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Semaine de quatre jours : l’argumentaire à charge d’un parent d’élèves

Ce texte a été publié sur le site des Cahiers pédagogiques. Il n’évoque pas toute la question des rythmes scolaires mais sur la semaine de quatre jours, il donne amplement matière à réflexion, au moment où le ministre, pas à pas, s’engage dans cette direction.

22 juin 2017

Ce père de deux enfants scolarisés dans une commune du Rhône, représentant des parents d’élèves dans leur école, est aussi chercheur en biologie, enseignant à l’Université. L’argumentation scientifique lui tient à cœur de par son métier, il a donc lu avec attention les rapports sur les rythmes scolaires afin de se forger son propre avis, qu’il a exposé à d’autres parents élus de sa commune.

La municipalité de ma commune souhaite le retour dès septembre à la semaine de quatre jours d’école. Je n’ai pas pu pour des raisons personnelles aller à une réunion organisée à la mairie il y a quelques jours. Je le regrette, car j’aurais peut être pu y exposer les arguments scientifiques indiquant qu’une semaine de quatre jours est la pire des solutions comme organisation scolaire. J’ai fait part de mes arguments à à la représentante de la mairie en conseil d’école mais elle n’a pas paru sensible aux arguments que je défendais, même basés sur des études scientifiques très sérieuse. Clairement, ce retour en arrière n’est fait que pour des considérations budgétaires. Rien d’autre.
Pour ma part, je suis farouchement opposé au retour à la semaine de quatre jours. D’un point de vue personnel, je ne pense pas que ce retour à quatre jours d’école impacterait l’apprentissage scolaire de mes enfants, car ils feront des activités extrascolaires le mercredi pour compenser l’absence de temps scolaire. Mais en tant que représentant des parents d’élèves et scientifique, je ne peux que m’offusquer de ce retour en arrière qui va être décidé à la va-vite, sans concertation.
La pire des solutions
Concernant les enfants en école élémentaire, le retour à la semaine de quatre jours serait la pire solution pour l’apprentissage des enfants, surtout pour ceux des milieux défavorisés. On le sait depuis des dizaines d’années grâce aux connaissances accumulées sur les rythmes biologiques journalier et hebdomadaire des enfants. Pour une bonne concentration, et donc un bon apprentissage le jeudi, il faut qu’il y ait école le mercredi matin. Ce phénomène n’est pas observé pour les enfants des milieux aisés car l’absence d’école le mercredi matin sera compensée par des activités extrascolaires qui les stimuleront intellectuellement.
En tant que représentant des parents d’élèves, je ne peux pas cautionner une mesure qui va creuser un peu plus les inégalités à l’école.
La représentante de la mairie m’a demandé de lui envoyer les notes et rapports sur ce sujet. Je lui ai compilé mes notes que voici et qui j’espère persuaderont les parents des école de ma commune de voter contre la semaine de quatre jours. Tous les rapports évoqués ont été écrits après compilation de données scientifiques.
 Premier document à lire : la note de synthèse du rapport du Sénat sur la réforme des rythmes scolaires publié ce mois-ci. Dirigée par deux sénateurs Les Républicains, un socialiste et un communiste, vice-président du Sénat. 
Dans les cinq principales recommandations, il est écrit « Ne pas revenir à la situation antérieure à la réforme de 2013 », c’est à dire la semaine de quatre jours, qui est le pire système pour l’apprentissage des élèves.
Des considérations autres que pédagogiques
« La généralisation de la semaine de quatre jours : une concentration du temps de classe défavorable aux apprentissages, en particulier pour les élèves défavorisés. La réforme de 2008 a vu la généralisation de la semaine de quatre jours à l’école primaire, par la suppression de l’école le samedi matin. Instituée pour des considérations autres que pédagogiques, cette organisation du temps scolaire a été vivement critiquée. En résultent fatigue et moindre vigilance des élèves, resserrement du contenu et des temps d’apprentissage, libération du temps peu bénéfique pour les élèves défavorisés, distension du lien avec les parents d’élèves. »
