Récit de la journée de grève du 23 envoyé par un professeur des écoles du syndicat Sud Éducation Paris.
Ce matin, pas d’« AG centrale » parisienne des écoles en grève comme d’habitude, mais une AG « nord » dans une école du 19ème et une AG « sud » dans le 13ème arrondissement.
Dans le 19ème, on se retrouve à une grosse centaine dans un préau. C’est un peu moins solennelle car l’intersyndicale ne tient pas la tribune. On s’organise rapidement, il faut dire qu’on commence à tous et toutes se connaître : tour de parole, minutage, ordre du jour…
Même les flics ont besoin de repos, on va les épuiser.
On fait un point sur la situation : il faut continuer la grève, on est prêt du but ! Une camarade du Snuipp explique que le 49.3 lui a donné envie des envies de blocages. Tout le monde est en colère. Quelqu’un rappelle que la répression des manifs et les réquisitions montrent que le gouvernement tient par sa police et qu’il ne faut rien lâcher des manifestations « libérées » du soir, car « les flics aussi ont un coeur et ont besoin de repos. On va les épuiser. ». On rigole un peu quand le camarade de LO nous rappelle pour les énièmes fois le contexte de guerre en Ukraine (on va finir par faire un bingo tellement tout le monde dit toujours la même chose dans cette AG).
Certain.es expliquent qu’iels seront en grève le lendemain, beaucoup d’autres parlent de lundi prochain. Dans tous les cas, on vote un appel à reconduire la grève la semaine prochaine ! Une copine propose d’aller faire des tournées dans les écoles des arrondissements centraux. Puis, une autre collègue annonce des prises de parole par les cheminot.es, la RATP et les électricien.nes à la gare de Lyon, suivies d’une action ! On sait juste qu’il faut aller sur le quai 23.
Une centaine d’instit’ arrivent à la gare de Lyon.
L’AG tourne un peu court. On décampe rapidement ! Un groupe prend le métro, d’autres organisent un petit cortège à vélo. Bref, une bonne centaine d’instit’ arrivent à la gare de Lyon.
Pile à l’heure ! Les enseignant.es savent pas trop où iels vont, mais suivent les camarades de Sud Rail et de la CGT qui sont déjà sur les voies. Drapeaux, slogans, fumigènes. Il y a un monde fou : les journalistes ont parlé de 800 personnes, mais il y avait probablement encore plus de monde. Un joyeux mélange interprofessionnel qu’on voit rarement dans la capitale. Les instits un peu anxieux/ses suivent les copains/ines en cortège sur les voies. Ça chante des slogans et quelques chansons de manière plutôt détendue.
Finalement, le cortège sort des voies à Bercy sans avoir vu la police et se redirige vers la gare de Lyon et Bastille où se prépare la manif de l’après-midi.
Avec des copains.ines, on va se caler au niveau de Sud Éducation mais il y a tellement de monde quand la manif démarre qu’on se retrouve dans l’incroyable cortège du Pink Bloc qui brille depuis le début du mouvement autant par ses drapeaux brillants que par son énergie, sa créativité, son humour et sa pertinence politique (merci à vous!). Le cortège de Solidaires s’étend à perte de vue – et on en aura pas vu d’autres de la journée. Il y a une bonne humeur et une détermination incroyable dans le cortège malgré le fait qu’on avance pas très vite. On voit aussi beaucoup plus de diversité que dans les manifs précédentes. Les trottoirs sont remplis, des dizaines manifestant.es grimpent dans un échafaudage et envahissent tranquillement un immeuble en rénovation. On voit des gens sur les toits. Quelqu’un taggue la bâche de l’échafaudage : « Macron Démision ». « Il manque un S » crie le cortège de profs dans un grand moment d’hilarité et d’autodérision.
Ça avance pas, mais la foule est pourtant toujours aussi dense. On apprend que certaines cortèges ne sont toujours pas partis de Bastille alors qu’on a déjà dépassé le Faubourg Saint-Denis et qu’on se rapproche de l’Opéra. Puis, on nous dit que c’est « le chaos à Opéra », mais que les gens restent solidaires.
Comment disperser 800 000 personnes ?
Les gens arrivent avec détermination à Opéra. Sur la place, c’est un peu confus. Plus personne ne sait vraiment quoi faire et où aller. La place est petite, mais toutes les issues semblent bloquées par la police. Des appels à se retrouver « en dehors du dispositif » ont beaucoup circulé et les flics ont l’air sur les dents. Pas mal de gens tournent sur la place pour trouver un moyen de partir, d’autres restent. Des manifestant.es allument un feu de joie au milieu. Faire demi-tour, en plus d’être assez rageant, est compliqué car le reste de la manif continue d’arriver et qu’un kiosque à journaux brûlent sur le boulevard. On se demande tous et toutes comment la préfecture a prévu de disperser les 800 000 manifestant.es qui sont là.
Avec une copine, on finit par sortir en direction de Saint-Lazare après avoir passé trois barrages de police. Une demi-heure plus tard, un ami m’envoie un : « On est nassé sur la place ». Je l’appelle, il ne répond pas. Cinq minutes plus tard, il me raconte : « On ne pouvait pas sortir de la place en nous gazant. On s’est mis sur le côté avec mon frère, mais la police nous a obligé à aller au milieu de la place. Puis, ils ont gazé et ont lancé charge sur charge. On ne pouvait pas sortir. J’ai jamais eu aussi peur ».
Fin de la journée pour moi, mais rentré à la maison, on apprend avec joie que les manifestations continuent dans tout Paris ! Force à celles et ceux qui bravent la BRAV !
Ne lâchons rien, tenons la rue comme les piquets de grève !
Un PE gréviste à Paris