence. En d’autres mots, ils se demandent : « Pourquoi le développement hégémonique marginalise les femmes, ne voit pas leurs espaces, leurs pouvoirs, leurs expériences et leurs savoirs ?

Pour répondre à ces questions, nous devons comprendre nos sociétés comme une organisation dichotomique (nord/sud, homme/femme, riche/pauvre, public/privé…), hiérarchique, patriarcal et hétéronormatif ; où les relations de genre se basent sur des structures de répartition du pouvoir et de l’inégalité. Ce système se sert de divers mécanismes qui normalisent l’imaginaire patriarcal, au moyen : de l’éducation, des médias, de la socialisation familiale, de la culture, des traditions et des religions.

Rompre avec ces mécanismes de socialisation de la culture de genre implique : 1) de visibiliser, prendre conscience et réviser notre position dans la structure sociale – A partir d’où parlons nous ? 2) analyser et dé-construire les divers imaginaires patriarcaux et leurs mécanismes de normalisation 3) re-construire et proposer de nouvelles formes d’être, de savoir, d’être et de faire citoyenneté où l’équité, l’égalité, la liberté et la justice sociale sont des alternatives à l’inégalité et à la violence. Dans ce processus de révision critique constant du système patriarcal l’éducation occupe une place fondamentale.

L’éducation, comme la culture ou la socialisation, ne sont pas des éléments neutres, car il peuvent être responsables de normaliser et de reproduire les sociétés inégales ou bien peuvent servir comme outils de transformation pour une citoyenneté égalitaire.

En accord avec la seconde idée, cet article partage la compréhension de l’éducation comme pratique de la liberté. En paraphrasant Freire, nous parlons d’une éducation qui soit capable de visibiliser les inégalités, de prendre conscience d’elles, de rompre avec les mécanismes de leur normalisation et de créer, de générer et de construire des alternatives d’action. Dans ces termes, une éducation comme pratique de liberté se définie également comme féministe dans la mesure où elle transforme et appuie les relations sociales, humaines, pour l’égalité et la justice sociale.

Ainsi, une éducation comme pratique de la liberté et féministe est une éducation qui ne reproduit pas les mécanismes qui relèguent les filles et les femmes dans l’espace privé, au travail domestique infantile, aux mariages et aux maternités non désirées, aux traditions culturelles machistes, aux travaux non-déclarés, sous-valorisés, à la déscolarisation ou à la difficulté d’accéder à des postes de leaders.

Dans ce sens, le féminisme se transforme en une puissante option de changement visant la recherche, la défense et la proposition de construction de relations de genre basées sur l’équité et générant des alternatives d’action devant les mécanismes de reproduction des inégalités. Dans cet article, les mots relatifs à féminisme, éducation, femmes, perspective de genre, citoyenneté, développement, empowerment et critique vont définir une forme particulière de savoir, être et de faire.

De cette manière, cet écrit a comme objectif principal :

a) de défendre l’inclusion d’une perspective de genre post-colonial et contre-hégémonique dans les actions éducatives pour le développement d’une citoyenneté critique

b) de dé-construire les éléments qui normalisent les relations d’inégalités entre hommes et femmes

c) de promouvoir les stratégies pour la construction de nouveaux imaginaires d’être femmes et hommes

d) d’organiser l’empowerment féministe comme une stratégie éducative et d’améliorer la qualité de vie des personnes

e) de proposer la formation d’enseignant sous l’angle du genre comme élément nécessaire pour développer une pédagogie féministe.

1.1. Approche du concept de genre depuis une perspective critique et postcoloniale

Dans les années 1970, en Occident, s’est popularisé au sein du mouvement féministe le slogan « le personnel est politique ». En tenant le pari de cette revendication, j’entame cet article en défendant un positionnement politique, idéologique, social et culturel à partir duquel je vais analyser et proposer différents contenus.

Le genre existe dans les relations entre les personnes, l’économie, la politique, la culture et les sociétés. Ce concept n’est pas neutre. Il fait référence aux relations de pouvoir entre les hommes et les femmes, ce qui cause de grandes inégalités – que ce soit sur le plan collectif ou individuel – et qui a des conséquences sur les apprentissages, la culture et la société. Le concept de genre se caractérise par le fait d’être un terme complexe, étudié par différentes disciplines – la philosophie, la psychologie…- et est en constante évolution.

Lagarde mentionne le genre comme ce qui est présent dans le monde, dans les sociétés, dans les sujets sociaux, dans leurs relations, dans la politique et dans la culture : chaque femme et chaque homme synthétise et concrétise dans l’expérience de son existence le processus socio-culturel et historique qui le fait être homme et être femme.

Olivia rappelle que la compréhension du genre a été en évoluant au long de l’histoire au sein des différentes théories féministes. La catégorie de genre se comprend comme « une perspective qui se retrouve à tous les niveaux de la société et se constitue comme un des instruments utiles pour analyser et expliquer les relations d’inégalité et de pouvoir entre hommes et femmes ».

