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Le livre au cœur de l’école maternelle, par Véro Vicente

Couverture de l'éduc freinet, deux enfants lisent un livre

L’Educ Freinet est la revue du mouvement Freinet. Son dernier numéro, “écrilire et littérature”,  est consacré à  “l’écrilire : joli mot-valise créé pour décrire la Méthode naturelle d’écriture et de lecture des classes Freinet” précise le comité de rédaction. “Ce va-et-vient constant entre lire et écrire, ces enrichissements réciproques permettent aux enfants et aux jeunes de devenir des auteurs et autrices […] La découverte de la littérature s’inscrit naturellement dans cette démarche d’écrilire et participe à l’émancipation culturelle et sociale des enfants”.

Le texte qui suit de Véro Vicente, pédagogue Freinet, raconte la place des livres dans sa classe d’école maternelle.


Le livre au cœur de l’école maternelle

Pour que lire devienne un acte naturel.

Étant une fervente lectrice depuis mon plus jeune âge, le livre a toujours eu beaucoup d’importance dans les classes où j’ai travaillé.

Depuis quelques années, avec l’expérience que j’ai acquise, il s’est imposé comme un élément central, dans ma classe multiniveaux, mais aussi dans notre école ; d’ailleurs, il est devenu le cœur de mon projet.

Le comité de lecture

Depuis quelques années, nous travaillons avec la librairie jeunesse de notre ville, Oh les papilles ! à Aix-en-Provence. Elle nous prête environ une trentaine de livres, que nous répartissons en trois sacs, un pour chaque classe. Ces livres vont rester dans le sac, les enfants le savent, ils ne nous appartiennent pas.

Dans un premier temps, on les présente : titre, illustration, et quatrième de couverture. Les enfants ont bien compris maintenant à quoi ça servait. Ils disent : « Si tu veux emprunter ou acheter un livre et que le titre ou la couverture ne suffisent pas, tu peux lire la quatrième pour savoir de quoi ça parle. ».

Ensuite, on en lit un chaque jour, et on en discute : « est-ce que ça t’a plu ou pas plu ? Pourquoi ? », etc. Au début, les commentaires sont souvent « j’aime ou j’aime pas ». Petit à petit, on essaie d’argumenter : « comment trouves-tu les dessins (les illustrations) ? Et l’histoire ? Les personnages ? Quelles émotions ça procure ? » Et les enfants commencent à émettre des critiques plus approfondies, plus personnelles, plus étayées.

Les enfants commencent à émettre des critiques plus approfondies, plus personnelles, plus étayées.

Au bout de trois semaines environ, on vote pour deux livres (ou trois s’il y a des ex æquo), et on échange les sacs avec les deux autres classes. Quand on a lu tous les livres, on fait une petite cérémonie avec tous les enfants dans la salle d’accueil, avec les choix des trois classes et en général on garde dix ou douze livres que l’on va acheter pour notre bibliothèque d’école.

Emprunter un livre

La bibliothèque d’école fonctionne en animation avec les parents volontaires (c’est fluctuant). Et en prêt chaque semaine, dix enfants par classe empruntent un livre, pour une durée d’une semaine. Les livres sont dans des sacs en tissu – une couleur par classe – pour éviter la perte à la maison. Ce qui est intéressant, c’est qu’ils essaient souvent de retrouver les livres achetés au comité de lecture.

Lorsqu’ils empruntent un livre, ils doivent remonter de la bibliothèque en connaissant le titre ou en sachant de quoi il parle : cela les aide à faire de vrais choix.

Dans notre classe, nous pratiquons également le quart d’heure lecture, quotidiennement. On s’installe dans la bibliothèque, après la cantine. La règle est simple : pendant quinze minutes, on lit – plutôt seul ou en chuchotant, assis, allongé – un ou plusieurs livres, sans bruit. J’apporte mon livre également. Au bout des quinze minutes, chacun doit parler rapidement d’un des livres qu’il a lus. Certains connaissent le titre, certains racontent succinctement l’histoire. D’autres récupèrent le livre de la veille : je viens donc d’acheter des marque-pages et on va trouver un endroit pour les livres non terminés, car c’est une étape supplémentaire d’avoir envie de finir un livre.

Les livres dans la classe

Nous avons une grosse bibliothèque de classe aussi, même si, depuis quelques années, j’ai été obligée de faire un petit coin livres pour les PS, qui ont encore un peu de mal à respecter les livres. Beaucoup de livres appartiennent à mes enfants qui sont grands maintenant. Leur prénom est inscrit à l’intérieur : ça impressionne les enfants que les livres aient une telle durée de vie, ça les incite à en prendre soin.

