Peut-il y avoir une philosophie sociale ? C’est le pari de Laurent Ott dans cet ouvrage. Il s’agit, pour l’auteur, d’une prise de parti multiple : à la fois reconnaître la réalité (ne pas la nier, ne pas vouloir la forcer dans un vain effort), agir sans être dans la réaction immédiate, mais en même temps ne pas confondre la distance de la réflexion et la capacité – à cultiver – de « se sentir proche de tous ceux qu’on m’avait appris à considérer comme étranges ou étrangers ». Laurent Ott traduit dans l’attitude réflexive et active ce que les neurosciences nous disent quant au lien entre l’émotionnel et le réfléchi : il n’y a pas coupure, ni existante ni à vouloir créer au forcing, mais alliance à configurer en toute conscience.
De cet ouvrage, parsemé de réflexions non banales (sur la parentalité, sur le « faire-ensemble »), on pourra penser que le titre est un peu ample pour l’objet : la philosophie est forcément sociale dans le sens où elle s’adresse à tous, peu sociale dans la mesure où elle est peu de notre côté de la barricade (*), rarement sociale aussi dans ses objets d’études (qu’elle laisse aux sciences sociales)… le mot social est décidément trop polysémique. Le sous-titre de l’ouvrage fait bien de restreindre le champ : « une philosophie pour tous les acteurs sociaux et éducatifs ».
Mais pour ceux qui interviennent, professionnellement ou non, dans le champ social pour le transformer, ou plutôt pour l’aider à ce qu’il se transforme, le livre de Laurent Ott mérite vraiment de retenir notre attention.
(*) Sans parler du nazi Heidegger, le souci de l’égalité ou simplement des droits humains n’est pas forcément partagé dans la longue histoire de cette volonté de penser le monde.
Laurent Ott, Philosophie sociale : Une philosophie pour tous les acteurs sociaux et éducatifs, Chronique sociale (Comprendre la société), 2016, 160 p., 12,50 €.