La notion de genre s’étend et se fait indispensable dans l’analyse des relations sociales et du développement humain ». La catégorie de genre apporte les éléments nécessaires pour analyser et comprendre les diverses relations de pouvoir entre hommes et femmes, dans une culture et une société déterminée. Ce concept fait référence aux catégories, aux commandements, aux rôles, aux stéréotypes… véhiculés avec l’idée de masculinité et de féminité dans les sociétés. Ces commandements constituent les éléments clefs pour la normalisation de la culture de l’inégalité, où le masculin est associé avec le pouvoir et la supériorité (intellectuelle, physique, de fonction sociale…) et le féminisme à la soumission et à la dépendance.

Le genre comme catégorie sociale construite est en relation avec la culture. Dans ce sens, Amoros analyse comment les femmes sont reconnues comme femmes, en fonction de la culture qui entoure la construction des identités. Cette idée de culture doit être comprise comme des cultures qui ne sont ni statiques, ni homogènes. Pour lui, cela revient à reconnaître que la construction des relations de genre varie d’une société à une autre, d’une époque à une autre. Cela n’a pas la même signification d’être femme ou homme dans les pays occidentaux, dans les pays arabes, latino-américains ou africains, ou d’être une femme de haute classe sociale blanche et diplômée, que d’être une paysanne noire, sans études et mère célibataire.

Pour contredire la thèse de l’homogénéité culturelle, apparaît une autre manière de comprendre la construction de l’inégalité à partir du croisement de différentes dominations dérivées du : genre, de la classe, de l’ethnie, du lieu géographique… Ce croisement des dominations est défini depuis la pensée de l’intersectionnalité et de la transculturalité. Cette pensée entrelace toutes les formes d’oppression créant un système de multiples formes de discrimination, en essayant d’éviter les visions partielles, ethnocentriques et homogènes.

Le compréhension du genre, des expériences, des rôles, des occupations… des femmes et des hommes varient en fonction de la culture, du pays, de la classe, de l’ethnie… et en définitif du contexte dans lequel nous nous trouvons et dans lequel nous menons à terme les pratiques éducatives, les actions de développement de la citoyenneté et les politiques.

Le genre, tel qu’il a été défini, est à l’intersection de diverses dimensions qui constituent les citoyennetés et il est transversal à toutes ces dimensions.

Cette compréhension des différences est rappelé par les féminismes post-coloniales. Ces mouvements féministes apportent un cadrage basé sur des droits, des perspectives interculturelles, dans des visions locales qui dépassent les visions victimisatrices et les identités culturelles diverses.

Par exemple, Tripp, se réclamant de cette perspective, attire l’attention sur la dimension culturelle de la résistance au changement dans les relations de genre et les cultures patriarcales. L’auteure propose que les pratiques culturelles dont pâtissent les femmes soient traitées comme un problème politique plus large qui ne se limite pas à l’intervention féministe à travers des réformes légales décontextualisées, mais en valorisant, par exemple, au travail d’éducation continue et communautaire.

Vieitez, en partant de la situation concrète, des femmes africaines, signale l’importance de lier l’inégalité de genre avec l’empreinte politique, sociale et économique d’une société précise, et propose d’incorporer les stratégies et les réactions – individuelles et collectives – des femmes contre les idéologies androcentriques dominantes, ainsi que leurs propres conceptions du féminisme et de l’inégalité de genre.

L’auteure citée précédemment, soutient, que lier les réalités de genre de chaque société spécifique avec l’économie, la culture ou la politique favorise la possibilité de réfléchir au sujet des rapports sociaux et des rôles de genre. Pour cette auteure, le statut des femmes est en relation directement avec leur rôle dans la reproduction et la production sociale et comment sont valorisées ces dimensions dans chaque société.

La complexité de cette introduction révèle que nous nous trouvons devant une thématique d’étude conflictuelle, dynamique et ouverte, où la culture croise la politique, l’économie, la sexualité, l’éducation et la construction de la citoyenneté. Dans ce sens, cet article se positionne dans une compréhension du genre comme construction culturelle, multidimensionnelle et dépendante de chaque contexte, où les diversités et l’inclusion des différences sont des éléments fondamentaux pour la construction d’une citoyenneté juste et équitable.

2. Discussion théorique : apports de la pensée féministe postcoloniale à la construction d’une pédagogie et d’une citoyenneté transformatrice

Dans la partie antérieure, on a fait un rappel à la prise de conscience d’imaginaires culturels qui normalisent les inégalités basées sur le genre. Comme réponse à cette réalité, cela prend sens d’inclure un regard féministe dans l’action éducative pour la construction de citoyennetés transformatrices. […]

Cet article se base sur la pensée féministe, postcoloniale et critique dans une perspective d’obtention de droits, ce qui constitue la base pour l’analyse des inégalités et la dé-construction des logiques dominantes.

