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Reprise du 11 mai Les enfants_? Qui veut jouer à la roulette russe_?

Plus les annonces se succèdent, plus l’inquiétude et la confusion progressent chez les parents, les élèves, les enseignant·e·s et autres personnels y travaillant.

Nous voulons retourner à l’école en sachant pourquoi nous y allons…

Pour ce qui nous concerne, il faut rappeler que nous n’avons jamais cessé de travailler, en étant volontaires pour le service d’accueil des enfants des personnels indispensables, ou, à distance, pour maintenir un lien avec nos élèves et leurs familles. Nous avons critiqué le travail à distance, ses fausses promesses d’efficacité, ses vrais défauts d’accentuation des inégalités. Nous savons que notre travail c’est la classe, en classe, et que rien ne peut remplacer la relation humaine. C’est donc en toute lucidité que nous avons fait au mieux, là où nous étions.
Aujourd’hui, nous sommes tout à fait disposé·e·s à reprendre le chemin de l’école mais pas n’importe comment pour y faire n’importe quoi. La situation sanitaire est trop sérieuse pour qu’on laisse l’improvisation et la précipitation pousser les enseignant·e·s et le reste de la population dans une deuxième vague meurtrière de contamination.
Avant de savoir comment reprendre, il faut se demander pourquoi et pour qui rouvrir les écoles. Le gouvernement et les rectorats veulent enrôler les organisations syndicales et les équipes enseignantes dans les réflexions sur les modalités de reprise alors que le principe même d’une réouverture des écoles est déjà très discutable.

… pas pour faire prendre des risques sanitaires et de santé mentale aux personnels, aux familles et aux élèves.

Le fait que l’école, dans les conditions actuelles, soit un foyer de rebond épidémique avéré ne fait aucun doute. C’est en tout cas l’avis de l’INSERM, du conseil scientifique, de l’ordre des médecins, de l’institut Pasteur, de la commission éducation du Sénat, de la fédération des médecins de France et de la majeure partie des «_sachant·e·s_». Par ailleurs, plus les enfants sont jeunes, plus les comportements de précaution sanitaire sont difficiles à mettre en place. Faire appliquer les «_gestes barrières_» en maternelle relève de la science-fiction. La reprise, notamment en maternelle, n’aurait aucun sens pédagogique voire mettrait les enfants dans un environnement scolaire tellement anxiogène qu’il pourrait en devenir maltraitant. Exit les gestes qui rassurent ou qui consolent, les soins, les contacts, les échanges…_

… pas pour renvoyer les parents au travail.

En politique, il y a les mots et il y a les faits. Si l’annonce de la prochaine réouverture des écoles inquiète tout le monde, c’est que les discours publicitaires du gouvernement ne parviennent plus à cacher la réalité que nous avons sous les yeux. La réouverture des écoles n’a rien à voir avec une quelconque préoccupation de justice sociale, plus personne ne conteste ce point sauf quelques porte-parole ministériels. On ouvrira les écoles le 11 mai pour remettre les salarié·e·s au travail en leur permettant de faire garder leurs enfants, quoi qu’il en coûte. «_Les écoles sont ouvertes, vous y mettez vos enfants et vous revenez travailler_». Bruno Le Maire vient de lancer un appel «_pour qu’un maximum de Français reprenne le travail_». Murielle Pénicaud vient d’annoncer que le dispositif d’allocations compensatoires (chômage partiel) pour garde d’enfant serait supprimé à partir du 1er juin prochain. Tout s’accorde vraiment à merveille. Le fonctionnement à partir d’un accueil partiel et avec des effectifs réduits ne tiendra pas très longtemps car pour les parents la fréquentation de son lieu de travail se fait rarement «_à la carte_». Les parents «_volontaires_» pour le retour à l’école seront ceux qui n’auront pas le choix. Pourtant deux familles sur trois n’envisagent pas de remettre leurs enfants à l’école. «_L’école de la confiance_» était un slogan ministériel, elle est devenue un oxymore.

…pas pour faire croire que le gouvernement et le ministère de l’Education Nationale se préoccupent de justice sociale.

Quand on se préoccupe de justice sociale, on ne casse ni les retraites, ni l’assurance chômage, ni le code du travail, ni les services publics, ni les droits des sans papiers) ni … Quand on prétend orienter une politique éducative en direction des élèves les plus fragiles, on ne se contente pas d’agiter «_les CP à 12_» et leurs efficacités très relative pour faire oublier la fin des RASED et de la santé scolaire, la pénurie chronique de remplacement, les suppression de postes dans le secondaire, les discriminatoires Parcour’sup ou E3C, les familles et les élèves précaires notamment migrant·e·s…
Mais surtout, en proposant un retour à l’école aux familles sur la base du «_volontariat_», il n’y a aucune chance pour que les familles déjà éloignées de l’école y reviennent en courant après un coup de fil de leurs enseignant·e·s, nous le savons d’expérience. Si l’école s’impose à tou·te·s, c’est justement pour que les familles et les enseignant·e·s n’aient pas à «_choisir_» les élèves. Et quand on précise que les seul·e·s enfants qui retourneront à l’école durant ce mois de mai seront les élèves de la maternelle à la 4e, tout le monde comprend qu’on a transformé l’école en garderie. A partir de la 4e, les enfants peuvent se garder tou·te·s seul·e·s, et leurs parents peuvent reprendre le chemin de l’usine. Comme si en plus, le décrochage disparaissait après la 4e…

D’accord mais qu’est-ce que vous proposez_?

