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La question de la fatigue à l’école pour les élèves handicapéEs, malades, psychiatriséEs ou pour touTEs les autres simplement fatiguéEs

Introduction

Le Cuse (Collectif une seule école) milite pour le droit de touTEs les élèves à bénéficier d’une scolarisation à l’école publique, quels que soient leur handicap, leur état psychique, leur santé, leurs origines, leurs conditions matérielles d’existence, leur religion, etc.

Regroupant des militantEs antivalidistes, des personnes directement concernées par un handicap, des proches ayant construit une expertise de la question scolaire et des discriminations validistes, des professionnelLEs du monde de l’éducation et du médico-social, le Cuse se bat pour que l’école se transforme radicalement, afin d’accueillir et d’accompagner dignement touTEs les élèves handicapéEs, s’opposant ainsi à la logique d’exclusion et de ségrégation qui domine actuellement en France, au mieux à travers des dispositifs intégrés dans les établissements scolaires, au pire à travers la perpétuation des institutions spécialisées, qui sont des lieux ségrégatifs où la part d’enseignement est infime et les maltraitances trop fréquentes.

Le Cuse est conscient – et extrêmement inquiet – de la crispation grandissante dans les établissements scolaires, autour de la scolarisation des élèves ditEs « à besoins éducatifs particuliers » : les élèves handicapéEs, les élèves en grande difficulté, les élèves allophones, par exemple.

Le Cuse constate que, dans de trop nombreuses situations, ce sont ces élèves fragiliséEs qui vont voir leur scolarisation remise en question et qui vont être progressivement écartéEs de l’école publique commune, sous le prétexte de leur « inadaptation ».

Or, les véritables causes de la souffrance de travailler à l’école, pour les personnels comme pour les jeunes, sont du côté de l’institution : c’est l’absence d’investissement conséquent dans l’école, c’est le manque de recrutement de personnels dans tous les secteurs (éducatif, médico-social, pédagogique), c’est l’absence de considération pour les élèves, les familles et les personnels, c’est la volonté de trier les élèves pour une société toujours plus productiviste et divisée en classes sociales bien hermétiques.

Le Cuse met en garde chacunE contre la tentation du bouc émissaire. Ne nous trompons pas de responsable : ici, c’est bien la politique gouvernementale qui génère toutes ces souffrances, et non les jeunes handicapéEs.

Cependant, ayant conscience du manque de formation institutionnelle et de la souffrance professionnelle de nos collègues – qui est aussi la nôtre –, nous proposerons quelques pistes pour construire pédagogiquement cet accompagnement de touTEs les jeunes à l’école, mais en ayant toujours cette vigilance en tête : rien ne peut être « fourni clé en mains ». Toute piste doit forcément être retravaillée et adaptée, à force de patience, de temps et d’échanges, avec les jeunes concernéEs et les familles que nous accompagnons comme avec les professionnelLEs qui nous entourent. Rien ne fonctionne toujours « du premier coup » ou « à coup sûr ». Mais cela ne doit pas nous décourager, ou nous pousser à ne pas essayer car ici, c’est évident : si l’on ne fait rien pour améliorer la scolarisation des élèves, rien ne se passera jamais et les crispations se feront d’autant plus fortes et violentes !

Voir notre précédent texte, qui dénonçait l’idée reçue selon laquelle la scolarisation des élèves autistes non oralisantEs ne serait pas possible.

Idée reçue 2 : Si les jeunes handicapéEs ne peuvent pas suivre le rythme de l’école, elles et ils n’y ont pas leur place.

Variante : la fatigue, c’est de la comédie !

Travailler à la scolarisation de touTEs les jeunes en prenant pour point de départ l’angle du handicap permet de mettre en lumière les multiples carences du système éducatif, extrêmement contraignant, pour les élèves comme pour les personnels, en termes de rythmes.

On sait, par exemple, que la France est, dans l’Union européenne, le pays où le temps d’enseignement est le plus important, avec les classes les plus chargées (1), ce qui a des conséquences importantes sur les apprentissages et les conditions de travail.

Pourtant, la « fatigue » est une notion peu travaillée dans les champs éducatif et pédagogique, à peine évoquée pour expliquer, un peu à la va-vite, le comportement indolent ou au contraire agité d’unE élève, la baisse de résultats d’unE autre.

Quant à la « fatigabilité », terme très présent dans les documents relatifs à la scolarisation des élèves handicapéEs ou malades, peu de professionnelLEs en connaissent le sens, l’impact et encore moins les aménagements qu’elle nécessite.

Dans les documents officiels concernant la scolarisation des élèves à besoins éducatifs particuliers (acronyme EBEP, appellation institutionnelle), la notion de fatigabilité apparaît fréquemment, mais sans précision sur ce qu’elle implique concernant le rythme de l’enfant, ses apprentissages et les adaptations que l’on peut mettre en place pour prévenir cette fatigabilité. Il n’y a aucune traduction de la préconisation de « respecter la fatigabilité » en actes pédagogiques ou éducatifs pour guider les professionnelLEs. Ce sont les élèves et les familles qui sont contraintEs d’en ajouter à leur charge mentale pour solliciter, négocier, argumenter directement avec les équipes afin que cela soit pris en compte.