 J’ai aussi ressorti un article de 2008 d’Antoine Prost, historien de l’éducation, qui critiquait à l’époque la semaine de quatre jours. L’article est titré Un Munich pédagogique (lecture complète réservée aux abonnés).
On peut y lire : « Les comparaisons internationales nous montrent en mauvaise position et 10 à 15 % des élèves qui entrent en 6e sont incapables de suivre. Et qu’est-ce qu’on fait ? On réduit la durée de l’enseignement ! A qui fera-t-on croire qu’il est possible d’apprendre mieux et plus en travaillant moins ?  »
« Avec trente-six semaines de quatre jours, l’Ascension, le lundi de Pentecôte, le 1er et le 8 mai, le 11 novembre, cela fera moins de 140 jours de classe par an. Il y en a 210 au Japon, 200 en Italie et au Danemark, 188 en Finlande, 190 en Grande-Bretagne. Et l’on se plaint du niveau des petits Français ? Il n’y a qu’une chose vraiment importante en éducation : c’est le travail des élèves. Sur quel miracle, sur quelle potion magique, M. Darcos compte-t-il pour compenser les amputations qu’il décrète ? Le résultat de ces lâchetés et de ces hypocrisies est connu d’avance : le nombre des élèves incapables de suivre en 6e va augmenter. Je dénie à quiconque ne proteste pas aujourd’hui de toutes ses forces contre cette mesure le droit d’ouvrir demain la bouche pour déplorer cet échec majeur. »
 En 2009, Bruno Suchaut, chercheur en évaluation de l’enseignement scolaire, écrit un rapport intitulé L’organisation et l’utilisation du temps scolaire à l’école primaire : enjeux et effets sur les élèves.
Variations de l’activité intellectuelle
On peut y lire : « Sur le plan des rythmes hebdomadaires, dans une semaine scolaire de quatre jours et demi de classe (dont le samedi matin), les enfants de CP sont les plus performants le jeudi après-midi alors que pour les enfants plus âgés, c’est le vendredi matin qui est la meilleure demi-journée. La coupure du week-end se ressent le lundi mais aussi le samedi matin pour tous les élèves et avec plus d’intensité pour les élèves les plus jeunes (Testu, 1979). Des études effectuées dans des pays où les jours de congé ne sont pas les mêmes que dans le monde occidental, indiquent que les “bons” et les “mauvais” jours de performances des élèves sont différents, cela tend à montrer que les variations hebdomadaires ne dépendant pas uniquement de l’âge des élèves, mais aussi de l’aménagement du temps scolaire : “à la différence des fluctuations journalières, les variations hebdomadaires de l’activité intellectuelle seraient plus le reflet de l’aménagement du temps que d’une rythmicité endogène propre à l’élève” (INSERM, 2001, p. 62). Un phénomène particulièrement intéressant pour notre problématique est que l’organisation de la semaine sur quatre jours peut perturber la rythmicité journalière évoquée précédemment. On assiste dans ce cas à une rythmicité inversée qui témoignerait d’une désynchronisation et qui aurait pour conséquence une baisse du niveau de performance en fin de demi-journée (Delvolvé, Davila, 1996 ; Fotinos, Testu, 1996). La semaine de quatre jours aurait, en outre, des effets négatifs plus accentués dans les zones d’éducation prioritaire, notamment pour les enfants qui ne bénéficieraient pas d’activités péri ou extra-scolaires, la rythmicité intellectuelle journalière s’accompagne en effet d’une diminution significative du niveau de performance pour les élèves concernés (Testu et al.., 1998). »