Cette approche reconnaît la diversité des cultures, des savoirs, des identités et des expériences. Ainsi, différents auteurs questionnent la généralisation du concept de genre occidental à d’autres cultures non-occidentales, parmi celle-là, Bakare-Yusuf […] signale que la généralisation de l’organisation sociale en fonction d’une idée excluante de genre « occidentale et coloniale » est fausse. Elle se demande si « toutes les masculinités sont un canal de pouvoir et si tous les corps féminins sont intrinsèquement subordonnés, c’est-à-dire, s’il y a toujours un lien entre le corps physique et le corps social ».

Face aux logiques de pensée dominante, capitaliste et patriarcale, des voix critiques surgissent qui dénoncent la compréhension unidimensionnelle des relations de genre et d’inégalité, comme une forme de plus du colonialisme intellectuel-occidental. En suivant Suarez et Hernandez, cette perspective base sa critique sur une pensée hégémonique qui se positionne dans une division structurelle de pouvoir, laissant à la marge les féminismes chicanas, islamiques, andins, égyptiens, ougandais, nigérians… qui « revendiquent des identités culturelles propres en même temps qu’il s’affrontent aux traditions patriarcales ». Les féminismes et pensées « non-occidentales » ne rencontrent pas de réponses à leurs besoins spécifiques dans les luttes classiques féministes européennes et nord-américaines et dénoncent que les féminismes de ces zones de la planète « se considèrent comme mondiales, ignorant les effets du colonialisme et de l’impérialisme dans la vie des femmes ».

Pour s’opposer aux conceptions homogénéisantes des féminismes « occidentaux », les discours des féministes postcoloniales se centrent sur une réflexion sur le pouvoir politique et économique pour « décoloniser le féminisme » et lutter ainsi pour des relations justes entre les femmes et les hommes.

Les féminismes postcoloniaux s’identifient à la thèse de Mohanty qui affirme que « peut-être il ne s’agit pas seulement d’un « regard occidental », mais de comment l’Occident est à l’intérieur et reconfigure constamment et globalement les termes de race et de genre ».

Mohanty analyse les problèmes fondamentaux du discours féministe occidental en montre son inadéquation avec la présomption que toutes les femmes forment un groupe homogène quant à leurs intérêts, dans la non-prise en compte des différences de classe, d’ethnie ou de situation géographique ; l’universalisation des expériences des femmes, et l’organisation dichotomique des discours féministes occidentales – l’opposition homme/femme, femme du tiers monde/ femme occidentale féministe…

En suivant ces réflexions théoriques, les féminismes postcoloniaux se reconnaissent comme un mouvement politique complexe et dynamique, basé sur une conception large de la culture, qui établie de nouvelles propositions de diversification du féminin (et du masculin) et dénonce l’exclusion que font les « féminismes blancs » en considérant les « autres femmes » comme des victimes passives.

Face à ces axes de pensée – d’un monde dichotomique et hiérarchique- Mohanty fait une lecture de la diversité culturelle comme la nécessité de la décolonisation des savoirs en vue de comprendre et d’inclure les différences (sans tomber dans le relativisme culturel) et de centrer la focale sur l’action des femmes et leur capacité de transformer au niveau local les pratiques qui les infériorisent et les invisibilisent.

Dans ce sens, selon Jabardo, la pensée postcoloniale inclut l’obligation de reconstruire depuis le populaire, le local, le subalterne… des interprétations culturelles qui ont été contraintes de subsister aux marges des logiques dominantes, en proposant la nécessité d’une dé-construction coloniale de la pensée et des actions.

L’auteure citée reconnaît qu’il n’existe pas un féminisme unique, ni un féminisme meilleur qu’un autre. Selon cette position, nous pouvons parler d’une intersectionnalité entre les différentes pensées féministes (blanches, noires, arabes, africaines, latinas…).

Selon Jabardo, les féminismes subalternes ou postcoloniales forment une partie des « autres inappropriables », c’est-à-dire, de ces femmes qui ne rentrent pas dans les catégories hégémoniques et qui produisent de nouvelles narrations pour :
a) Se re-approprier leur sexualité
b) comprendre les divers types de familles au-delà du modèle nucléaire
c) dépasser les rôles stéréotypés de genre
d) Reconceptualiser les hiérarchies de pouvoir patriarcal (où l’on comprend la catégorie de genre comme une de celles qui génèrent de l’oppression)
e) Elargir les espaces des femmes et des hommes ;
f) faciliter la compréhension de la collectivité des femmes, par exemple dans la distribution communautaire, les économies séparées, les réseaux féminins et leurs propres stratégies et espaces de pouvoir des femmes.

Cela conduit à mettre en valeur l’attitude critique du féminisme postcolonial face aux mécanismes de pouvoir et aux problèmes endémiques d’inégalité de genre (l’éducation, la santé ou la maladie, entre autres) habituels dans les sociétés globales et patriarcales où nous vivons.