De plus, la fatigue étant un des aspects invisibles du handicap ou de la maladie, sa méconnaissance peut générer des malentendus, des critiques et des préjugés de la part de professionnelLes pensant que les élèves simulent, exagèrent, se laissent aller, ou que leurs proches les surprotègent. La notion d’« effort » est alors mobilisée pour dépasser une fatigue qui serait factice.

Et pourtant, cette fatigabilité, physique et/ou cognitive, touche nombre de personnes handicapéEs et malades chroniques, quand la fatigue peut, elle, concerner tout le monde. Comprendre et prendre en compte la réalité de la fatigabilité se ferait donc au bénéfice de la scolarité de touTEs comme des conditions de travail des personnels.

Fatigue et fatigabilité, qu’est-ce que c’est ?

La fatigue dite ordinaire est due à un gros effort ou à un moment particulier dans la vie (difficulté passagère). Cette fatigue, souvent, peut se surmonter avec du repos.

La fatigabilité qui touche les personnes handicapées ou malades chroniques, désigne la propension à se fatiguer plus rapidement, après des efforts peu importants, là où habituellement, la fatigue n’apparaît pas. La fatigabilité n’est pas nécessairement atténuée par le repos. La théorie des cuillères (voir plus bas) permet de mieux se représenter cette fatigabilité.

L’asthénie est une fatigue anormale, intense, qui persiste même après du repos. C’est un état d’épuisement physique et mental. Nombre de professionnelLEs de l’Education nationale ou du médico-social connaissent cet état de fatigue nerveuse dans des périodes de stress ou de violences institutionnelles vécues (inspection, injonctions paradoxales, période d’examens, etc.)

Pour les personnes autistes, la fatigue cognitive, ou brain fatigue, estprovoquée par l’hypersensibilité sensorielle, les difficultés de communication, les changements dans l’emploi du temps ou dans l’environnement, etc.

Le shutdown, une fatigue intense, une réaction de défense du corps : difficulté accrue à communiquer (jusqu’au mutisme), une mise à l’arrêt du corps et du cerveau.

Le meltdown : incapacité à gérer la surcharge émotionnelle avec larmes, cris, ou même des manifestations qui peuvent être violentes.

Les causes multiples de la fatigabilité.

Certes, la fatigabilité peut être directement liée à la maladie ou au handicap, aux douleurs, aux traitements, au manque de sommeil qu’ils provoquent. Les détailler, trouble par trouble, maladie par maladie, nous piégerait dans une conception strictement individuelle et médicale du handicap alors que nous souhaitons travailler sur la conception collective, sociale et environnementale du handicap, sur laquelle nous pouvons, touTEs, agir.

Car la fatigabilité naît aussi et est accentuée par un environnement inadapté (voire hostile aux personnes handicapées), qui accroît les difficultés : le temps de transport souvent important dans la semaine, le fait de devoir s’adapter aux changements de lieu, d’emploi du temps, l’hypersensibilité sensorielle non accompagnée, etc.

UnE élève autiste qui cherche à masquer ses traits autistiques pourra aussi mettre toute son énergie à canaliser ses stimings (mouvements d’autostimulation) pour paraître comme les autres, énergie qui lui manquera pour accéder aux apprentissages.

Sur le plan pédagogique, la fatigabilité est directement liée aux doubles tâches souvent installées en classe. Il s’agit de situations qui réclament de l’attention sur deux tâches simultanément, dont l’une est censée être automatisée mais ne l’est pas : lire et comprendre ; écouter et écrire ; compter et analyser ; dribbler et planifier une passe ; regarder une vidéo et prendre des notes, par exemple. Le manque d’autonomisation des tâches censées être automatisées accroît le besoin d’attention et génère une fatigue supplémentaire. On parle ainsi de surcharge cognitive lorsque l’on a trop d’informations à traiter et à trier en même temps.

Quelles conséquences de la fatigabilité ?

Difficulté à se concentrer, à raisonner, endormissement, manque d’attention, soupirs, distraction, agitation ou relâchement du corps, découragement et manque d’intérêt, gestes lents, manque d’appétit (ou l’inverse), difficulté d’expression orale, renfermement, irritabilité, tristesse, etc. : les conséquences et manifestations de la fatigabilité à l’école peuvent donner lieu à de mauvaises interprétations de la part des équipes qui y voient parfois de la désinvolture, de l’arrogance, de la provocation ou de l’insolence.

Lorsqu’elle n’est pas comprise et prise en compte, la fatigabilité de l’élève atteint l’estime de soi, provoque sentiment de culpabilité et angoisse chez l’élève, augmentant encore la fatigue mentale et psychologique, véritable cercle vicieux.

