Cette note de lecture de La Société est en nous, de Wilfried Lignier est l’occasion d’une réflexion sur l’importance de faire travailler un “langage sociologique de l’intériorité” produit par la sociologie avec nos concepts issus des pédagogies nouvelles.
Pour un langage sociologique de l’intériorité en pédagogie ?
Les mouvements pédagogiques issus des pédagogies nouvelles ont hérité de concepts idéalistes pour penser le sujet enfantin, issus de la philosophie ou de la psychologie. S’adossant souvent à l’idée de « nature » pour penser la liberté enfantine face à la domination scolaire (par exemple, la méthode « naturelle » contre la « scolastique » en pédagogie Freinet), ces concepts s’avèrent inopérant pour penser les enjeux sociaux posés par les réflexions contemporaines issus de la sociologie des inégalités scolaires ou des pédagogies critiques (sur les questions de classe, de genre, de race…). Il me semble nécessaire aujourd’hui d’adosser des pédagogies se voulant émancipatrices à des conceptions de la subjectivité enfantine qui s’attachent à rendre compte de l’épaisseur sociale des enfants et de leurs activités. Si la sociologie des inégalités s’est attachée à penser les différenciations sociales à l’œuvre dans les processus cognitifs des élèves à l’école (avec des concepts comme le « malentendu scolaire » ou la question des « implicites »), ces travaux sont discutés difficilement par les pédagogues car ils ne s’intéressent pas à certains objectifs « d’émancipation » des pédagogies nouvelles. Par exemple, l’idée de « liberté » centrale en pédagogie Freinet n’est pas (ou peu) travaillée par la sociologie des inégalités scolaires (principalement car ce concept n’est mobilisé que par une très petite minorité d’enseignant·es). Les pédagogues mériteraient de travailler ces énoncés – volontiers idéalistes – et les attentes implicites et explicites qu’iels projettent sur les enfants en regard aux processus sociaux dans lesquels ils elles s’insèrent. L’enjeu est à la fois de rendre compte de manière plus juste ce qu’il se passe réellement dans une classe où est mise en œuvre une pédagogie « alternative » mobilisant ce type de conceptions, mais aussi de politiser à nouveau frais les questions éducatives. Cela permettrait par ailleurs aux militant·es pédagogiques de tracer des frontières plus nettes avec la tendance au développement personnel de certaines pédagogies alternatives avec lesquels nous partageons parfois des concepts et des pratiques.
Le petit livre La société en nous de Wilfried Lignier se présent comme un « manuel de développement impersonnel » (ou un « anti-manuel de développement personnel ») ; il propose des pistes pour repenser l’enfance et les enfants. En voulant développer une « langue sociologique de l’intériorité », le sociologue nous livre quelques outils pour travailler la subjectivité enfantine à l’aune de la sociologie. L’ouvrage ne s’appuie pas sur une unique recherche empirique, mais entend prouver via l’utilisation d’une multiplicité de travaux et l’exploration du bagage théorique bourdieusien (habitus, stratégies de reproductions et de distinctions) que la société « est en nous ». C’est-à-dire que « notre condition [est] éminemment relationnelle, collective », « faire exister la société autrement que comme une abstraction, au-dessus de nous ou même autour de nous ».
Wilfried Lignier conteste en effet les frontières traditionnelles des discours sur l’intériorité qui réserverait cette étude à la psychologie ou à la psychanalyse. Il s’intéresse donc à la « sociogenèse » des individus et de leur « habitus », c’est-à-dire « un ensemble systématique de dispositions à agir d’une certaine façon ou d’une autre ». Pour Bourdieu, la formation de l’habitus advient par « une incorporation par la pratique », c’est-à-dire par des actions répétées sur le long terme, sans forcément qu’il y ait de discours explicites. Il montre dans le premier chapitre comment la socialisation intervient avant même notre naissance, puis comment elle s’exerce sur notre petite enfance de manière souvent invisible, « ténue », soit à travers des interactions différenciées avec les adultes et les enfants qui nous entourent, soit parce que nous existons dans un monde d’institutions qui régulent notre manière d’être au monde (la langue, les lois, les stéréotypes, la maternité, l’école…). Il explique en outre qu’il faut dépasser la logique du « milieu social », à savoir que cette sociogenèse n’est pas purement et simplement le produit d’une imprégnation du milieu, mais qu’elle a une dimension active et stratégique de la part des groupes impliqués dans la production des individus.
