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Compte rendu de l’atelier 11 – Pédagogie institutionnelle

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Atelier 11 : Pédagogie institutionnelle Jeudi 30 janvier 2014

Le premier temps de l’atelier pose quelques repères historiques et les grands principes de la pédagogie institutionnelle à travers l’image du trépied et des « 4L ».

L’origine

Le fondateur de la PI est Fernand Oury. Instituteur de la banlieue ouest de Paris dans les années cinquante, Oury est face à un double constat. Les écoles urbaines avec beaucoup d’élèves et un fonctionnement martial ne permettent pas de créer des milieux éducatifs propices aux apprentissages sur les principes de Freinet et de l’ICEM où s’est formé Fernand Oury. D’autre part le fonctionnement coopératif à lui seul ne correspond pas à certains élèves (les « enfants bolides » de Francis Imbert) pour qui il faut d’autres repères. La PI va aller chercher dans la psychanalyse et plus généralement dans les sciences humaines des éléments pour répondre à cette double nécessité.

Le frère de Fernand Oury est Jean Oury, fondateur avec Tosquelles de la psychothérapie institutionnelle à la clinique de Saint-Alban puis à la clinique de La Borde.

Fernand Oury sera influencé par le travail de son frère et en reprendra des principes en classe.

Ultérieurement plusieurs groupes de PI existeront avec des différences entre des tendances plus orientées vers la psychanalyse et d’autres plus attirées par l’organisation matérielle et l’autogestion de la classe. Un deuxième clivage (de classe sociale) apparaît entre ceux qui décident de rester des instituteurs et d’autres qui deviennent des professeurs d’université.

Les grands principes

Le trépied :

le groupe, la technique, l’inconscient reliés par le politique.

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Le groupe :

L’idée est que l’enfant apprend avant tout par l’intermédiaire du groupe. Ses acquis individuels sont conditionnés par les interactions avec les autres membres du groupe. C’est la diversité et l’alternance de dispositions (individuelle, en binôme, en groupe restreint et en groupe classe) qui vont permettre à chacun d’apprendre, de comprendre et de réinvestir. La dimension groupale va aussi donner un sens aux apprentissages puisque l’enfant n’apprend plus pour répondre aux attendus de l’adulte mais parce que son activité scolaire est socialisée.

La technique :

Le postulat est que les apprentissages ne sont motivés que s’il s’inscrivent dans une production qui a un sens et en utilisant des techniques : le journal, la correspondance, l’exposé, l’affichage dans la classe (privé, réservé aux élèves de la classe) ou dans l’école ou le quartier (public), la création de petits livres… Historiquement, ce sont des techniques qui viennent de la pédagogie Freinet. D’un point de vue politique,c’est une référence au matérialisme historique : la production et la façon dont on produit conditionnent les rapports sociaux. Si les enfants s’approprient les moyens de production des connaissances, ils vont vers l’émancipation.

L’inconscient :

C’est ce qui distingue Oury de Freinet. Le groupe et ses individus sont traversés par l’inconscient (individuel et collectif). Si on ne le prend pas en compte, les apprentissages vont être parasités. Cela implique des moments de paroles en classe pour que celui ci soit exprimé : quoi de neuf ?, texte libre, différents moments du conseil… Cela demande à l’enseignant-e de savoir observer le groupe et les interactions du groupe pour voir ce qui se joue à ce niveau. Pour ce faire, l’enseignant-e doit avoir un lieu entre praticiens de PI pour décortiquer les situations de classe qu’il considère comme problématiques, pour déverser à son tour cette parole reçue et analyser les phénomènes inconscients, notamment de transfert/contre transfert1, qui le traversent lui aussi. Enfin le désir est au cœur de la pratique de PI. Le but du/de la pédagogue est de canaliser le désir dans un ensemble de dispositif pour offrir à l’élève autant de portes d’entrée dans les apprentissages. La classe devient un système de « pièges à désir ». L’élève est autorisé-e à être un « sujet ».

A ces trois pieds, on fixe des liens : le politique. C’est-à-dire que l’organisation sociale et la distribution du pouvoir sont déterminées par le groupe, la technique et l’inconscient.

Une autre image est souvent utilisée en PI pour définir le cadre fondamental de travail de la classe :

Les 4 L : lieu, limite, loi, langage

Le lieu renvoie à la nécessité d’un espace pour que se déploie chaque moment d’apprentissage, chaque moment de parole et de prise de décision. L’espace dans la classe est pensé pour que chaque institution existe. Il délimite physiquement et psychiquement ce qui se vit dans le lieu.