Inclure une pensée post-coloniale implique, pour des raisons que l’on a exposé, d’organiser la connexion des différences, la multi-dimensionnalité et l’union entre le féminisme, l’éducation, la citoyenneté, de manière à analyser les processus pour la construction de modèles alternatifs basés sur la justice et l’équité.

2.1. Qu’entendons nous par citoyenneté transformatrice en termes de genre ?

A l’intérieur du cadre de pensée postcoloniale, on établit comme défi d’inclure les différences culturelles et identitaires dans la construction d’une pédagogie et d’une citoyenneté transformatrice. En ce sens, il s’agit de se demander :
a) Quelle connexion gardent les inégalités de genre avec le développement des diverses citoyennetés ?
b) Quelles stratégies socio-éducatives peuvent être générées depuis la citoyenneté pour faire face à ces inégalités ?
c) Quels apports, bénéfices, critiques… surgissent de l’inclusion d’une perspective de genre post-coloniale et transculturelle dans les actions éducatives ?

Cet article part du questionnement d’une éducation comme reproductrice d’inégalités sociales et de genre, c’est-à-dire d’une pédagogie au service des logiques économiques dominantes. Comme alternative, on propose une perspective éducative depuis des positions critiques, en accord avec la pensée post-coloniale et féministe, et qui a comme objectif un développement transformateur […].

Les pédagogies critiques et émancipatrices mettent en lumière qu’il n’est pas possible de rester neutre face aux inégalités, que ce soit de genre, d’ethnie ou de classe. Les études réalisées avec une perspective décoloniale permettent d’affirmer que la base des inégalités ont des racines structurelles et que la solution devra venir d’une transformation du système culturel, social en agissant à différents niveaux d’action.

L’inégalité, y compris celle de genre, se construit, évolue et répond à la globalisation culturelle, économique et sociale qui marque l’ordre du monde actuel. On pourrait penser que l’inégalité de genre est le problème en soi, mais l’origine du problème est plutôt « la base culturelle qui soutient les structures de pouvoir des communautés qui sont la cause des résistances au changement ».

Pour découvrir et déconstruire cette base culturelle qui normalise les inégalités, les mouvements féministes postcoloniaux défendent la prise en compte d’une perspective de genre dans les différentes dimensions de la citoyenneté, dont l’éducation est une part fondamentale.

Cette perspective comprise depuis la diversité, la différence et la critique post-coloniale suppose une manière déterminée de penser et d’agir sur les imaginaires patriarcaux qui soutiennent les inégalités de l’organisation sociale.

Parler de changements culturels, sans tomber dans des attitudes ethnocentriques ou d’indifférence, est une tâche complexe. Rodriguez et Hari prenant en compte que toute culture est dynamique, ouverte et hétérogène, observe que les valeurs culturelles sont réinterprétées en fonction des besoins de chaque société. Les auteures comprennent que pour que se produise un changement culturel, il faut un questionnement de cette culture de la part des groupes subalternes et opprimés (comme, par exemple, les propres femmes) donnant lieu à ce que les auteures appellent : un changement culturel pro-équité.

Parvenir à un tel changement culturel pro-équité sera possible seulement si nous éduquons pour une citoyenneté émancipée, active et avec une auto-conscience critique. Selon Argibay et Celorio nous devons éduquer pour une citoyenneté critique des citoyens-nes actives au niveau local et global, c’est-à-dire éduquer pour une citoyenneté engagée pour des droits humains, la responsabilité sociale, l’équité, la prise de conscience de la disparité des formes de vie et la nécessité de participer à des actions démocratiques qui influencent les actions politiques, sociales et économiques qui favorisent un développement soutenable. Ainsi conçue, l’éducation s’organise comme une discipline intégrale et orientée vers la participation active des populations qui ont comme scenario et comme but l’équité. […]

Compris comme cela, l’éducation a le devoir d’éduquer avec et pour une citoyenneté critique. Pour Tomasevski, cela signifie de donner à connaître les droits, en lien avec des devoirs réciproques, en plus de former un outillage et des stratégies pour la défense et l’acquisition peu à peu de l’exercice de la citoyenneté.

De la même manière, Gimeno introduit l’idée que sans égalité et sans justice sociale, la citoyenneté est impossible car l’individu et le groupe opprimé resteraient exclus socialement et sans avoir de moyens pour l’exercer. Ainsi, l’auteur signale qu’éduquer un citoyen ou une citoyenne de plein droit est le résultat d’un processus éducatif où l’équité est l’objectif principal.

Citoyenneté, éducation et inégalité, sont des termes en lien dans la recherche d’un monde construit et pensé depuis la justice sociale et l’équité. Inclure une perspective de genre dans l’intersection de ces concepts aidera à dépasser les visions simplistes de la réalité qu’ils recouvrent : la citoyenneté comme une carrière individualiste et compétitive ; l’inégalité comme une caractéristique intrinsèque des sociétés, et l’éducation comme un simple système de reproduction des logiques dominantes.

