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Réponse du Collectif Une Seule École (CUSE) à l’article de Médiapart “Handicap: quand l’école inclusive se crashe, les collégiens perdent le sourire”.

Mal nommer les choses, c’est contribuer au malheur du monde

Albert Camus

Le CUSE est un collectif antivalidiste se mobilisant pour une école pour toutes et tous, c’est à dire, une scolarisation inconditionnelle en école et en classe ordinaire. Vous trouverez notre tribune en ligne ici : https://www.questionsdeclasses.org/tribune-du-collectif-une-seule-ecole-cuse/.

Nous tenions à revenir sur plusieurs points abordés dans l’article de Médiapart Handicap : quand l’école inclusive se crashe, les collégiens « perdent le sourire ». En tant que collectif composé de militantEs antivalidistes concernéEs, de proches et de professionnels travaillant dans l’éducation nationale et dans le médico-social, il nous semble important de réagir et pouvoir exprimer nos positions pour éclairer plusieurs points et, nous l’espérons, faire avancer les questions politiques de handicap et la scolarisation de tous les enfants, y compris celles et ceux handicapéEs.

L’Unapei est citée dès le début de l’article, plaçant l’organisme comme défenseur des jeunes privéEs d’école sans définir cet acteur et sans expliciter le rôle que cette association gestionnaire joue dans l’institutionnalisation des jeunes handicapés et les conséquences directes que cela engendre.

L’Unapei est une association gestionnaire d’établissements pour personnes handicapées. Ces établissements sont considérés comme des lieux de privation de liberté par l’ONU, qui les définit comme lieux de ségrégation. Les IME (instituts médico-éducatifs) ont été épinglés par l’ONU pour leurs graves dysfonctionnements. Les violences et maltraitances y sont légion et les enfants, les jeunes puis les adultes y sont privéEs d’avenir.

Les associations gestionnaires comme l’Unapei gèrent aussi les ESAT qui font travailler des personnes handicapées tout en les privant de l’intégralité des droits du code du travail. Il y a beaucoup à dire à ce sujet. Or, dans cet article de Médiapart comme dans la plupart des articles de presse, il n’est nulle part défini ce qu’est une association gestionnaire, acteur problématique mais central dans la mise en place des politiques discriminatoires envers nos adelphes handicapéEs en France. Dans cet article, il n’est même pas précisé que l’Unapei est une association gestionnaire, ce qui la fait passer auprès des lecteurices comme légitimement représentative des personnes handicapées. Une association qui reçoit de l’Etat de l’argent public pour gérer des structures ne peut pas être légitime à parler au nom des personnes qu’elle accueille dans ces mêmes structures. Le conflit d’intérêt est plus qu’évident et le dernier rapport de l’ONU en fait état, ainsi que l’observation générale n° 7 du Comité des droits de l’ONU qui définit précisément ce que sont les associations représentatives et ce qu’elles ne sont pas et qui pose la problème du conflit d’intérêt des gestionnaires.

Il ne s’agit pas seulement d’un désaccord entre associations mais bien d’une opposition ferme à ce système organisé provoquant exclusion et ségrégation. Il s’agit également de rétablir un rapport de force totalement inégalitaire. Ces associations sont, en termes de capacité financière et de réseaux d’influence, en mesure de pouvoir communiquer massivement  de telle sort que  les collectifs comme le nôtre et les associations militantes de personnes handicapées ne peuvent absolument pas rivaliser.

Les paroles légitimes de personnes concernées, qui apportent d’autres visions, analyses et expériences ont besoin d’être amplifiées, prolongées et accompagnées. Surtout qu’elles sont légitimes, contrairement à celles des associations gestionnaires comme l’Unapei, l’APF, l’APAJH et tant d’autres. Notre colère vient de l’invisibilisation des luttes et des paroles antivalidistes.

