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Surdoté???!!

Surdoté ???!

Des manières de ne pas donner plus de moyens aux écoles, on en connaît tou·tes, c’est récurrent dans l’Éducation nationale :

– Il manque 2 élèves pour créer une nouvelle classe… Il faudra donc fonctionner à 31 élèves par classe en 4e.

Des heures supplémentaires démultipliées, pour éviter les créations de postes (ça donne l’impression de donner plus quand même).

Dautant que prendre des heures supp’, ça augmente le salaire quasi immédiatement ! (Ce qui revient moins cher qu’une vraie augmentation de salaire pour tou·tes)

– Mettre en place Devoirs Faits et autres rustines pour quelques-un·es, au lieu de recruter des personnels spécialisés et de diminuer les effectifs par classe, au bénéfice de tou·tes.

– Généralement, on insiste sur les manques, on nous dit qu’il n’y a pas assez pour donner à tout le monde, on rejette la faute aux personnes placées plus haut (le ministre, par hasard? Celui qui rend des millions sur le budget de l’Éducation nationale ?) qui n’auraient pas donné assez de moyens pour répondre aux demandes de tous les établissements. Parfois, on verrait presque une larme couler des yeux des bureaucrates qui nous reçoivent en audience…

Mais alors « vous êtes surdotés », celle-là, je ne l’avais jamais entendue !

Cela se passe dans un collège des Yvelines classé en Prévention Violence. 650 élèves. Des besoins d’ordinaire importants en accompagnement des familles dans les démarches administratives, notamment face au Tout numérique. Besoins devenus exponentiels depuis la crise sanitaire, avec une augmentation de 50 % des boursièr·es et des bénéficiaires des Fonds sociaux en 3 ans, en particulier grâce au travail de proximité des secrétaires, qui maintiennent de l’humain dans tout le fatras administratif.

1er février, l’annonce tombe : suppression d’un poste de secrétariat. Selon le barème du rectorat de Versailles – calcul opaque, jamais communiqué aux organisations syndicales –, le collège est… surdoté !

« Doté », « doter », « dotation » : pourvoir d’une dot ; attribuer un revenu à quelqu’un·e ; pourvoir de biens, d’équipements ou de moyens destinés à son usage ; donner, fournir.

« Sur- » : au-dessus ; supérieur ; indique un excès.

Selon le rectorat, le collège aurait donc… trop de moyens.

Et pourtant, rien n’a bougé depuis des années. Toujours le même nombre d’élèves, le même nombre de personnels (voire une augmentation puisque le collège est dit « tête de Pial » – ce dont, ne nous le cachons pas, nous nous passerions bien tant les Pial détruisent l’inclusion que les personnels de terrain construisent chaque jour!), toujours les mêmes locaux.

Seul changement ? Simplement les règles de calcul du rectorat, changées en un claquement de doigts, sans aucune raison, et qui se fait au détriment des établissements, au détriment des élèves et des familles, voire des conditions de travail de personnels.

À l’heure où l’école a un genou à terre après 3 années de crise sanitaire, encore meurtrie par les réformes Blanquer menées au bulldozer et les répressions tombées de toutes parts, l’école ne cesse pourtant de réclamer plus moyens pour se relever et répondre aux besoins croissants des élèves et des familles, de réclamer, avec une large intersyndicale, un Plan d’urgence pour l’éducation.

Plus de moyens, sans fausse pudeur, cela veut dire plus d’argent.

Quand on ne donne pas assez de moyens ou, pire, quand on retire des moyens, cela signifie donc qu’on retire sciemment de l’argent à l’éducation, que l’on considère que l’État investit suffisamment, voire trop !, dans les écoles, dans l’éducation des jeunes.

Les écoles ont-elles donc trop d’argent ? Nul besoin de débattre longuement de la question. Les locaux dégradés ou trop petits, avec des préfabriqués devenus salles de classe ; les effectifs qui explosent ; l’école inclusive au rabais ; les inégalités entre les établissements en terme d’enseignements proposés aux jeunes ; les personnels qui achètent leur propre matériel scolaire, voire leurs propres protections en temps de Covid, etc. Les preuves concrètes du manque d’argent dans l’éducation sont nombreuses, et scandaleuses !

Mais avec cette phrase « le collège est surdoté », une question me vient : un État peut-il considérer qu’il investit trop – de manière excessive – dans l’éducation ? Où l’État place-t-il son curseur ? Sur quels critères se base-t-il ? Comment justifie-t-il et quels comptes rend-il à la population, lorsqu’il décide de détricoter son service public d’éducation ? Comment, du ministère à nos établissements, les représentant·es de l’institution peuvent-ils/elles défendre ces choix pour nos écoles ?

Au-delà de la solidarité avec la collègue dont le poste risque de disparaître, c’est bien plus globalement pour un service public d’éducation digne que les personnels de terrain doivent continuer de se battre.

Jacqueline Triguel, Q2C et Sud éducation 78

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