La limite est un élément fondamental de la PI. Des limites sont posées à chaque instant du travail. Par les règles régissant tel ou tel moment de travail, par les droits de certains élèves, par les décisions du groupe lors du conseil, par l’emploi du temps, par les contraintes pour le suivi de tel projet… Elles sont explicitées le plus possible, le/la maître-sse n’est pas le/la seul-e garant-e des limites : les élèves, par leur ceinture et leurs métiers sont tout autant responsables des limites.

La loi est une référence « anthropologique » à ce qui constitue l’humanité du groupe. Ce sont les phrases qui établissent les tabous originaux en classe : le meurtre, l’inceste et qui érigent l’école en lieu d’apprentissage. C’est l’universel auquel adultes et enfants sont soumis. La loi n’est pas négociable. Exemple de formulation avec 4 items : Ici c’est une classe ; chacun est là pour apprendre, chacun travaille. Ici, on ne se bat pas, on ne se moque pas, on dit les choses avec des mots. Ici chacun a le droit d’être tranquille dans son corps, dans son cœur et dans ses affaires. Le/la maître-ss
e n’appartient à personne, il/elle travaille avec tout le monde.
Le langage est ce qui permet de rencontrer l’autre, de sortir de la fusion, pour s’établir en sujet. La PI utilise beaucoup de « maîtres-mots », c’est-à-dire des formules qui font sens pour chaque moment de parole du groupe : « Silence le conseil commence », « Je suis d’accord avec untel parce que », « Je critique untel parce que… » « J’ai ressenti…. »

Poser le langage comme élément fondamental de la pédagogie, c’est reconnaître que la classe ordinaire ne donne pas la parole aux élèves et créer les conditions pour apprendre à prendre la parole. Pour cela, une multitude de dispositifs est nécessaire pour permettre à cette parole d’émerger : ce sont les institutions.

Qu’est-ce qu’une institution ?

Une institution en PI ne renvoie pas du tout à l’Institution que peut être l’Education nationale, bien au contraire. Fernand Oury écrit en 1967 : « Où allons-nous ? Vers une pédagogie qui met en cause l’Institution. L’Institution, avec un grand I. L’Institution figée, bloquée, parce que le paradoxe est là : mettre en cause l’Institution c’est refaire de l’Institution, c’est restaurer l’Institution, c’est faire de l’Institutionnel. C’est-à-dire faire étroitement attention à cette dimension quotidienne de médiation des rapports humains qu’est l’institutionnel. »

Les institutions sont des dispositifs de classe qui permettent de faire une médiation entre les enfants, les adultes et les apprentissages. Chaque moment, chaque lieu régi par des règles est une institution. Il y a des institutions très simples (les porte-manteaux avec une étiquette de prénom au-dessus peut devenir une institution) et des institutions complexes comme le conseil (où des règles fixent le déroulement, l’animation, les obligations de chacun), e quoi de neuf ?, les ceintures de comportement, le conseil, le texte libre, les métiers, les chefs d’équipes…

La notion de médiation est très importante en PI : Les institutions permettent au groupe de sortir de la relation duelle maître-sse/élève dans les apprentissages, dans la régulation de la vie du groupe, dans le partage du pouvoir. Francis Imbert parle de « faire tiers ». Je ne fais pas tel travail, je ne respecte pas telle règle pour plaire au/à la maître-sse ou pour lui obéir aveuglément mais parce que cela me permet d’accéder à la ceinture supérieure, parce que cela permet de faire avancer le journal, parce que le groupe l’a voté en conseil… L’omnipotence de l’adulte se dissout dans le pouvoir reconnu par le groupe dans telle institution, dans telle activité.

Les monographies

Les monographies sont des textes professionnels décrivant une situation problème. Elles peuvent raconter un événement-clé et ce que le/la maître-sse en pense, en analyse. Parfois c’est un long récit des observations de plusieurs mois ou d’une année entière de relations avec un-e élève, de mise en place d’une institution, des répercussions sur l’école d’un travail…

Le travail écrit est important pour plusieurs raisons. D’abord, il implique celui qui écrit sur sa classe, cela l’oblige à prendre du recul et en même temps à revenir sur la situation décrite. Ensuite, dans le cadre d’un groupe de PI, il y a une dimension collective qui est tout aussi forte. La monographie, texte individuel, est décortiquée par le groupe qui le questionne, y lit des choses que l’auteur n’avait pas perçues, propose des pistes de remédiation ou replace la situation dans un contexte (« Tu n’es que prof, agis en prof, tu ne peux pas faire le sauveur »). Ces allers-retours entre l’individuel et le groupe, entre l’urgence de la situation décrite et les remarques plus détachées des autres membres du groupe permettent à chacun de mettre la situation en perspective et de forger entre pairs des éléments d’analyse de la vie de sa classe.

