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Compte rendu atelier 8 et 8 bis – La classe inversée

NB: ces notes ont été prises lors de la seconde session de l’atelier, le vendredi après-midi.

COMPTE-RENDU DE L’ATELIER SUR LA CLASSE INVERSÉE

rédigé par Carine Gabayet

2ème session, vendredi 31 janvier après-midi, 12 à 15 participant-e-s.

Atelier animé par Héloïse DUFOUR, enseignante-chercheuse en neurobiologie qui s’intéresse aux différents moyens permettant aux élèves de s’émanciper et de devenir acteurs voire producteurs de leurs savoirs.

Après 6 années passées aux Etats-Unis où la pratique de la classe inversée se répand rapidement, elle est désormais convaincue de son efficacité. De ce fait, elle cherche aussi bien à en transmettre les principes et variantes qu’à collecter les expériences des enseignant-e-s qui s’y risquent déjà en France ou ailleurs.

Les participant-e-s sont invité-e-s à remplir un QCM sur leurs connaissances et attentes. Certain-e-s l’ont déjà rempli en ligne au préalable.

Les questions finales retiennent mon attention (je les cite de mémoire) : « Que voudriez-vous savoir sur la classe inversée ? » et « Posez une question sur la sur la classe inversée à laquelle vous n’avez pas encore de réponse. » Ah ?! Intéressant. Ca me donne tout de suite, envie d’en savoir plus !

Pourquoi est-ce que je ne pose pas plus souvent ce genre de questions à mes élèves ?

En préambule, Héloïse DUFOUR annonce honnêtement qu’elle a rectifié le contenu de son atelier en fonction de la première session de la veille.

La classe inversée, kézaco ?

Le principe général en est d’ « externaliser » ou de reporter la phase d’apprentissage des connaissances hors de la classe pour consacrer le temps en classe à diverses formes d’activités permettant aux élèves de mieux s’approprier les savoirs.

Le schéma type de la classe inversée pourrait se résumer comme suit, en 3 temps :

 Hors de la classe : apprentissage des connaissances théoriques.

 Hors de la classe ou en classe : rapide vérification de la compréhension que les élèves ont du cours (quizz ou autre).

 En classe : mise en pratique / utilisation des connaissances par les élèves au cours de plusieurs séances.

Pourquoi pratiquer la classe inversée ? Qu’est-ce que cela change par rapport à un cours classique ?

Héloïse DUFOUR se fonde sur la taxonomie de Benjamin BLOOM (1956), revisitée dans les années 1990 par un de ses anciens étudiants, Lorin ANDERSON. « Cette taxonomie classe les opérations intellectuelles mobilisées au cours de l’apprentissage, de la plus simple (bas de la pyramide) à la plus complexe (haut de la pyramide). »1

Pyramide de Bloom revisitée (1991)
(http://www.supportsfoad.com/bloom/la_taxonomie_de_bloom.html)

Or, dans un cours classique, les opérations intellectuelles les plus simples sont effectuées en classe, sur un temps relativement long et en imposant un rythme identique à chaque élève, tandis que les opérations intellectuelles les plus complexes (de « analyser » à « créer ») sont le plus souvent reléguées à la maison, sans aide extérieure ni du/de la professeur-e, ni des camarades. Ceci vaut bien sûr tout particulièrement dans le secondaire, où les cours magistraux ou dialogués sont encore fréquents et où les devoirs à la maison (exercices) restent la règle.

Il s’agit donc d’inverser la logique pour :

mieux inciter les élèves à faire le point sur ce qu’ils ont compris ou pas du cours…

…afin de revenir en classe sur ces aspects-là

gagner du temps dans l’avancée du programme

susciter des formes d’interaction différentes entre le/la prof et les élèves, mais aussi entre les élèves eux/elles-mêmes, qui sont alors obligé-e-s d’être actifs-ves en classe. La collaboration voire la transmission entre pairs trouvent toute leur place dans ce processus.
varier les types d’exercices et de productions effectués en classe, en suscitant la créativité des élèves le cas échéant
les motiver davantage.

Par conséquent, tout le monde y gagnerait aussi en sérénité et concentration. Mieux, à en croire les recherches citées par H. DUFOUR sur son blog, puisque les élèves apprennent mieux ainsi, leurs résultats s’amélioreraient significativement. La diffusion pendant l’atelier de quelques interviews d’enseignant-e-s états-unien-ne-s fort enthousiastes semble le confirmer.

Comment faire concrètement ?

Il n’existe pas une mais des formes de classe inversée, dont certaines sont exposées sur le blog – en construction – d’H. DUFOUR2.
Raison pour laquelle sans doute elle les passe très rapidement en revue devant nous, s’arrêtant un peu plus longuement sur un procédé d’ « instruction par les pairs » (voir le blog), ou sur « l’heure des génies » (temps dédié à un travail de groupe sur un sujet au choix en lien avec la discipline concernée, mais pas forcément au programme ; comporte une partie recherches et une partie production).