Dans le même rapport, on lit encore : « Une organisation du temps qui tiendrait compte des résultats des recherches dans ce domaine limiterait le temps d’enseignement à une vingtaine d’heures jusqu’au CE2 avec des journées moins longues. Cela aurait pour conséquence d’organiser la semaine sur quatre jours et demi ou cinq jours et de réduire la durée des congés d’été d’une ou deux semaines. Les séquences d’apprentissage devraient être placées à des moments où les élèves sont les plus réceptifs, il faudrait donc prévoir une mise en route progressive des activités en début de matinée et les débuts d’après-midi devraient être consacrés à des activités non scolaires. Cette organisation implique bien évidemment une coordination étroite entre les acteurs éducatifs au niveau local pour une articulation entre les temps scolaires et périscolaires. »
 En 2010, le Rapport de l’académie de médecine indique « le rôle néfaste à cet égard de la semaine dite de quatre jours sur la vigilance et les performances des enfants les deux premiers jours de la semaine liées à une désynchronisation liée au week-end prolongé ». Le rapport compare en effet la semaine de quatre jours avec la semaine de quatre jours et demi avec école le samedi matin, sans évoquer la semaine de quatre jours et demi avec école le mercredi.
L’exemple de Toulouse
 En 2011, le rapport de la Conférence nationale sur les rythmes scolaires. Qui cite page 22 l’exemple de Toulouse : « en 2008, malgré l’entrée en vigueur de la semaine de quatre jours au niveau national, la ville de Toulouse opte pour une mesure dérogatoire mise en place après concertation : ses 198 écoles fonctionnent sur quatre jours dont le mercredi matin. L’inspecteur d’académie de Haute-Garonne, après consultation des conseils d’école pour avis – lequel fut largement favorable – a accordé la dérogation pour trois ans, dans le cadre d’une harmonisation pour les écoles de la ville.
Les deux arguments avancés étaient les suivants :
– enseignants et parents, au terme du premier trimestre, après passage à la semaine des quatre jours, se sont plaints « d’un premier trimestre épuisant » et de la fatigue générée par ce dispositif hebdomadaire ;
– les deux parents ayant le plus souvent une activité professionnelle, les centres de loisirs devaient faire face à un afflux d’enfants contraints de se lever tôt le mercredi comme les autres jours. Les écarts avec les enfants dont les activités étaient organisées au domicile étaient visibles et mal ressentis.  »
À ce propos, dans un article récent du 7 juin 2017, la mairie de Toulouse estime qu’il est urgent… de ne pas se presser. Le périscolaire existe depuis quinze ans et les dernières écoles à mettre en place les activités périscolaires l’ont fait en 2007. 80% des familles se disent satisfaites des quatre jours et demi.
Dans l’intérêt des enfants ?
 Le rapport de décembre 2010 de la Mission d’information sur les rythmes scolaires, présidée par la députée Michèle Tabarot, pour la Commission des affaires culturelles et de l’éducation de l’Assemblée nationale, avec comme co-rapporteurs Xavier Breton et Yves Durand.
Le ministre actuel de l’Éducation nationale, Jean-Michel Blanquer, à l’époque directeur général de l’enseignement scolaire au ministère de l’Éducation nationale est cité page 13 : « si la semaine de neuf demi-journées (quatre jours t demi) n’a pas été choisie, c’est parce que le monde des adultes s’est entendu sur le monde des enfants ». Notre ministre actuel est donc bien conscient que le choix de la semaine des quatre jours est une décision des adultes au détriment de l’enfant.
Page 18 : « Pour Hubert Montagner aussi, ancien directeur de recherche à l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM), pour les enfants issus de milieux défavorisés, on n’observe plus de temps fort d’attention l’après-midi, période au cours de laquelle ils décrochent et attendent, avec impatience, d’être “libérés” à 16 heures 30. Aux yeux de cet interlocuteur de la mission, la situation de ces élèves s’apparente à de la “maltraitance”. »
La semaine de quatre jours et demi que nous connaissons n’est pas parfaite (elle tient aussi compte de l’organisation du travail en France) mais la semaine de quatre jours serait pire.
Erwan Gueguen
Parent d’élèves dans le Rhône

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