Nous proposons de choisir la vie et la solidarité, autant que possible. Dans la situation présente, c’est une véritable révolution.
Nous proposons que les services d’accueil à l’école soient élargis à tou·te·s les enfants en danger, dans une réflexion commune avec les services sociaux.
Nous proposons d’accueillir aussi les enfants des personnels dont le travail représente une utilité sociale et que seuls les productions et services d’utilité sociale puissent être autorisés à reprendre. C’est pour nous moins utopique que de penser qu’on va pouvoir accueillir tou·te·s les enfants en mai ou en septembre en garantissant les mesures sanitaires.
Nous proposons de prendre le temps nécessaire à partir du 11 mai pour réfléchir en équipe à une reprise la plus sereine et sensée possible. Nous ne sommes pas volontaires pour participer à faire «_repartir_» cette économie qui nous a mené à la catastrophe présente, surtout s’il s’agit de mettre en danger les élèves, leurs familles et les enseignante·s. A l’instar des soignant·e·s ou des autres professions de première ligne, nous avons montré que nous savons prendre notre part de risque et de responsabilité pour peu que notre travail ait un sens.
Personne ne doit laisser son enfant à l’école ou aller au travail la peur au ventre. Personne ne doit accepter que l’école devienne un espace anxiogène et maltraitant.

Puisqu’il n’y a aucune chance pour que ce gouvernement et les décideurs économiques n’infléchissent le modèle politique et social qui nous tue et qui les engraisse, nous exigeons les conditions de reprise suivantes, valables aussi pour la rentrée de septembre parce que les vacances ne marqueront, malheureusement, pas la fin du virus…_:
★ Nous exigeons le maintien de toutes les mesures qui permettent aux familles de garder leurs enfants à la maison, notamment les dispositifs de chômage partiel ou les aides financières exceptionnelles.
★ Nous exigeons que les maternelles ne reprennent pas le chemin de l’école avant le mois de septembre (hors accueil minimum des enfants des personnels prioritaires ou en situation prioritaire).
★ Nous exigeons que les personnels puissent choisir leurs modalités de travail (présentiel ou distanciel) sans avoir à fournir quelque justificatif que ce soit. Les conditions de reprise seront suffisamment éprouvantes pour ne pas exposer les personnels aux risques psycho-sociaux d’un retour en classe la peur au ventre ou d’une impossibilité de garde d’enfant. Le principe des enseignant-e-s volontaires a déjà prouvé son efficacité ces deux derniers mois et la quantité d’élèves attendus devrait permettre cette modalité.
★ Les équipements de protection et d’hygiène devront être disponibles. C’est loin d’être le cas aujourd’hui même à l’hôpital.
★ Les dépistages systématiques doivent pouvoir être proposés, car, contrairement à ce qu’en dit le président de la République, un dépistage des personnes asymptomatiques a tout son sens puisque les individu.e.s porteurs/eus.s sont contagieux/euses deux jours avant l’apparition des symptômes. Ça n’est pas parce qu’il n’y a pas assez de tests, que ça rend les tests inutiles.
★ Préconiser un effectif maximum de 15 élèves par classe est inadmissible. L’effectif adéquat est bien inférieur et il est fonction des salles de classe et des locaux.
★ Tous les personnels doivent être formé-e-s sur le plan sanitaire et des thermomètres frontaux doivent être fournis.
★ Seuls les personnels directement concernés doivent décider des conditions et du calendrier de reprise des cours en dehors de toute pression institutionnelle. La préparation et la concertation nécessaires doivent être garanties aux personnels de chaque école pour accueillir les élèves dans les meilleures conditions possibles.
Nous n’oublions pas non plus que l’éducation nationale nécessite, avec ou sans épisode pandémique, un véritable plan de réinvestissement et d’embauche pour abolir définitivement la précarité et assurer les moyens humains et matériels d’un service public de qualité à destination du plus grand nombre. Il faut jeter dans les poubelles de l’histoire la loi de transformation de la fonction publique et la loi sur les retraites.
Nous appelons les collègues à prendre des positions d’équipes et à ne pas hésiter à déclarer l’impossibilité de respecter le protocole dans les conditions qui sont imposées et le refus d’en être tenu.e.s pour responsables.
Nous appelons aussi les collègues qui constateraient, que les conditions de travail qui leur sont faites les mettraient en danger ou mettraient en danger les usager-e-s, à exercer leur droit de retrait ou leur droit de grève. Les préavis sont d’ores et déjà déposés pour les protéger.

Puisque tout s’effondre, nous pourrons enfin reconstruire l’école et les rapports sociaux sur d’autres bases.

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