En revanche, le point commun à toutes les pratiques qu’elle nous présente est l’usage intensif des TICE, non seulement comme support de recherches et de production des élèves, mais aussi comme support de cours hors classe (il s’agit de poster des « capsules » – courtes vidéos – de 6 à 12 mn maximum pour transmettre des connaissances), ou encore comme support d’évaluation (quizz en ligne).

Et c’est là que le débat s’anime…

Subvertissant le déroulement de l’atelier en vrai-e-s flibustier-e-s, plusieurs participant-e-e ont déjà émaillé l’exposé de notre souriante intervenante de questions pratico-pratiques. On veut comprendre…
Du coup, il ne reste plus beaucoup de temps pour un large échange à la fin.

Voici ce que je retiens cependant.

Bon nombre de participant-e-s sont intéressé-e-s, qu’ils/elles aient déjà pratiqué la classe inversée sans le savoir ou pas. Ils/elles souhaitent souvent essayer, voire approfondir leurs techniques.

Les profs du secondaire sont plus réceptifs-ves que les collègues du 1er degré. En maternelle, la classe inversée est une pratique finalement constante et poussée à l’extrême, puisque les enfants n’apprennent qu’en classe, de façon variée et active ! Des collègues d’élémentaire se demandent comment faire pour transposer tous les cours de toutes les matières en dehors de la classe…

Un collègue fait remarquer les emprunts constants des universitaires états-uniens cités durant l’atelier aux diverses pédagogies nouvelles ou actives. Il est intéressé par la possible contribution de la classe inversée à l’émancipation des élèves, non sans réserves (voir ci-dessous).

Certain-e-s se demandent en effet si reporter en dehors de la classe l’apprentissage du cours résout vraiment les difficultés de mémorisation et de compréhension de tou-te-s les élèves, donc aussi la question des inégalités sociales entre elles/eux. Peuvent-ils/elles travailler tranquillement à la maison ? avoir accès à internet ? se faire aider par un tiers le cas échéant ? Quoique cette dernière question tendrait à s’annuler si l’on considère que la crainte de l’évaluation s’amenuise dans ce système… H. DUFOUR fait même allusion à une prof (sans autre précision) qui réussit à ne pas donner de cours à apprendre à la maison et fait tout faire en classe. Nous n’en saurons hélas pas plus, dommage…

Enfin, beaucoup d’entre nous sont au mieux sceptiques, prudent-e-s, voire méfiant-e-s, à l’égard du « tout-informatique » proposé lors de cet atelier. Les limites nous paraissent ici consistantes (les réponses dont je me souviens sont données après le tiret) :
quid de la fracture numérique entre élèves ? – Pour H. DUFOUR, elle tend à disparaître et peut au pire être surmontée en substituant à internet une clé USB ou un DVD gravé, que l’on remet aux rares élèves concerné-e-s…

Quid du temps passé à réaliser les « capsules » tant vantées ? – Certes, ça prend du temps, surtout au début, mais on peut faire très simple (se filmer en train de parler, ou d’écrire) et surtout, y aller progressivement sous peine d’épuisement…
Quid de l’intérêt même des « capsules » par rapport à des supports de cours plus traditionnels (photocopies, manuels, fichiers texte informatisés) ? – C’est plus ludique et vivant pour les élèves. Ils aiment bien que ce soit leur prof qui lise, parle, se mette en scène…
Quid du risque de sacraliser l’outil informatique au détriment des objectifs et du sens ? – Il est bien évident qu’il ne faut pas tomber dans ce travers-là et que l’outil ne doit pas primer sur le fond…
Quid du piteux état du parc informatique et audiovisuel de nombreux établissements de France et de Navarre, rendant son usage souvent très aléatoire en classe ? – …

Au final, voici quelques conseils pour se lancer… malgré tout (plus de détails là aussi sur le blog) :

Bien se documenter.

Commencer doucement, un chapitre à la fois.
Collaborer entre collègues, y compris pour réaliser les capsules.
Préparer les élèves à ce changement dans leurs habitudes.
Prévoir de nombreuses évaluations formatives au cours d’un même chapitre pour faire régulièrement avec les élèves.

Pour compléter les ressources recensées par le blog et apporter un contre-point critique à cet atelier (contre-point appelant lui-même des remarques), voici l’analyse du site internet d’un prof d’histoire-géo par un documentaliste : lestroiscouronnes.esmeree.fr/table-ronde/classe-inversee-qu-inverse-t-on

La diffusion de ce lien a donné lieu à un échange aussi nourri qu’intéressant sur la liste de diffusion du collectif Aggiornamento hist-géo – Réflexions et propositions pour un renouvellement de l’enseignement de l’histoire et de la géographie du primaire à l’université : voir le fil de discussion à partir du 3 février, sur http://aggiornamento.hypotheses.org/ (ou me demander si besoin : carine.gabayet@free.fr).

D’où il ressort que le tout-informatique n’est pas une fatalité…

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