Le développement récent en France du homeschooling (enseignement à la maison, autorisé par la loi en France sous certaines conditions) a répandu dans la population l’idée que les parents, quelle que soit leur formation -ou leur absence de formation-, étaient aptes à instruire eux-mêmes leurs enfants. Du moins les parents qui instruisent leurs enfants à la maison ne se voient pas (pas encore ?) délivrer pour autant un diplôme d’enseignant-e.
Un pas supplémentaire dans la déprofessionnalisation des métiers en relation avec les enfants est franchi avec le projet de la secrétaire d’état à l’Egalité entre les femmes et les hommes, Marlène Schiappa, de conférer via une VAE (validation des acquis de l’expérience) un diplôme professionnel, le CAP « petite enfance » (voire le brevet d’éducateur de jeunes enfants, d’après ses premières déclarations), aux mères et pères sans diplôme ni emploi qui élèvent leur(s) enfant(s).
Ce projet a, à juste titre, soulevé la contestation des professionnel-le-s de la petite enfance qui voient leur métier dévalorisé par cette ubérisation l’ouvrant à des personnes sans véritable formation. La secrétaire d’Etat a tenté dans la presse de justifier son projet sur ce point : « je n’ai jamais proposé de distribuer des CAP petite enfance aux mères », « il s’agit d’intégrer dans des parcours diplômants, dans des VAE, avec des formations, des examens, des dossiers très solides, et des jury de professionnels ».
Il n’en reste pas moins que pour la première fois est ainsi établi un lien direct entre une activité de la sphère privée, voire intime (faire et élever des enfants) et une activité professionnelle (sanctionnée de plus par un diplôme), comme si les deux remplissaient la même fonction sociale. C’est la notion même de professionnel-le qui est ici remise en question. Va-t-on bientôt considérer que faire son jardin et exercer la profession de jardinier-paysagiste, que préparer le repas familial et être cuisinier professionnel, que soigner les bobos de son enfant et être personnel de santé relèvent du même domaine d’activité ?
Le projet ministériel implique aussi en retour l’idée que celle qui a eu des enfants (et la secrétaire d’Etat précise même qu’elle cible en priorité les « près de 6 000 jeunes mères mineures en France qui n’ont pas de diplômes, qui sont sorties du parcours scolaires ») serait plus qu’une autre comme naturellement propre à exercer professionnellement un métier auprès des enfants des autres. De quoi soulever à juste raison l’ire des mouvements féministes, qui contestent le lien établi ainsi entre maternité et compétence professionnelle, renvoyant les femmes à un rôle d’éleveuse d’enfants.
Le macronisme en marche n’a pas fini de nous faire reculer …