L’enfant, un individu déterminé par les attentes des adultes
Wilfried Lignier explore dans son deuxième chapitre les stratégies de reproductions et de distinctions mis en place par les groupes sociaux (en premier chef les parents) et les institutions (notamment l’école mais pas que). Il montre comment ces groupes construisent des attentes sur les enfants à des fins de reproductions immédiates (intragénérationnelles) ou pour l’avenir (intergénérationnelles), mais aussi que ces stratégies interviennent les unes par rapport aux autres dans un espace socialement hiérarchisé. Elles peuvent être alors considérées comme des stratégies de distinctions, plus ou moins efficaces et rentables en fonction des institutions et des groupes sociaux. L’école par exemple favorise tendanciellement les classes supérieures et les classes supérieures ont beaucoup plus de capacités à utiliser l’école et à intervenir dessus pour arriver à leurs fins. L’importance des stratégies de reproduction sur la vie des enfants pousse Wilfried Lignier à proposer une nouvelle définition de l’enfance : « un enfant, du point de vue proprement sociologique, est un individu dont les pratiques, les apprentissages, les perspectives sur le monde sont avant tout déterminés par les attentes d’adultes apparentés, plus ou moins activement expérimentées ».
Dans son troisième chapitre, Wilfried Lignier s’interroge sur la temporalité de la production de l’habitus. Il montre d’abord comment son élaboration se fait d’abord par des « temps faible », dans une temporalité longue et routinière. « Il s’agit de considérer que notre détermination sociale repose sur des accomplissements pratiques, localisés dans de moments et des lieux où d’autres agissent avec nous et où nous agissons avec eux ». Il y a donc une interaction entre notre extériorité (les institutions, la « société), nos pratiques quotidiennes et notre habitus (notre intériorité). Le sociologue s’interroge ensuite sur le rôle des « moments forts » dont le sens commun dit volontiers qu’ils ont une importance majeur sur nos vies. Si ces « moments forts » peuvent être déterminant dans nos trajectoires, ils sont cependant toujours médiés par notre habitus, des institutions et des interactions. Tel accident va être pris en charge (de manière différentiée) par l’hôpital. Tel trauma faire l’objet d’un travail discursif et d’une mise en récit régulière. Tel heureux événement (un mariage) est le produit d’institution et va engendrer des pratiques routinières.
Enfin, dans le dernier chapitre, l’auteur interroge le rôle des discours et de l’ordre symbolique dans la socialisation. Il montre que le langage aide à « incorporer une disposition », qu’il donne toujours du sens à la pratique comme la ponctuation permet de donner du sens à une suite de mots. Puis, il montre qu’on se socialise aussi que le langage mais aussi les images font aussi un travail d’incorporation qui vont participer à notre rapport aux pratiques. Wilfried Lignier montre ainsi comment l’habitus des enfants se racialise au fur et à mesure des interactions, et comment les événements traumatiques dans les discours, s’enracine dans des pratiques sur un temps plus long. « Il faut insister sur le caractère finalement corporel de ces formes symboliques […] Pour le dire d’une formule, voilà ce que signifie l’incorporation des mots, des images : nous ne disposons pas vraiment des symboles, ce sont plutôt eux qui nous disposent ».
