Introduction (par SVT Égalité)
L’éducation a toujours été un des piliers des mouvements libertaires. Pionnier de la coéducation, militant pour une pédagogie intégrale, Paul Robin en est une figure phare. Dans cet article, la spécialiste Christiane Demeulenaere-Douyère nous présente ses contributions en pédagogie.
À partir de 1895, Robin consacre sa vie à la diffusion du néo-malthusianisme – très en vogue dans le milieu médical de cette époque aux politiques natalistes – au travers de la « Ligue de la régénération humaine » qu’il fonde. La société dont il rêve ne peut passer, selon lui, que par un contrôle très strict de la natalité des classes populaires au risque de mener à la « dégénérescence de l’espèce humaine ». Cela doit donc passer par l’éducation bien sûr, par la contraception aussi, mais également par la stérilisation.
Ce projet eugéniste puise sa source dans ses combats précédents. C’est là, pour Robin, une des conditions de l’émancipation sociale des plus défavorisé·es, et des femmes en particulier. Reste que sa dimension profondément paternaliste et classiste l’éloigne pourtant dans les faits de l’idéal d’émancipation qui a toujours été son fil directeur. De plus en plus isolé, Robin se suicide en 1912.
Paul Robin (1837-1912) est issu d’une famille catholique et bourgeoise. Après des études scientifiques à l’École normale supérieure de Paris, dont il sort diplômé en 1863, il enseigne la physique en lycée. En marge, il donne des cours publics de science pratique pour les ouvrièr·es , mais bien vite il rompt avec le système éducatif officiel.
Dès lors, il se consacre à trois engagements forts qui sont l’expression des trois idées qui ont gouverné sa vie : la révolution sociale, l’éducation intégrale et le néo-malthusianisme. Elles se rejoignent dans une seule aspiration : l’émancipation et le bonheur de l’humanité.
La révolution sociale
En 1865, il rencontre au Congrès international des étudiants de Liège des intellectuel·les socialistes, comme Aristide Rey ou César De Paepe, et les meneurs du mouvement ouvrier belge balbutiant. Il adhère à l’Association internationale des Travailleurs et participe à la création et l’animation de la section belge de l’AIT. Les affrontements sanglants de Seraing, en 1869, provoquent son expulsion de Belgique.
Il se retire à Genève, où il se lie avec Bakounine et devient le rédacteur du journal internationaliste l’Égalité. Il se retrouve ainsi mêlé au conflit entre le Conseil général de Londres et les sections jurassiennes. Finalement, en 1871, il est exclu de l’Internationale par les marxistes.
Robin est entré en révolution plus par générosité que par idéologie, parce qu’il refuse l’analphabétisme qui condamne à l’ignorance et à la dépendance sociale et parce que le système scolaire officiel de son temps, rigide et routinier, ne peut corriger cette injustice. Malgré ses sympathies pour les libertaires qui restent vives toute sa vie, Robin, confiné dans un exil anglais qui dure près de dix ans, se détourne du militantisme politique actif.
Le combat de l’orphelinat de Cempuis
En 1880, Robin prend la direction de l’orphelinat Prévost, à Cempuis (Oise), grâce au soutien de Ferdinand Buisson. Il y trouve l’occasion de confronter à la pratique, auprès des élèves, des conceptions pédagogiques muries sous l’influence de la réflexion socialiste et ouvrière sur l’éducation.
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