Comment démarrer ?

Nous avons commencé en pédagogie institutionnelle parce que nous n’étions pas satisfaits des relations de pouvoir qui traversent la classe, nous avions le sentiment d’être en décalage entre nos convictions politiques et notre fonctionnement en classe. L’IUFM éludait complètement cette dimension de la vie de classe. Donc nous avons cherché des réponses ailleurs, dans les pédagogies alternatives. Le plus facilitant pour nous a été de rejoindre un groupe de PI, de reprendre des dispositifs que les autres membres du groupe avaient déjà mis en place. Après, avec notre expérience, on les modifiait. Par exemple on peut facilement mettre en place des métiers et un conseil avec deux points à discuter : propositions et métiers pour y inclure plus tard d’autres points à l’ODJ : critiques (le plus difficile à mener au début), félicitations, ceintures… Ce qui est très important c’est de toujours lier production et conseil. C’est parce qu’on produit quelque chose que l’on a besoin de prendre des décisions ensemble et c’est parce qu’on fait les choses ensemble qu’il y a des conflits qui demandent à être réglés par la parole.

Il est possible de suivre des stages pendant l’été. Le Ceépi en organise chaque année.

En résumé la PI est une pédagogie qui transforme le travail de la classe, instaure de nouvelles relations sociales entre élèves et entre adultes, pense l’inconscient du groupe et de l’individu pour que la micro-société de la classe soit un milieu éducatif vivant et complexe où s’enchevêtrent toutes les institutions que le groupe invente pour apprendre et pour grandir ensemble. La PI impose un déplacement, elle implique de construire peu à peu un système-classe sur lequel on revient en permanence par l’analyse de ses pratiques, individuellement et collectivement. Elle oblige les adultes et les enfants à penser le quotidien pour mieux y revenir et agir en conscience, individuellement et collectivement.

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Dans un second temps, nous avons proposé aux participants de l’atelier d’écrire à partir d’un texte décrivant un dilemme professionnel et tiré du livre de Noëlle de Smet et Jacques Cornet, Enseigner pour émanciper, émanciper pour apprendre (chapitre 3, « Élever l’élève à sa dignité »). La situation demande au lecteur de se mettre en situation de professeur-e principal-e. Vous êtes en entretien en collège, vous recevez un père et sa fille. Le père donne une claque à sa fille devant vous. Comment réagissez vous ?

Chacun a pris le temps d’écrire ce qu’il aurait fait puis une discussion a été engagée. Il n’y a évidemment aucune réponse satisfaisante. Le but du débat est de dégager en quoi l’école et nos gestes d’éducateur-trice-s au sein de celle-ci sont traversés des rapports de domination sociale, culturelle, de genre. De comprendre que ces rapports de domination génèrent de la honte et des blocages pour les dominés. Le livre de Cornet et de Smet propose une grille d’analyse des différentes réactions face à la situation débattue. Puis les auteurs posent des repères pour penser l’émancipation et la dignité en jeu ici.

Il nous a semblé avoir manqué de temps pour décrire concrètement le fonctionnement d’un conseil ou d’un travail de classe à titre d’exemple.

Charlotte Lacroix, Andrés Monteret, Rachel Pavillon

Bibliographie

Les éditions Champs Social rééditent tous les classiques de la PI parus chez Maspero et Matrice antérieurement, vous trouverez ici les références des livres de Fernand Oury

http://www.champsocial.com/catalogue-les_classiques_de_la_pedagogie_institutionnelle,29.html

Connac Sylvain  Apprendre avec les pédagogies coopératives  ESF (ce livre fait le lien entre pratiques coopératives et les sciences de l’éducation + plein de dispositifs concrets pour penser la classe en PI et Freinet)

Cornet Jacques, De Smet Noëlle, Apprendre pour émanciper, émanciper pour apprendre, ESF, 2013, (super pour poser le cadre politique de l’action pédagogique)

Lafitte René : Essai de pédagogie institutionnelle – L’école, un lieu de recours possible pour l’enfant et ses parents Champs social édition (plein de monographies analysées et d’idées dans la classe)

Lafitte René : Mémento De Pédagogie Institutionnelle – Faire De La Classe Un Milieu Éducatif, Matrice,réédition Champs social 1999 (pose tous les repères pour commencer)

Imbert Francis Vocabulaire pour la pédagogie institutionnelle, Champ social (plus théorique mais fonctionne comme un dictionnaire des concepts de base de PI)

Raymond FONVIEILLE Naissance de la Pédagogie Autogestionnaire, Anthropos (où l’auteur se concentre sur la mise en place des institutions de classes par les élèves).