Repenser les anciens termes sous l’angle féministe facilitera la recherche, la compréhension et la définition des causes structurelles des inégalités sociales et de genre, et non pas seulement les conséquences. En outre, cela permettra de mettre en relation toutes les dimensions qui interviennent dans le développement d’une citoyenneté contre-hégémonique en terme de genre et d’étudier la manière de rompre avec les dynamiques qui sous-tiennent les pratiques inégalitaires.

En définitif, inclure une perspective de genre dans les actions éducatives pour une citoyenneté transformatrice aidera à  visibiliser et valoriser les voix subalternes de femmes et d’homme qui sont pour l’égalité, de générer des espaces pour la transformation culturelle, de souligner le caractère clé de l’éducation dans ces processus et d’ouvrir un chemin vers une citoyenneté basée sur la justice sociale.

[…]

4. Discussion et propositions d’action : Pédagogie féministe comme mécanisme d’empowerment à la citoyenneté.

En nous basant sur les théories féministes présentées antérieurement, parler d’une pédagogie avec une perspective de genre, c’est parler de la multidimensionalité, de l’inclusion des différences et de la critique sociale, en faisant de ces caractéristiques une valeur ajoutée par rapport à d’autres types de pédagogies fermées et statiques.

Le féminisme, associé avec la pédagogie, implique un dépassement d’une éducation entendue comme transmission et reproduction des inégalités. Blanco rappelle que l’éducation et la culture doivent être au service de la croissance des personnes et de notre socialisation. L’auteure, en citant Maria Zambrano, comprend que l’éducation « consistera avant tout à guider la personne dans sa marche responsable à travers le temps. L’éduquer, ce sera l’éveiller ou l’aider à ce qu’elle se réveille à la réalité de telle sorte que la réalité ne submergera pas son être, ce qui lui est propre, ne l’opprimera pas, ni se s’effondrera sur elle ».

Les paroles de Zambrano nous ramène à la compréhension de l’éducation comme préparation pratique du sentiment de liberté. La pédagogie féministe, dans ce sens, se conçoit comme le fait que l’éducation est une préparation pour l’autonomie et l’empowerment.

Parvenir à de tels objectifs suppose de diffuser la pédagogie avec des actions orientées vers l’émancipation et la critique sociale, la diversité et le respect culturel, qui en paraphrasant Freire consiste à organiser un manière d’atteindre avec une autre approche le sentiment de connaissance et le rôle indispensable que doivent y jouer les éducateurs/trices.

La pédagogie féministe comprend l’éducation comme un ensemble de processus et de relations d’autorité (qui n’est pas de l’autoritarisme) où l’on se reconnaît et l’on se respecte l’un et l’autre. Blanco, en faisant référence à Hannah Arendt, rappelle que l’éducation est un espace, entre le public et le privé, entre la société et la famille, dans lequel nous assumons la responsabilité d’établir la continuité du monde.

En choisissant une pédagogie féministe, nous reconnaissons qu’il est nécessaire de rompre les barrières et les narrations andro-centriques et coloniales où existe une seule manière (blanche et masculine) de connaître et où on légitime un type unique de connaissance valable. Au contraire, reconnaître l’existence d’une variété de savoirs qui incluent les subalternes implique de tenir compte de l’existence de multiples sujets expérientiels, que ce soient des hommes ou des femmes, des blancs ou des noirs… sans hiérarchie et sans dichotomie dans ces connaissances.

En même temps que la reconnaissance de la diversité des savoirs, la pédagogie féministe reconnaît la nécessité de faire une révolution des hommes – et pas seulement des femmes – en promouvant la construction de nouvelles masculinités. Blanco se demande : « à quoi cela peut-il servir aux garçons ou aux hommes, ce pari pour visibiliser les savoirs des femmes ? ». Ce à quoi l’on peut répondre « pour avoir une vision plus adéquate et plus réaliste du monde, de la connaissance et d’autres types de relations avec lui, apprendre d’elles et se donner une référence différente ».

Dans les contextes de changement – où prédominent de nouveaux modèles familiaux, rôles sociaux, relations interculturelles ou identités sexuelles – la redéfinition des modèles de masculinité contribuera à dépasser la traditionnelle culture androcentrique et apportera les clefs indispensables à la construction de citoyennetés alternatives.

Les théories des nouvelles masculinités, parmi celles que soulignent Deina et Greco, prétendent redéfinir les rôles masculins et féminins en partant du changement des relations de pouvoir, où apparaissent des formes alternatives d’être homme par rapport au modèle dominant – blanc et hétérosexuel-. Il s’agit de déconstruire les caractéristiques du comportement et de l’action hégémonique, de reconnaître la diversité, de rompre avec la dichotomie entre le public et le privé (en visibilisant aussi bien les femmes que les hommes au sein de ces sphères) ; de favoriser les relations respectueuses, d’éduquer à la sexualité sans imposer des stéréotypes fermés, d’inclure toutes les réalités et de partir des intérêts propres des filles et des garçons.