Ça impressionne les enfants que les livres aient une telle durée de vie, ça les incite à en prendre soin.

Il y a peu, un enfant de ma classe a trouvé un album, celui grâce auquel je me suis rendue compte que mon fils ainé savait lire. Je leur ai raconté cette anecdote et ils m’ont posé beaucoup de questions sur l’apprentissage de la lecture. Et quand ils lisent, seuls ou à plusieurs ils font le lien entre illustrations et textes, ils « racontent » l’histoire ; je leur dis que c’est comme ça qu’on apprend à lire.

On lit au moins deux albums par jour. Les enfants apprennent à choisir un livre « simple » pour les PS le matin, un livre plus long ou plus compliqué pour les Moyens Grands l’après-midi. Ça leur permet de se rendre compte de la qualité des livres, des critères de choix. Je lis toujours la page avant de leur montrer l’image, et maintenant je peux leur lire des livres sans images comme les 1000 ans de contes.

Dans notre cahier de progrès, il y a une histoire lue, que les enfants doivent raconter ensuite et c’est tout un travail, non seulement sur la mémoire, mais aussi la chronologie, la logique, la compréhension, la syntaxe, l’expression orale.

On se sert aussi des documentaires pour des recherches, ou lorsqu’on doit réaliser un album d’anniversaire sur un sujet précis. Enfin, on lit et relit les Histoires de mots et Histoire de lire pour les enfants prêts à entrer dans la lecture. Parfois, les livres nous inspirent aussi pour une création en arts plastiques, en graphisme, pour écrire des petites BD. Le coin livres est un atelier à part entière, où les enfants vont vraiment pour lire vraiment. Je le remarque depuis peu ; c’est surement lié à toutes les autres activités qui donnent au livre une place prépondérante.

La découverte des auteurs

Les enfants ont donc découvert des auteurs. Sur ces trois dernières années, on a eu une période Chris Haughton, une Antonin Louchard, une Claude Ponti. Ils commencent à appréhender le style de dessins, ou d’histoires, et même l’univers de chaque auteur. Avec Chris Haughton, nous avons vécu une expérience forte, car la découverte d’un premier livre via le comité de lecture a produit énormément de discussions sur ses dessins particuliers, sur ces histoires qui parlent vraiment aux enfants, sur l’humour. Ils ont remarqué que la fin de l’histoire appartient souvent au lecteur, que l’on peut imaginer ou supposer la fin, que souvent elle renvoie au début de l’histoire.

Ils ont remarqué que la fin de l’histoire appartient souvent au lecteur, que l’on peut imaginer ou supposer la fin, que souvent elle renvoie au début de l’histoire.

Dans Pas de panique petit crabe, les enfants ont fait un rapprochement immédiat entre ce petit crabe qui a vraiment peur de l’océan et y va petit à petit, puis ne veut plus rentrer à la maison, et eux qui ont un peu peur de venir à l’école le matin et finalement, veulent y rester le soir. L’auteur nous a dédicacé un livre, et ils ont compris qu’il y a quelqu’un qui écrit et dessine et surtout il nous a donné un fil rouge, un écureuil qui revient dans chacun de ses albums. Aujourd’hui les enfants connaissent ses livres par cœur.

La lecture avec les familles

On organise aussi une fois par an une semaine sans écrans et on en profite pour faire des ateliers lecture avec des parents, grands-parents, anciennes instits, etc., et les copines de mon club de lecture ! C’est aussi l’occasion d’avoir des débats autour de la lecture : pourquoi ? Comment ?

Nous avons préparé des panneaux et les adultes devaient y noter leur livre préféré ou bien leur premier souvenir de livre. Cela permet des discussions, et les enfants se rendent compte que les livres restent dans la tête et les souvenirs. Du côté des adultes, beaucoup renouent aussi avec le plaisir de lire, pour eux ou bien pour leurs enfants.

La bibliothèque municipale nous propose aussi des inscriptions gratuites et des abonnements. Et sur une page Facebook et un groupe WhatsApp pour la classe, je dépose des articles sur les enfants et la lecture. Cette année, on propose aussi un livre par semaine : le premier était mon choix, maintenant ce sont les enfants qui proposent chacun leur tour.

Nous essayons de faire en sorte que la lecture devienne vraiment un acte naturel pour tous, petits et grands.

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