Se mettre au travail
Je m’attacherai dans les lignes qui suivent à tracer des pistes pour se mettre au travail en tant que pédagogue à partir de ce que Lignier appelle “un langage sociologique de l’intériorité” sur trois idées fortes de la pédagogie Freinet : la personnalisation des apprentissages, le texte libre et la co-éducation. Ces perspectives nous obligent à réévaluer certains discours issus des pédagogies nouvelles : en effet, on y trouve régulièrement l’idée que l’enfant serait naturellement au monde et qu’il serait transformé – souvent négativement – par un milieu hostile. Les métaphores botaniques chez Maria Montessori fonctionnent sur ce mode ; l’idée de « méthode naturelle » chez Freinet aussi. Il y a ici l’idée d’un déjà-là « naturel » à préserver et à faire s’épanouir. Si les cadrages idéologiques ne sont pas les mêmes chez les deux pédagogues, il et elle construisent en creux une subjectivité enfantine autonome des acteurs et actrices sociaux qui la produisent. Cette conception justifie par ailleurs une pédagogie « non-directive », basé sur, ou les désirs, ou les besoins, ou la spontanéité de l’enfant, comme si ces forces intérieures à l’enfant lui appartenaient en propre. Les deux pédagogues ne militant ni pour l’abolition de leur fonction et ni ne croyant non plus en l’élaboration purement spontanée des individus, il et elle insiste sur l’importance du milieu éducatif notamment matériel chez Montessori, mais aussi et surtout social chez Freinet via la coopération (et c’est pour cela qu’on le préfère à la professoressa). Il me semble que ces forces intérieures des enfants avec lesquels nous travaillons mériteraient d’être qualifiées de manière plus précises, ainsi que nos attentes et nos projections quant à elles et leur manifestation. D’où vient cette « puissance de vie » que mobilise Freinet dans ses classes ? Il y là un vrai programme de recherche pédagogique.
– La personnalisation des apprentissages
En pédagogie Freinet, on vante souvent la personnalisation des apprentissages, c’est-à-dire que les objectifs sont à la fois individualisés en fonction des capacités et des rythmes de chacun, mais que les élèves vont aussi y mettre de « leur personne » et vont participer à leur élaboration. Le plan de travail individuel va être un des outils principaux de cette personnalisation : chaque élève travaillera sur des objets en fonction du rythme et de l’intérêt qui lui est propre. Or, ces énoncés font penser au propos du sociologue sur les parents qui, incapables d’observer les effets des micro-interactions qu’iels ont avec leur bébé (par exemple sur la manière différentiée de le toucher en fonction du sexe), vont avoir « le sentiment de se conformer à ce qu’est l’enfant, désormais ».
Si l’auteur insiste sur le est, c’est bien que se produit un processus d’essentialisation hyper-courant et que l’on reproduit de quasi systématique en classe lorsqu’on évoque les élèves et leurs performances. Le « chacun avance à son rythme » par exemple, teinté de bienveillance par la prise en compte de l’enfant, fait par exemple l’impasse sur le rôle de l’école dans la production différentiée des rythmes des enfants. L’idée de personnalisation mériterait d’être réinterrogée en tant que la personne de l’enfant est le produit complexe des stratégies, différentiées socialement, de reproduction des parents et de l’institution scolaire.
– Le texte libre
La pratique du texte libre est souvent décrite comme centrale dans l’histoire de la pédagogie Freinet. Elle est au centre de plusieurs principes : la dimension laborieuse du travail d’écriture et fabrication matériel du texte, celle émancipatrice de l’expression libre et enfin la dimension coopérative par la sociabilisation des textes. La « liberté » du texte libre est cependant un des points original de la pratique, qui contrevient aux habitudes scolaires les plus courantes qu’un travail à l’école soit toujours accompagné d’une consigne. Cette pratique fait directement échos à ce que nous avons dit précédemment sur la « personne » et « sa force de vie » en pédagogie Freinet. Il conviendrait dans un souci tout d’abord didactique, mais aussi politique d’identifier qu’elles sont les ressorts de la production d’un texte libre chez l’enfant. Qu’est-ce qui s’exprime dans le texte lorsqu’il n’y a plus de consignes ?
