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AESH : la précarité en chiffres

2, 3, 4, …8 élèves ? Combien d’élèves à suivre cette année ? Combien en même temps, dans la même classe ? Il faut bien souvent attendre plusieurs semaines après la rentrée pour être fixée, sans pour autant être assurée d’une quelconque stabilité puisque, au cours de l’année, des élèves peuvent s’ajouter, ou être retiré·es.

6 heures, 8 heures, ou carrément 1h ? Au-delà, et parfois contre les préconisations de la MDPH(1), combien d’heures d’accompagnement l’institution scolaire accordera-t-elle à un·e élève ? Combien de temps la collègue AESH(2) aura-t-elle pour construire une relation de confiance et un accompagnement de qualité avec l’élève, pour lui permettre d’avancer dans ses apprentissages et de gagner en autonomie ?

18h, 20h, 30h : y aura-t-il assez d’heures dans l’établissement cette année ? Les 3 heures en moins pour cet·te élève gagnant en autonomie seront-elles compensées avec l’accompagnement d’un·e autre élève ? Depuis la création des PIAL en 2019, qui permet, à n’importe quel moment de l’année, le détachement d’un·e AESH dans un autre établissement pour 3, 4, 5 10 heures, compter ses heures, c’est toujours avec la crainte de ne plus avoir assez de temps d’accompagnement, de se voir déplacé·e du jour au lendemain à 10, 20, 30 minutes de son établissement habituel, parfois sur un niveau totalement différent (par exemple la maternelle, quand on est en lycée – véridique!). Des changements que des gestionnaires(3) auront considérés comme « prioritaires », et non selon les besoins des élèves et l’expertise de leurs accompagnant·es.

700 euros, 900 euros de salaire pour le métier d’AESH ? Qui donc peut vivre décemment avec un tel salaire, un loyer de 500 euros et des frais d’essence de 80 euros par mois ?

60 heures de formation en début de carrière. Soit 10 jours. 10 jours pour se former aux handicaps, à l’accompagnement des élèves, à la compréhension du système éducatif de la maternelle au lycée, au travail en équipe.

3 années avant d’avoir la perspective d’un CDI (et seulement depuis 2022 car, avant les mobilisations acharnées des AESH, et depuis la création de leurs missions en 2003, c’était 6 années avant le CDI!).

Et ceci, ce sont les chiffres déjà bien connus du fait des interventions régulières des AESH soutenu·es par les organisations syndicales, et de leur détermination à conquérir un véritable statut, inséparable d’une vraie formation et d’un vrai salaire.

Mais connaissiez-vous les chiffres suivants ?

25 euros, le prix moyen du repas de rentrée au restaurant organisé par les profs, soit presque une journée de salaire pour les AESH, conduisant celles-ci à ne pas y participer.

11 euros bruts de l’heure pour surveiller de la cantine dans le 1er degré. 22 euros bruts pour une heure de ménage à domicile. 10 à 14 euros pour une heure de repassage pour des particulièr·es ? 20 % de commission sur les ventes organisées à domicile, pour telle marque de produits ménagers ? Voici quelques-uns des choix que font les AESH qui ont besoin d’un complément d’activité.

10 semaines travaillées sans être payées, régulièrement, en début d’année, du fait des défaillances administratives.

Un retrait 10 euros par mois pendant 10 mois, voici ce que coûtent les arrêts maladies, notamment pour les agentes ayant moins de 2 ans d’ancienneté ou les gardes d’enfants malades non autorisées par la hiérarchie.

2 ans avant de faire soigner une dent, lorsque la douleur devient intenable. Non pas parce qu’il y a des délais d’attente, mais faute de remboursements décents, faute de mutuelle décente, et avec le souci des privations dans d’autres domaines que vont nécessiter ces soins.

La précarité, c’est tout cela. Toutes ces conséquences sur la vie immédiate et à long terme, qui sont autant de pas vers la pauvreté et la désocialisation.

La précarité se traduit par l’instabilité de l’emploi, le souci permanent de son renouvellement (se demander constamment s’il y aura assez d’heures d’accompagnement, se préoccuper du renouvellement de contrat, ne pas se faire remarquer), et un esprit envahi par les doutes, les questionnements, les calculs, qui ajoutent la fatigue psychologique à la fatigue du travail.

La précarité, c’est également l’intranquillité matérielle, la privation des sécurités nécessaires pour pouvoir bénéficier, pour soi et sa famille, des droits fondamentaux comme le droit à la protection de la santé, augmentant le risque de la perte de revenus. C’est ce qui prive de vie sociale, de sorties, d’accès à la culture.

La précarité, c’est aussi l’impossibilité d’accéder à l’autonomie financière, maintenant de nombreuses femmes dans la dépendance matérielle et psychologique d’un compagnon.

Et ces propos concernant la situation des AESH peuvent s’étendre à nos collègues agent·es d’entretien et de restauration, notamment dans les départements où ces services ont été privatisés : contrats courts, parfois de vacances à vacances, voire de 3 ou 4 jours ; formations lacunaires ; menaces systématiques sur la reconduction du contrat ; injonctions à se taire, à rester dans son coin ; salaires insuffisants ; protection sociale médiocre.

Ainsi, lorsque l’Éducation nationale conserve, sciemment, de tels statuts précaires, elle maintient volontairement les individus dans des situations de vulnérabilité, c’est-à-dire face au risque de basculer dans la pauvreté, sans avoir les moyens de les surmonter. Elle génère et a la responsabilité de ces situations de pauvreté et de détresse. Et c’est notre rôle à tou·tes d’en prendre conscience, de le dénoncer et de lutter, aux côtés des précaires, contre ces conditions d’emploi et de vie.

Jacqueline Triguel, collectif Questions de classe(s), SUD éducation 78

(1) MDPH : maison départementale pour les personnes handicapées.

(2) AESH : accompagnant·e d’élèves en situation de handicap.

(3) Gestionnaire : souvent, ce sont d’ancien·nes collègues devenu·es référent·es de scolarité, mais leur travail est tel, dans la gestion des élèves handicapé·es et des accompagnant·es qui les suivent, que tout ceci se transforme en chiffres, en numéro de dossier, en nombre d’heures accordées à tel·le et tel·le élève, en calcul pour rentrer dans les moyens alloués, et non pour offrir une scolarité de qualité et encore moins des conditions de travail dignes pour les AESH.

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