Nous poursuivons notre publication estivale de quelques-unes des chroniques revigorantes de Véronique Decker.
N’oubliez pas de commander et lire son dernier recueil, L’école du peuple.
L’école du peuple
Véronique Decker
Collection N’Autre École / Q2C n° 9
Libertalia, 124 p., juin 2017
Prix : 10 € + 2,84€ de frais de port
La petite fille héroïque
C’était il y a très longtemps. Je venais d’être nommée directrice. Dans la cité, des parents qui étaient originaires d’un pays très lointain ont dû brutalement rentrer au fin fond de l’Asie. Des raisons familiales, mais que j’ai oubliées. Dans l’urgence, ils appellent une cousine pour qu’elle vienne s’occuper de leurs deux enfants. Ils ont des billets achetés à la dernière minute et doivent partir rapidement pour Roissy. Comme la cousine n’est pas encore arrivée, ils confient la petite de deux ans à la grande de huit ans en lui demandant de garder bien sagement sa sœur. Mais voilà, la cousine pour des raisons que je ne connais pas, n’est pas venue. Alors, grande sœur a fait un petit repas pour petite sœur, et puis elle l’a couchée, et elle a dormi aussi. Le lendemain, elle a fait de son mieux, et a trouvé des biscuits et des yaourts dans le frigo.
Mais au bout de deux jours, petite sœur est tombée malade, alors grande sœur est allée voir la voisine pour lui demander ce qu’il faut faire pour soigner les enfants malades. La voisine n’a pas imaginé un instant que grande sœur était seule et elle a répondu sans inquiétude que lorsque les bébés sont malades, les parents vont à l’hôpital. Grande sœur n’a pas osé lui demander de l’aide. Elle a pris petite sœur dans ses bras et elle a traversé toute la ville de Bobigny avec l’enfant dans ses bras. Mais voilà, ici, il n’y a pas d’urgences pédiatriques. Il faut aller à l’hôpital de Bondy.
Lorsqu’elle s’est présentée à l’accueil, l’infirmière tout d’abord l’a refoulée, avant de se raviser et de demander où étaient les parents qu’elle ne voyait pas. Grande sœur s’est mise à pleurer, et a enfin raconté la situation. L’infirmière a fait transporter petite sœur en ambulance, et grande sœur s’est retrouvée prise en charge par les services sociaux. Après, évidemment, il y a eu enquête sociale, mesures diverses, plainte.
Mais qui a pensé à dire à grande sœur qu’elle était une héroïne, car devant chaque difficulté, elle avait su prendre la bonne décision et qu’elle avait sauvé la petite ?