Freinet vantait lui-même l’importance d’une technique qui permettait l’expression de l’intimité. Plus tard, certains pédagogues y ont vu une pratique thérapeutique qui intéressera beaucoup les psychanalystes. Nous gagnerions à penser les dispositions qui amènent les enfants à produire des textes dits libres. On remarque qu’il y a malgré l’idéalisme de certaines propositions, une dimension sociologique dans la pensée d’Elise et Célestin Freinet : « En régime capitaliste, écrit « Élise Freinet, […] l’enfant est contraint d’avoir deux vies, si ce n’est trois même : la vie véritable et complète dans la rue et aux champs, avec la nature même, la première et véritable éducatrice ; la vie dans la famille où l’autorité du père censure souvent et réfrène à l’excès toutes les manifestations d’activité ; et enfin la vie à l’école ». A ce titre, l’exercice du texte libre semble aussi une manière pour le/la pédagogue d’atténuer les divergences et rapports de force entre les stratégies de reproduction familiale et les stratégies de reproduction scolaire , une manière d’aménuiser la violence symbolique d’une école taillée pour la bourgeoisie. Toutefois, les dispositions et pratiques des élèves rentrant en interaction avec un contexte institutionnel, nous devrions aussi conscientiser les attentes de l’école par rapport à tout texte, mais aussi nos attentes à nous pédagogues quant à la pratique précises du texte libre. En effet, si dans le discours pédagogique, on insiste sur l’absence de jugement (et d’évaluation) quant au contenu exprimé, il serait malhonnête de dire que ces jugements ne s’expriment pas même de manière implicite dans la pratique réelle des pédagogues. Tel texte se verra plus ou moins valorisé, tel texte subira plus ou moins d’intervention didactique, etc. Il est probable que chacun ne valorise pas les mêmes types de production : la créativité est-elle un corollaire de l’expression libre ? Les textes doivent-ils avoir une visée littéraire ? Ou alors valorise-t-on les récits à la première personne ? Finalement, comment définissons-nous l’émancipation que nous visons à travers la pratique du texte libre ?
Un exemple de définition alternative :
Une élève de CM2 rédigeait toujours des histoires où des jeunes femmes transgressaient l’ordre du genre. Dans ses récits, elles quittaient leur milieu familiale pour partir à l’aventure, chercher du travail, etc. Cette anecdote permet aussi de réfléchir à comment à travers l’écriture les enfants assimilent et transforment l’ordre symbolique dans lequel il/elle s’inscrive en recyclant d’autres récits (ce genre de récits émaillent la culture populaire), et en les expérimentant par l’écriture. Wilfried Lignier considère dans son chapitre 3 le rêve comme une manière de prolonger un « moment fort » : « Lorsque nous le rêvons, l’événement en vient à faire davantage partie de notre pratique, il prend un tour habituel et habituant ». Ainsi, le texte libre pourrait être pensé comme un lieu d’expérimentation de l’ordre social, dans lesquels pourraient s’exprimer des dispositions qui ont peu la possibilité de s’actualiser dans la réalité.
Si j’ai utilisé le mot « recyclage », c’est aussi en référence à ce concept dans la sociologie des perceptions enfantines de Wilfried Lignier et Julie Pagis. Dans l’Enfance de l’ordre, il et elle montre en effet comment les enfants vont recycler des concepts d’un registre à un autre afin de construire leur jugement et leur perception du monde social. Envisager une sociogénèse des textes libres, cela pourrait être de s’obliger à voir quelles ressources et représentations sont mobilisées et recyclées par les enfants dans leur travail d’écriture. Sortir de l’idée d’une production spontanée pour identifier les ressorts d’un recyclage (qu’on appelle souvent à l’école « réinvestissement ») pourrait nous faire progresser dans une didactique du texte libre.
Toutefois, nous devons aussi penser à comment ces définitions vont-elles s’allier ou au contraire s’oppose à celle des autres acteurs/rices de la formation de l’habitus enfantin ? En effet, si le texte libre peut s’inscrire dans une volonté d’atténuer le clivage entre la socialisation familiale et la socialisation scolaire, elle peut dans les faits entrer en contraction avec des stratégies parentales de reproduction ne mettant pas au coeur de leur pratique éducative la valorisation de l’expression de soi.