Ainsi, cet article à partir de son positionnement féministe, éducatif et populaire, reconnaît le lien qui s’établit entre le paradigme éducatif critique et féministe postcolonial, en intégrant différentes dimensions du genre, de la classe, de l’ethnie, de la génération, de la sexualité et de la masculinité…

4.1. Systématisation des principaux traits de la pédagogie féministe pour une citoyenneté transformatrice

Pour étudier le processus de construction d’une pédagogie féministe, cet article prend en compte les analyses provenant de différents courants de pensée : pédagogie critique, féminismes post-coloniaux, nouvelles masculinités, citoyennetés alternatives.

Dans le langage postcolonial exprimé, entre autres, par Mohanty, on fait référence à la récupération et à la valorisation des savoirs subalternes depuis les frontières, les marges et les expériences. Mohanty se questionne sur « Comment intégrer les différentes formes de connaissance, de faire et d’être des femmes dans l’éducation ? ». L’auteure argumente qu’il existe une brèche de connaissance entre le local et global, le nord et le sud, le masculin et le féminin, en lien avec le genre. Elle défend en ce sens, la nécessité de pédagogies anti-globalisation et anticoloniales en termes féministes.[…]

En lien avec ces projets, elle souligne les principaux traits qui définissent la construction d’une pédagogie féministe postcoloniale et critique :
– Partir d’une éducation politique et féministe, laquelle on devrait inclure des enseignements sur une citoyenneté active dans les luttes pour la justice sociale.

Ces propositions permettent à Mohanty d’aborder différents fronts pour dépasser les inégalités et assumer – depuis les pédagogies féministes, critiques, postcoloniales et anti-globalisation – les processus d’investigation et d’action sur les expériences de justice, de culture, de pouvoir et d’équité à partir de postures inter- et trans-culturelles.

– Répondre au défi de « Comment faire une éducation depuis l’expérience et les savoirs des femmes ? ». Fennelle et Arnot […] proposent :

1) De déconstruire les concepts dominants dans la théorie universelle du genre (langage, idées, théories et modèles….)
2) Faire la critique des simplifications et des généralisations des narrations dominantes au sujet des femmes dans les territoires du Sud.
3) Décoloniser la diversité des expériences des femmes, leurs luttes, leurs négociations, leurs résistances et les formes d’oppression…
4) Inclure des points de vue locaux, comprenant des aspects comme la maternité ou les relations familiales depuis la compréhension multi-dimensionnelle des rôles de genre
5) Souligner le pouvoir des femmes depuis leurs cultures et leurs expériences propres.

– Eduquer à la capacité critique, en comprenant que le monde peut être transformé et compris depuis sa diversité, mais sans tomber dans des attitudes néo-colonisatrices d’assimilation et de relativisme culturel.

– Reconnaître et dé-construire les relations de pouvoir et d’éducation. En suivant, Cabello et Connell, il est autant nécessaire de garantir l’accès à l’éducation des femmes et des filles, que de reconnaître leurs expériences propres pour les inclurent comme des savoirs valides à l’intérieur des curricula éducatifs. […]

– Orienter les processus d’enseignement et d’apprentissage féministe vers un développement de la citoyenneté locale, autant que global, comme une forme de promotion humaine qui contemple la culture de chaque contexte concret, ses possibilités et ses limites.

– Relire la réalité, nos pratiques, à partir des savoirs populaires et des contenus culturels rendant possibles l’appropriation critique de ceux-ci, et connaître les stratégies et pratiques collectives qui cherchent la transformation et la libération des diverses oppressions et qui revendiquent l’importance de l’altérité pour la construction d’un projet émancipateur.

– Promouvoir une dimension dialogique qui se fonde sur l’importance de la diversité narrative dans les histoires de vie, dans les réflexions partagées et dans la construction collective de la connaissance.

Cet ensemble de traits favorisent le développement personnel et citoyen, l’expansion des capacités individuelles et collectives, l’élargissement du répertoire des alternatives, la réalisation des libertés, la prise de conscience et la réduction des problèmes et des causes structurelles, ce qui converge vers un empowerment des personnes et un renforcement du tissu social pour l’action.

Pour construire cette pédagogie, en mettant en pratique les traits définis, cet article considère la formation du professeur comme un outils fondamental comme le souligne la partie suivante.

4.1.1. Formation du professeur, outil essentiel d’une pédagogie féministe et d’une citoyenneté transformatrice.

Mener à terme des pratiques socio-éducatives féministes dont les objectifs sont de transformer les imaginaires d’inégalité et de construire des citoyennetés en terme de genre, requiert une implication active de la communauté, de la reconnaissance des savoirs propres, des processus de réflexion et d’actions critiques pour la prise de conscience individuelle et collective.

