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Laïcité vs terrorisme ?

Faute de pouvoir empêcher les replis identitaires, version d’extrême droite ou version djihadiste, et leurs dérives criminelles une fois que la fascination, la peur ou le ressentiment ont saisi les esprits, on peut essayer de les prévenir. Cela nécessite de promouvoir une vision du monde aux antipodes de ceux-ci. Dans cette optique, la laïcité, principe de séparation du politique et du religieux, devrait occuper une place de choix dans la société et de manière privilégiée à l’école.

La laïcité n’est pas une valeur, mais le mode d’organisation instauré en France pour limiter l’emprise du religieux sur les affaires publiques, et, partant, réduire les conflits identitaires. En tant que telle, elle s’apprend, elle s’enseigne. Elle ne saurait à elle seule faire disparaître racisme, ressentiment, ségrégation ou terrorisme. Mais elle pourrait, si l’école publique se fixait réellement, concrètement, cet objectif, contribuer à réduire la fascination identitaire et l’attrait criminel exercé sur des esprits faibles par les divers manipulateurs.

Mais pas n’importe quelle laïcité : ni celle qu’on réduit à une simple tolérance, ni ces dévoiements que droite et parfois gauche voudraient nous faire adopter.

A ceux qui voudraient, souvent par opportunisme et par hostilité au seul islam, que la religion soit confinée à la sphère domestique, il faut opposer une conception de la religion comme une affaire non pas « privée » mais personnelle. Chacun-e doit pouvoir pratiquer sa religion ou son absence de religion librement y compris dans le domaine public (c’est d’ailleurs précisé dans l’article 18 de la Déclaration universelle des droits de l’homme) mais le religieux ne doit pas interférer dans les relations sociales ni, à fortiori, dans la gestion des affaires politiques. L’école, par sa structuration et son fonctionnement, devrait pouvoir jouer un rôle primordial en ce sens. Mais les pouvoirs publics eux-mêmes sont trop souvent un contre-modèle : il est ainsi désastreux qu’ils financent des écoles confessionnelles ou, par exemple, que les représentant-e-s de l’Etat participent ès qualités à des cérémonies religieuses.

Le fait d’accueillir ensemble des élèves de différentes religions ou sans religion pourrait devenir un avantage pour l’école publique si les personnels étaient formés à organiser un travail collectif qui apprenne à œuvrer en commun sans que les croyances interviennent. Mais là encore, les consignes ministérielles ne vont pas dans ce sens. La laïcité à la manière vallsienne est présentée non comme une socialisation dégagée de l’emprise du religieux, du superstitieux, du transcendant même, mais comme imposition de règles (signature obligatoire de la Charte de la laïcité), voire, pire, de symboles identitaires (drapeau, Marseillaise, commémorations…) à vénérer. Ainsi, par exemple, le « Livret laïcité » remis en 2015 à chaque chef d’établissement ou directeur d’école contient une prescription révélatrice de ce dévoiement : « Les chefs d’établissement et directeurs d’école sont tenus de faire participer les élèves aux moments collectifs qui concernent l’École et la République », dont les « commémorations patriotiques ».

Mettre au premier plan son identité – religieuse, ethnique ou culturelle –, c’est forcément opposer soi et l’autre, et sur des bases tenant à ce qu’il/elle est, non à ce qu’il/elle fait. En ce sens, c’est aussi nier les luttes sociales, la lutte des classes pour aller vite, en assignant à chacun-e une prétendue essence individuelle au lieu de considérer prioritairement sa fonction sociale. S’il est illusoire de prétendre éradiquer hic et nunc les divers terrorismes, il doit être possible de réduire le « climat » identitaire actuel qui les favorise et de développer chez les élèves un esprit critique qui permette d’y résister. Si l’école publique prenait sa part dans cette lutte, ce ne serait déjà pas si mal…

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