Mediapart devrait proposer un espace pour analyser les questions politiques de handicap, informer sur les revendications antivalidistes: discriminations, ségrégations en institutions, violences systémiques, antipsychiatrie. Médiapart, en cohérence avec sa ligne éditoriale, devrait redonner la parole aux premierEs concernéEs, distinguer clairement qui est qui et cesser de porter la parole sans critiques des employeurs du médico-social, notamment celles d’associations gestionnaires comme l’Unapei qui, en monopolisant les moyens financiers au service de leurs institutions, ont participé à empêcher l’avènement d’une école pour toutes et tous. Jamais Mediapart ne présenterait Orpea comme le représentant des personnes âgées alors pourquoi le faire avec les associations du médico-social?

Ce silence médiatique et cette involontaire complicité avec les associations gestionnaires plongent chaque jour un peu plus les personnes concernées dans l’isolement engendrant une violence sociale aux conséquences dramatiques (enfermement, privation d’école, de soins, de vie sociale, violences psychologiques et physiques, morts). L’antivalidisme doit pouvoir s’exprimer et exister afin d’établir des faits, préalables à de réels changements. Sans ces éclaircissements, les violences continueront !

Le vocabulaire aussi est important : le Collectif Une Seule Ecole s’inquiète que Médiapart utilise encore, un an après des échanges avec notre collectif, des termes dont nous avions signalé le caractère problématique dans une perspective anti-validiste.

En parlant de personnes “porteuses” de handicap, périphrase euphémisante utilisée par les milieux validistes, pour désigner une personne handicapée la rédaction de Médiapart témoigne, sinon d’un parti pris, au moins de son malaise à traiter le sujet. Aussi,  la présence d’unE “disability manager” pour former, relire et corriger les contenus de la  rédaction avec une perspective en cohérence avec le droit international et les valeurs que portent Mediapart semblent plus que nécessaire.

Aussi, dans l’article, la journaliste de Médiapart parle de Classes ULIS. Ce ne sont pas des classes mais des dispositifs. Les élèves sont théoriquement inscritEs dans leur classe de référence (CP, CE1, CE2…) et sont soutenuEs par les dispositifs ULIS pour rendre accessibles l’ensemble des apprentissages. C’est une précision que nous avions déjà faite l’année dernière et qui montre aussi que la question de scolarisation des enfants handicapéEs n’est pas bien comprise.

Notre collectif va continuer de faire vivre cette question et de mettre à jour les exécrables conditions d’apprentissage des enfants handicapéEs :

– dans les classes où le manque d’adaptations et d’aménagements est évident.

– dans les dispositifs ULIS, UEM, UEE , où iels sont séparés de leurs camarades et des apprentissages des classes.

– dans des institutions comme les IME, CEM, MAS , ou iels se trouvent déscolariséEs et également  ségréguéEs.

Cependant,  notre travail militant sera vain si même des médias indépendants comme Médiapart continuent de traiter le sujet politique du handicap avec les outils du maître (les chiffres des associations gestionnaires) et la parole de celles-ci confondue avec celles des associations qui les combattent.

Aujourd’hui la réalité de l’abandon des pouvoirs publics, notamment en ce qui concerne l’école pour les enfants en situation de handicap, est invisibilisée ou traitée de façon approximative, ce qui est délétère : les questions politiques et discriminatoires sont complètement invisibilisées. Nous pensons  qu’il est très important de parler de ce leurre qu’est l’école inclusive actuelle qu’un pouvoir politique pense pouvoir faire semblant de mener en maintenant le système de ségrégation en institution. Il devient également indispensable de dénoncer le business que les associations gestionnaires font avec l’argent public.

Nous serons toujours disponibles pour expliciter nos propos et aider à comprendre le validisme systémique français et les nécessaires luttes antivalidistes pour en sortir. Mais nous ne laisserons jamais nos luttes être silenciées, ni par les mots ni par les chiffres de celleux qui oppressent les personnes handicapées, ni non plus par ceux qui dénient cette réalité.

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