Pour atteindre ces objectives, en suivant Imbernon, il est nécessaire de reconnaître que l’éducation ne doit pas seulement reconnaître l’accès au pouvoir, mais qu’en outre, elle doit former à son usage. Dans ce processus, la formation du professeur se révèle fondamental pour la transformation des imaginaires et des cultures […]

Déjà Freire, depuis la pédagogie émancipatrice, faisait référence à la nécessité d’une prise de conscience et à l’engagement à travers l’éducation pour nous rendre plus libre et en finir avec l’oppression des apprenant-e-s. L’auteur proposait de rompre avec les structures de pouvoir qui avaient soumis les opprimés en les soumettant à une culture du silence – l’analphabétisme et l’éducation bancaire et aliénante – et qui a perpétué les systèmes de développement inégalitaires. Dans les termes de l’auteur, pour cette culture du silence : « exister c’est seulement vivre, penser est difficile, parler, c’est interdit ».

Sousa reconnaît le défi que suppose de visibiliser les autres formes de savoir depuis une pensée plurielle, contre-hégémonique, transformatrice et émancipatrice, devant la reproduction d’un unique modèle de rationalité capitaliste, patriarcal et colonial.

La pédagogie féministe relève ce défi et y apporte un nouveau regard : penser et faire l’éducation, et en particulier considérer la formation des enseignants comme la stratégie principale.[…]

Le discours de la pédagogie féministe, en accord avec les propositions émancipatrices, essaie de rompre avec l’ancienne dynamique qui empêche de mener à terme les pratiques éducatives et enseignantes de qualité et avec équité. Pour cela, en suivant la prémisse féministe : ce que l’on ne nomme pas, n’existe pas, c’est-à-dire on éduque aussi bien depuis pas la présence que depuis ce que l’on invisibilise, on reconnaît que toutes les dimensions éducatives sont traversées par une forte charge de genre (depuis la distribution des espaces jusqu’à la formation des professeurs).

En unissant cette analyse avec le concept d’empowerment et avec la construction de citoyennetés alternatives basées sur la diversité, Simon dénonce que nous « sommes en train d’éduquer dans l’idée uniforme d’égalité, mais sans éduquer à l’égalité et pour l’égalité ». Il soutient que l’angle des actions éducatives dominantes ne questionne pas les structures patriarcales, mais qu’elles s’intègrent à elles (avec des programmes d’égalité), sans parvenir à réaliser un processus éducatif de réelle praxis émancipatrice et libératrice.

Pour rompre avec cette éducation « égalisatrice » mais non critique, selon l’auteure, on a besoin d’une perspective féministe et post-coloniale qui se préoccupe de générer des processus de conscientisation et favorise la prise de parole et son expression. L’éducation supposera alors un outillage essentiel pour l’acquisition d’une série d’habiletés et d’apprentissages liés à un processus d’empowerment : dialogue, résolution de conflit, prise de décision, auto-estime, reconnaissance… qui reprenant les idées de Freire, feront de l’éducation un outils pour être capable de donner de la voix, pour être entendu, en mettant au centre les personnes et leurs relations.

Simon signale comme des lignes directrices éducatives de base qui favorisent la formation du professeur avec une perspective féministe, les points suivant :
a) Élargir notre point de vue sur l’analyse de la réalité, sans se limiter à un seul point de vue
b) Analyser notre langage et notre pensée de manière critique, afin d’apprendre à nous nommer et à nous exprimer en tenant compte de la diversité
c) Ouvrir des espaces et des temps pour permettre aux personnes de s’encapaciter au moyen de l’usage du dialogue comme apprentissage.

Selon tout ce qui a été dit avant, une formation du professeur qui prend en compte une perspective de genre postcoloniale et critique doit prendre en compte les ressources stratégiques suivantes :

1) Systématisation critique des bonnes pratiques et expériences positives de lutte contre l’inégalité

2) Reconstruction avec une perspective de genre des différentes dimensions formatives du professorat, comme par exemple le déroulement des projets, matériels, systèmes d’évaluation, relation avec l’entourage, innovations…

3) Création de réseaux communautaires avec des potentiels pour élargir les ressources, les espaces et temps de l’éducation en s’adaptant et en répondant aux diverses réalités sociales.

4) Enquête sur l’action sur les aspects spécifiques de l’inégalité de genre et ses causes.

5) Evaluation et suivi de l’impact de la nouvelle formation afin de transférer les résultats et agir en conséquence.

6) La prise en compte du genre comme caractéristique fondamentale de la formation du professeur, mais aussi comme un aspect transversal au sens où les contenus doivent favoriser :

a) Des questionnements sur les normes de genre
b) La conscientisation sur les positions de pouvoir inégales,
c) L’inclusion des thèmes de genre depuis la diversité et non pas seulement de thèmes sur les femmes
d) Problématisation des questions en lien avec la masculinité hégémonique
e) Reconnaissance de l’héritage et de l’histoire des femmes (construction d’une généalogie des femmes)
f) Dé-construction des stéréotypes assumés par les hommes et les femmes qui se reflètent dans le travail enseignant
g) Généralisation du langage non neutre comme moyen de transformation… et en définitive un corps de contenus qui répondent à la nécessité de nous ré-éduquer et de nous re-socialiser dans des questions de genre en lien avec le contexte.

