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8 MARS. Littérature jeunesse : Genre et sous-genre

[*Une tribune de Laurence Faron, directrice des Éditions Talents Hauts*] La littérature destinée à la jeunesse est considérée comme une littérature de genre et son économie est particulièrement genrée. Je vous invite à faire un tour au rayon jeunesse de votre librairie. Vous y verrez des albums d’un format imposant, pour certains quatre ou cinq fois plus grands que le plus généreux des romans dits « grand format » du rayon littérature. Vous vous émerveillerez devant les couleurs chatoyantes que permettent les encres pantone, beaucoup plus onéreuses que la traditionnelle impression en quadrichromie, et que bien sûr l’impression en noir des œuvres de littérature générale. Si vous prenez le temps de feuilleter ces livres pour enfants, vous trouverez une inventivité graphique et narrative qui n’a rien à envier à la « grande » littérature. Au rayon de la fiction ado-jeunes adultes (YA), la variété des tons et des voix, des couvertures, plus artistiques et innovantes les unes que les autres, celle des papiers et enrichissements ne le rendent en rien aux romans pour les (vieux) adultes. Revenez maintenant au rayon albums et retournez ces livres que vous avez admirés. PP TTC (prix public de vente) : de 9 à 16 euros grand maximum. Au rayon YA : prix moyen 15 euros. Franchissez la barrière et jetez un œil aux quatrièmes de couverture des œuvres de « vraie » littérature, dite générale : rienà moins de 20 euros pour un roman imprimé en noir, assorti d’une couverture sans fioritures, un papier parfois médiocre et une qualité littéraire ni plus ni moins contestable que celle du rayon ado. Que se passe-t-il alors ? Comment expliquer qu’avec une telle qualité de fond et de forme et des coûts de fabrication incomparablement plus élevés, les prix de vente des livres destinés à la jeunesse soient si inférieurs aux prix des livres pour adultes ? Et pourquoi cette littérature qui pourtant forme le socle de la culture de nos enfants est-elle si mal connue et si peu reconnue, pourquoi n’est-elle plus enseignée, peu médiatisée, caractérisée par des prix de vente indignement bas entraînant la paupérisation de celles (et ceux) qui la créent ? Les explications sont multiples mais il en est une que l’on passe généralement sous silence : la culture destinée à l’enfance, encore associée à la maternité, au care, et donc aux femmes, est une sous-culture. De la même façon que les métiers de l’enfance, de la puériculture à l’enseignement en premier et deuxième degrés, sont sous-valorisés, la littérature pour la jeunesse n’a pas la place qu’elle mérite dans la critique littéraire, la presse, les programmes scolaires, les budgets de communication. Là comme ailleurs, les hommes, assignés à leur rôle de pourvoyeurs des revenus de la famille, s’abstiennent, laissant un peu de champ aux autrices et illustratrices qui vont se contenter de revenus inférieurs. Parce qu’elle touche à la famille et donc aux rôles genrés assignés par une société toujours patriarcale, on fait de la littérature pour la jeunesse un sous-genre qui justifie des prix plus bas engendrant une économie en tension, des artistes moins rémunéré·es, une féminisation et une paupérisation. Un sous-genre, à l’image de celui les femmes. Laurence Faron, directrice des Éditions Talents Hauts, 8 mars 2020 tribune_8_mars_ok.pdf Retrouvez les notes de lecture de littérature jeunesse sur le blog Luttes & ratures de Questions de classe(s) : https://www.questionsdeclasses.org/luttes-et-ratures/?-Litterature-Jeunesse-

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