– Sur la coéducation
En effet, « la vérité de notre condition est que nous sommes investis par d’autres » et notamment par les parents et les institutions dédiés à l’enfance comme l’école, qui produisent des obligations et des idéologies de l’enfance. Bourdieu distingue les stratégies « intragénérationnelles » qui sont dans une logique de préservation du groupe (sa survie, son épanouissement) dans le temps présent, et celles « intergénérationnelles » qui ont pour but la perpétuation dans l’avenir.
L’institution scolaire quant à elle « impose symboliquement et matériellement aux parents un rapport aux enfants tourné vers l’avenir de ces derniers et non vers leur propre présent ». « Elle force l’attention parentale à se reporter sur le futur, quitte à devoir renoncer à des avantages plus immédiats ». Cependant, ces avantages ne sont pas explicites. « Tout au contraire, la force de l’institution scolaire tient à sa capacité à imposer un rapport désintéressé à l’enfance : il convient de laisser les enfants à l’enfance, à l’apprentissage gratuit, etc ». S’intéresser aux diverses stratégies qui produisent nos élèves permet repenser les finalités et surtout les rapports de force entre enseignant·es et parents d’élèves, et les malentendus qui peuvent exister. A ce titre, s’outiller théoriquement permet de mieux envisager les possibilités et les difficultés d’un projet de co-éducation.
Dans mon école de quartier populaire par exemple, j’observe que les interventions des parents se font majoritairement sur deux sujets : celui de la revendication d’un ascétisme scolaire (pour demander plus de devoirs par exemple) notamment en vue de la préparation au collège, revendication qui illustre parfaitement une stratégie intergénérationnelle. Celui du bien-être des enfants, que cela aille de la lutte contre le harcèlement ou l’importance d’un départ en classe verte, qui illustre alors une stratégie intragénérationnelle. Au contraire, certaines pratiques orientées vers l’épanouissement des enfants mises en place par les enseignant·es pouvaient être contesté·es (« on est pas à l’école pour s’amuser») au nom d’une stratégie intergénérationnelle, quand certaines stratégies intragénérationnelles comme les départs anticipés en vacances au bled (afin de bénéficier de tarifs préférentiels) sont largement condamnées par l’école. Le cadrage théorique proposé par Bourdieu puis Lignier permet de rendre lisible les conflits entre parents et enseignant·es.
Cependant, ces stratégies existant dans un monde inégalitaire et hiérarchisé, elles sont aussi et toujours des stratégies de distinction. Ainsi, l’auteur rappelle que l’école est bien plus adaptée aux stratégies des classes dominantes et qu’elle légitime ainsi la domination des mieux dotés. Malgré cela remarque-t-il, « la plupart des familles y compris les plus dominées, présentent de fortes et durables aspirations scolaires […] Pourtant […] l’usage peut être plus ou moins intensif, ce qui fait varier, d’une famille à l’autre, l’importance sociogénétique du scolaire ». Les familles sont socialement inégales quant à la possibilité d’agir sur ces institutions. Concernant l’école, les familles de classe supérieure vont être plus à même d’intervenir pour faire changer une pratique pédagogique ou dans les manières de traiter ou d’identifier leurs enfants et de l’imposer dans le cadre scolaire. Au contraire, « les familles les plus dominées, bien qu’elles aient en principe davantage de motifs d’intervenir sur une école qui n’est pas faite ni pour elles ni par elles, se révèlent largement captives de la scolarité telle qu’elle s’impose spontanément ». Dans une école où j’ai travaillé, nous avions lancé un ciné-club afin de faire entrer dans l’école les familles qui en étaient le plus éloignées. Cependant, le dispositif ayant été activement investi par les parents de classe supérieure (qui avait notamment programmé des courts métrages d’art et d’essais), l’objectif initial d’accueillir les familles les plus populaires dans un moment convivial avait été partiellement un échec.
Il y a une urgence à ré-outiller théoriquement l’éducation nouvelle pour lui permettre de retrouver une portée réellement émancipatrice aujourd’hui. La sociologie, et par exemple La société est en nous de Wilfried Lignier, est une réserve d’outil important. Au travail !
Wilfried Lignier, La Société est en nous : Comment le monde social engendre des individus, Seuil (Liber), 2023, 154 p., 18,50 €.