Sitographie

www.ceepi.org site du Collectif européen d’équipe de PI. Organisateur de stage. Grand réseau d’équipe locale « épi » dans les différentes régions (idf, isère, toulouse..)

http://www.changement-egalite.be changement pour l’égalité, association belge de PI avec de nombreuses références et archives

http://pig.asso.free.fr/ site du groupe pédagogie institutionnelle de Gironde

http://www.jacques-pain.fr/ site de J.Pain, professeur à la retraite de l’université de Nanterre, beaucoup de références notamment des conférences audio en ligne

http://www.ressources-cemea-pdll.org/IMG/pdf/pi_rencontre_oury_pain.pdf : courte présentation historique et générale de la PI, des différents courants par Jacques Pain sur le site des Cemea, facilement téléchargeable.

+ Contact groupe de PI à Toulouse : GPI31 Guillaume Subra guillaume.subra@free.fr,

Un film

Fernand Oury Un homme est passé (l’école avec Françoise Dolto vol.III), film de Fabienne d’Ortoli et Michel Amram, Fremeaux et associés (le film est une biographie et un hommage à Fernand Oury, les réalisateurs sont les directeurs de l’école de la Neuville en Seine et Marne, école privée en internat qui fonctionne entièrement en PI, elle organise des journées portes ouvertes)

2 Comments

  1. Marteau Maurice

    Compte rendu de l’atelier 11 – Pédagogie institutionnelle
    Il y a aussi le site du groupe charentais de PI: http://www.pi-charente.fr/ qui organise chaque année, début Juillet, dans l’Ecole de Javrezac 16100, école à 3 classes en PI de la petite section au CM2 depuis de nombreuses années, un stage qui a la particularité de se passer dans l’école avec visites des classes, examens des outils et des institutions, lecture et écriture de monographies. Et d’être très peu coûteux. Pour les inscriptions, vous pouvez m’envoyer un message.
    L’école de Javrezac est une école publique mais qui reçoit des enfants venant parfois de loin car ils sont brouillés avec l’école ordinaire.

    • Colette Bordas

      Compte rendu de l’atelier 11 – Pédagogie institutionnelle
      Bonjour ,
      je suis enseignante à l’école de Javrezac depuis 20 ans et j’enseigne en pédagogie institutionnelle. je voulais vous informer que nous sommes menacés d’une fermeture de classe à la prochaine rentrée. cela met en danger la qualité du travail que nous faisons et ne nous permettrait plus d’acceuillir le même nombre d’enfants en difficulté scolaire et qui nous arrivent souvent en état de grande souffrance. pourriez-vous faire passer la pétition pour nous soutenir.

      Merci à tous

      Texte de la pétition :

      Alors que cette école de campagne atteint les quotas pour la rentrée 2015, l’inspection académique envisage quand même la fermeture d’une classe.
      Pourtant la méthode de travail qui est mise en oeuvre devrait être un modèle pour toutes les écoles de France !
      La pédagogie freinet s’intéresse à l’enfant avant tout. Encadré, encouragé, mis en confiance, motivé par des activités intéressantes et créatives, il peut se développer et apprendre à son rythme. Pas de stress mais l’envie de progresser. Pas de compétition mais une collaboration et une émulation enrichissante. Pas de punitions mais du conseil, du dialogue, des exemples…
      Rendre l’enfant autonome, curieux, passionné et ouvert aux autres sont autant de valeurs primordiales que nous voulons pour nos enfants et que nous souhaitons préserver grâce à cette école.
      23 élèves est le nombre minimum nécessaire pour garder une classe ouverte selon l’éducation nationale, alors que ce devrait être le nombre maximum accepté pour un bon apprentissage.
      Le gouvernement s’étonne de l’échec scolaire général et de la violence croissante dans les écoles, mais peut être que le bien être l’enfant doit rester au centre de l’attention et non pas la compétition et les résultats à tout prix.
      Aidez nous à sauver notre école !

      Merci de tout coeur pour votre aide.

      https://secure.avaaz.org/fr/petition/Inspection_academique_dAngouleme_Education_nationale_Sauver_lecole_freinet_de_Javrezac/?naMpkbb

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