Tout au long de l’été, nous vous proposons de suivre les chroniques de Véronique Decker “Enseigner dans la 93”
Célestin
Célestin Freinet, bien sûr. Celui qui m’a aidé à comprendre comment faire pour que dans la classe travaillent ensemble des élèves de niveau CP avec des élèves de niveau CM2, dans un classe qui n’avait de CM2 que l’étiquette sur la porte. Dedans, c’était la cour des miracles et des miracles il y en avait tous les matins…Le secret, c’est de ne pas tenter de faire faire la même chose à des élèves qui n’en sont pas au même lieu du chemin. Tant que tu tentes l’impossible, tu n’y arrives pas et tu crois que c’est toi qui est mauvaise instit. A partir du moment où tu renonces, où tu acceptes que Ismaël étudie les divisions à virgule en CE2 pendant que Mugurel s’interroge sur les compléments à 10 en CM1, que tu vois bien qu’ Aminata, qui vient d’avoir ses lunettes en CM2 devrait apprendre à écrire dans les lignes, ce qui n’a pas été possible en CP, alors que Charlotte doit d’abord et avant tout apprendre à ne pas être le centre du monde, sauf que l’année d’après c’est Charlotte qui apprend les divisions avec l’aide de Sarah, pendant que Mugurel renonce à faire l’andouille pour se faire remarquer d’Aminata, qui vient de recopier proprement sa poésie, pour le journal de l’école qu’Ismaël va bientôt imprimer…Il faut renoncer aux enfants militarisés, marchant d’un même pas vers un avenir meilleur. Célestin m’a appris l’existence des drailles, moi qui vient de l’Est, je ne connaissais même pas le mot. Pourtant les bergers des Alpes, qui conduisent les troupeaux trashumants, savent bien qu’il est inutile de vouloir les faire marcher tous d’un même pas. Les brebis prennent chacune leur chemin, et le berger veille à ce que tout le monde avance, pour qu’à la fin, le pâturage promis profite à chacune. Célestin m’a beaucoup aidée, mais j’ai fait de très nombreuses rencontres qui m’ont permis d’avancer. Célestin, lui avait fondé un mouvement, qui avait créé des outils, qui organisait des chantiers de travail, et cela est supérieur à tout. Ce qui fonde la force du mouvement Freinet, c’est de faire vivre la coopération dont on parle avec les élèves dans son sein. Tant que nous serons nous même ce que nous prétendons être avec les enfants, notre draille mènera aux pâturages des progrès scolaires coopératifs.