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Un anniversaire peu célébré…

Le 30 septembre 2021 l’abolition de la peine de mort a eu 40 ans et pourtant l’information a été peu reprise dans les médias, sur les réseaux sociaux…

Sans doute, la politique spectacle omniprésente a su capter les citoyens et les citoyennes avec ses sondages quotidiens en vue des présidentielles nourris par les élucubrations de Zemmour et les réactions des politiques qu’ils soient élus ou candidats.

Heureusement, les organisations humanistes ont rappelé cet anniversaire et mis en avant le rôle essentiel de Robert Badinter.

Petit rappel historique
Le 17 septembre 1981, dans un discours passionné de plus de deux heures, Robert Badinter demande solennellement à l’Assemblée nationale d’approuver le projet de loi sur l’abolition de la peine de mort. Le lendemain, il est adopté avec 363 voix contre 117 sur 486 votants.

Le 30 septembre, les sénateurs l’adoptent avec 160 voix contre 126 sur 287 votants. La Loi portant sur l’abolition de la peine de mort sera promulguée le 9 octobre 1981.

La France devient alors le 36e État à l’abolir, elle était le dernier membre de la Communauté européenne à l’appliquer.

Pour écouter le discours de Robert Badinter du 17 septembre 1981 devant l’Assemblée Nationale :
https://www.ina.fr/ina-eclaire-actu/video/i00004546/discours-de-robert-badinter-sur-l-abolition-de-la-peine-de-mort-22
Pour le lire : https://www.peinedemort.org/document/4738/Debats-a-l-Assemblee-nationale-sur-l-abolition-de-la-peine-de-mort-en-France-intervention-de-M-Badinter-garde-des-sceaux-ministre-de-la-justice

Quelques extraits

“Le débat qui est ouvert aujourd’hui devant vous est d’abord un débat de conscience et le choix auquel chacun d’entre vous procédera l’engagera personnellement (…)  La France est grande, non seulement par sa puissance, mais au-delà de sa puissance, par l’éclat des idées, des causes, de la générosité qui l’ont emporté aux moments privilégiés de son histoire.

La France est grande parce qu’elle a été la première en Europe à abolir la torture malgré les esprits précautionneux qui, dans le pays, s’exclamaient à l’époque que, sans la torture, la justice française serait désarmée, que, sans la torture, les bons sujets seraient livrés aux scélérats.

La France a été parmi les premiers pays du monde à abolir l’esclavage, ce crime qui déshonore encore l’humanité. Il se trouve que la France aura été, en dépit de tant d’efforts courageux, l’un des derniers pays, presque le dernier – et je baisse la voix pour le dire – en Europe occidentale, dont elle a été si souvent le foyer et le pôle, à abolir la peine de mort. (…) Alors pourquoi le silence a-t-il persisté et pourquoi n’avons-nous pas aboli ? (…) Rien n’a été fait pendant les années écoulées pour éclairer cette opinion publique. Au contraire ! On a refusé l’expérience des pays
abolitionnistes; on ne s’est jamais interrogé sur le fait essentiel que les grandes démocraties occidentales, nos proches, nos soeurs, nos voisines, pouvaient vivre sans la peine de mort. (…)

Il n’a jamais, jamais été établi une corrélation quelconque entre la présence ou l’absence de la peine de mort dans une législation pénale et la courbe de la criminalité sanglante (…) En fait, ceux qui croient à la valeur dissuasive de la peine de mort méconnaissent la vérité humaine. La passion criminelle n’est pas plus arrêtée par la peur de la mort que d’autres passions ne le sont qui, celles-là, sont nobles. (…) La question ne se pose pas, et nous le savons tous, en termes de dissuasion ou de technique répressive, mais en termes politiques et surtout de choix moral. (…)

Voici la première évidence: dans les pays de liberté, l’abolition est presque partout la règle; dans les pays où règne la dictature, la peine de mort est partout pratiquée. Ce partage du monde ne résulte pas d’une simple coïncidence, mais exprime une corrélation. La vraie signification politique de la peine de mort, c’est bien qu’elle procède de l’idée que l’Etat a le droit de disposer du citoyen
jusqu’à lui retirer la vie. C’est par là que la peine de mort s’inscrit dans les systèmes totalitaires. (…)

Demain, grâce à vous, la justice française ne sera plus une justice qui tue. Demain, grâce à vous, il n’y aura plus, pour notre honte commune, d’exécutions furtives, à l’aube, sous le dais noir, dans les prisons françaises. Demain, les pages sanglantes de notre justice seront tournées.

A cet instant plus qu’à aucun autre, j’ai le sentiment d’assumer mon ministère, au sens ancien, au sens noble, le plus noble qui soit, c’est-à-dire au sens de service. Demain, vous voterez l’abolition de la peine de mort. Législateurs français, de tout mon coeur, je vous en remercie.”

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