Intervention de William Blanc et Christophe Naudin à propos de la tribune « Comment Philippe de Villiers récupère le mythe de Jeanne d’Arc » et du procès en diffamation intenté par celui-ci et l’Association pour la mise en valeur du Château et du pays du Puy du Fou.
En défense des métiers de l’histoire. Les sciences historiques face aux attaques politiques
Chères et chers collègues,
Le témoignage dont nous allons vous faire part s’inscrit dans des circonstances inédites. En effet, à notre connaissance, pour la première fois depuis très longtemps, des historiens médiévistes ont été attaqués pour avoir fait acte de vulgarisation dans un organe de presse national par une figure politique ayant exercé des fonctions aux plus hauts niveaux de l’État. Malgré le caractère extraordinaire de cette situation, il s’agit aussi de la première fois que nous sommes invités par une instance scientifique et académique à nous exprimer sur le sujet. Voilà pourquoi nous adressons ici nos chaleureux remerciements à la SHMESP [Société des historiens médiévistes de l’enseignement supérieur public] de nous avoir conviés aujourd’hui à prendre la parole dans le cadre de cette table ronde « Libertés académiques et médiation scientifique. Quelle place pour les chercheurs, entre débats historiques et débats de société ? ».
1. Rappel des faits
Commençons par un bref rappel des faits qui nous ont amenés à venir témoigner devant vous[1]. En mars 2016, le Puy du Fou, par la voix de son fondateur, Philippe de Villiers, a annoncé avoir racheté un anneau ayant appartenu à Jeanne d’Arc. En tant qu’historiens médiévistes travaillant notamment sur les usages publics de l’Histoire, nous avons été sollicités par le journal Le Monde pour publier une tribune sur leur site internet (« Comment Philippe de Villiers récupère le mythe de Jeanne d’Arc ») dans laquelle nous avons relayé les doutes émis par des spécialistes quant à l’authenticité de cet objet, voyant dans cette annonce une forme typique d’usage mémoriel de Jeanne d’Arc, si courant dans la France contemporaine.
Une dizaine de jours plus tard, Philippe de Villiers a obtenu un droit de réponse. Cela ne lui a semble-t-il pas suffi. Le 31 mai 2016, lui et l’Association pour la mise en valeur du Château et du pays du Puy du Fou ont décidé de nous attaquer devant les tribunaux pour diffamation, exigeant de nous, par la voix de leur avocat, maître Gilles-William Goldnadel, 50000 euros à titre de dommages et intérêt. Nous avons été mis en examen le 27 novembre 2017 et défendus depuis par maître Emmanuel Tordjman, que nous remercions chaleureusement.
Par deux fois, le tribunal de Versailles a reconnu notre bonne foi et celle du Monde, en nous relaxant en première instance, absence de toute faute confirmée en appel par un arrêt de la Cour d’Appel de Versailles du 9 septembre 2020. Philippe de Villiers ne s’est finalement pas pourvu en cassation.
Lire la suite ICI sur le site de la Société des historiens médiévistes de l’enseignement supérieur public :
https://www.shmesp.fr/vie-societe/tables-rondes-debats/