En lien avec ce qui précède, la formation du professorat devra se construire comme un processus qui prend sens en fonction des nécessités et des possibilités détectées. Pour cela, il est fondamental de partir des expériences d’inégalité, en mettant en relief la nécessité de la transformation. En outre, il pertinent d’accorder de l’autorité aux savoirs du professeur, sans imposer un discours déficitariste, mais en essayant de donner de la valeur à la construction de connaissances et à l’engagement pour l’égalité.

En faisant la synthèse de ces propositions, une éducation qui encapacite doit être en mesure de générer de l’autonomie, de la liberté et de l’émancipation entre des personnes pour les rendre capables de construire des citoyennetés engagées et critiques. Dans ce sens, une formation des professionnels de l’éducation en lien avec le genre doit, en plus d’accomplir les anciens objectifs, être une garantie d’équité, de qualité et de droits humains.

5. Considérations finales : Quelle éducation pour quelle citoyenneté ?

Ce questionnement a guidé les réflexions de tout l’article en analysant les inégalités sociales transmises et perpétuées par un système éducatif au service des logiques patriarcales dominantes et qui en outre reproduit un imaginaire qui normalise l’inégalité.

Comme alternative, on propose une perspective éducative depuis les positions critiques en accord avec une pensée postcoloniale et féministe qui promeut et construit des citoyennetés émancipées en termes d’équité et de justice sociale.

Dans ce processus d’identification, de déconstruction et de re-construction, l’éducation occupe un espace clé à l’intérieur de la pensée alternative. Cet article part de la conviction qu’il n’existe pas une éducation neutre, et que tout projet éducatif assume une série de valeurs, se dirige vers une intention déterminée et se définie par des objectifs et des actions concrètes.

Cette analyse a guidé toute la réflexion et la discussion théorique organisée dans les différents paragraphes. Réussir une citoyenneté sensibilisée, critique, participative et féministe requière une éducation qui prend en compte :

a) La capacité éducative du local, mais également du global
b) L’empowerment individuel et les potentialités du collectif
c) L’inclusion des diversités, des savoirs populaires et des cultures donnant la possibilité de développer dans le processus d’enseignement et d’apprentissage différents acteurs non habituels dans les activités éducatives et de fortifier ainsi le tissu social et la gouvernance des peuples.

Dans cet article on a insisté sur la nécessité de dépasser les messages dominants de l’éducation pour ré-élaborer les dites pratiques depuis des postures innovantes et incluantes, basées sur la solidarité et la justice. L’éducation ainsi pensée a pour objet d’aborder les problèmes structurels d’inégalité pour les comprendre et les interpréter.

Dans ce sens, une pratique éducative critique et féministe pour une citoyenneté transformatrice, comme cela a été défini dans cet article, peut être considérée comme un processus interactif pour la formation intégrale de personnes dynamiques, ouvertes à la participation, actives et créatives, orientées vers l’engagement dans la prise de conscience des inégalités ( de leurs causes et de leurs conséquences) et de l’action sur elles. En définitive, il s’agit d’une éducation active et génératrice d’auto-conscience critique et féministe en faveur d’une citoyenneté émancipée.

Dans l’analyse décrite, la formation du professeur devient un élément essentiel pour l’empowerment et la construction de citoyennetés équitables. Une formation du professeur qui inclut le social et l’éducatif avec une perspective de genre, reconnaît l’éducation comme une action sociale et comprend que les personnes sont ouvertes au monde comme des être sociaux et en communauté.

Pour tout cela, pour répondre au questionnement « Qu’est-ce qu’une éducation pour la citoyenneté ? » on part de l’angle d’une pédagogie féministe, critique et émancipatrice qui provoque :
1) Un processus d’enseignement et d’apprentissage multi-dimensionnel et conscient des inégalités, et garant des habilités et capacités pour la participation et l’empowerment social
2) Un processus de prise de conscience – individuel et collectif – sur notre position dans le monde en apportant des idées et des instruments pour débuter des processus de transformation.

Elles sont nombreuses les voix qui nous aident à construire la dite pédagogie et une citoyenneté transformatrice, particulièrement, dans cet article, on a cité par exemple : Mohanty qui réclame la décolonisation du regard occidental pour la construction de nouvelles formes d’être et de faire et Tomasevsky qui analyse l’indissociabilité des droits, en particulier des droits des femmes et de l’éducation.

Comme point de réflexion final, il faut signaler que pour qu’un acte éducatif soit un facteur d’empowerment et d’émancipation, il suppose des processus actifs de participation et cela, à son tour, impliquera la répartition équitable du pouvoir dans toutes ses formes : de genre, politique, économique, d’influence, de mobilisation, de visibilité, de protestation, d’indépendance, de pensée…. Ce sera au moyen de la transversalité de la perspective féministe dans tout le processus éducatif et de développement que ces idées deviennent une stratégie d’action globale dans l’ensemble des sociétés. […]

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