La non prise en compte de la fatigabilité provoque des incapacités d’apprentissage et peut conduire à des situations extrêmes, qui sont toujours au détriment de la personne concernée et nourrissent parfois le préjugé selon lequel elle n’aurait pas sa place à l’école, le préjugé selon lequel l’école « ne peut rien » pour elle.

Dans le milieu scolaire, les équipes cherchant à limiter, voire à rejeter la scolarisation des jeunes handicapéEs évoquent en effet souvent les situations de meltdown, qu’elles qualifient de « crise ingérable », comme si c’était le comportement quotidien, spontané et unique de l’enfant handicapéE. Pour ces professionnelLEs, minoritaires nous en sommes convaincuEs, l’enfant handicapéE est réduit à un « état de crise » permanent, qui gêne, voire met en danger les autres et justifie donc son exclusion de l’école.

Interroger les causes de ce meltdown et trouver des pistes pour éviter les prochaines crises devrait être la démarche. Mais si l’objectif est l’exclusion, on ne se focalisera que sur la “crise”.

Que la fatigabilité soit due à des facteurs extérieurs souvent ajustables, qu’unE enfant handicapéE ne puisse être réduit à des « crises », qu’il et elle soit par ailleurs capable d’apprentissages, de socialisation, etc. ou que l’éducation soit un droit fondamental des jeunes ne paraît pas avoir de l’importance aux yeux des personnes qui cherchent à les évincer de l’école commune.

Au Cuse, nous pensons au contraire que c’est l’écoute et le respect des besoins, ainsi que l’adaptation de l’environnement qui permettent de prévenir la fatigabilité et de favoriser les apprentissages de touTEs les élèves.

Que faire face à la fatigabilité ? Observer et adapter pour prévenir

La prise en compte de la fatigabilité et plus globalement des besoins des jeunes est la condition de leur réussite scolaire et les professionnelLEs de l’école ont un rôle central à jouer.

Là encore, un changement de regard et de posture est avant tout nécessaire pour se rappeler que c’est à l’école de s’adapter pour se rendre accessible à touTEs, y compris en terme de rythmes, pour se rappeler que la fatigue qui s’exprime ne relève ni de la comédie ni du refus ni de l’insolence, mais qu’elle est l’expression des difficultés réelles que nous devons écouter et réfléchir, afin de mieux accompagner touTEs les élèves dans leur scolarité.

Observer, écouter

Le manque d’informations précises sur la fatigabilité est courant, nous l’avons vu. Rares sont les documents institutionnels (2) accompagnant réellement la scolarisation des élèves de ce point de vue. Et pourtant, des adaptations sont possibles et certaines sont déjà fréquemment mises en place par des collègues.

Tout d’abord, nous pouvons observer et donner la possibilité aux jeunes de mettre des mots sur leur fatigabilité : à quels moment la fatigue apparaît-elle (dans la journée, dans la semaine, après quels types d’activités, etc.), quels sont les facteurs qui accentuent la fatigue, et sur lesquels on pourrait agir ?

Les outils construits par Petite Loutre, personne concernée par le handicap, permettent cela, pour les jeunes comme pour les adultes qui les accompagnent. Un échange à partir du fatigomètre, par exemple, pourrait servir de base à la réflexion.

Ce fatigomètre peut être construit en fonction des besoins et intérêts de chacunE.

A l’échelle de l’établissement,

Des aménagements sont possibles à installer à court terme, et à revendiquer pour le plus long terme :

– rendre les ascenseurs plus facilement accessibles à touTEs ;

– organiser des espaces calmes pendant les moments de récréation ou pendant la pause repas, pour les élèves et adultes qui le souhaitent ;

– organiser la possibilité de se reposer à l’infirmerie, y compris pendant les temps de classe ;

– disposer d’une ou de plusieurs salles de repos, et pas uniquement réservées aux élèves handicapéEs, pour éviter le sentiment d’exclusion. Éviter également que ces salles ne soient utilisées pour exclure des élèves qui gênent en n’imposant jamais ces replis aux élèves ;

– faire en sorte que les horaires de repas soient réguliers et que les élèves n’aient pas à faire la queue pour manger ; proposer un horaire de prise de repas « au calme » pour celleux qui le souhaitent ;

– alléger les cartables avec un double jeu de livres et des casiers pour touTEs ;

– autoriser, et encourager l’utilisation de casques anti-bruits ou de bouchons d’oreilles ;

– pour limiter le bruit ambiant, placer des balles de tennis aux chaises et aux tables pour limiter le bruit ; être en chaussettes dans la classe ou l’établissement ; installer des thermomètres de bruit dans les salles.

A l’échelle de la classe :

– structurer et ritualiser les EDT permet de limiter les efforts d’adaptation répétés dans la journée ;

– alterner les activités coûteuses en énergie cognitive et/ou physique, et celles qui le sont moins ;

– accepter les rythmes différents pour effectuer une tâche (plus rapide, plus lent que l’attendu) ;

– limiter fortement les devoirs, pour ne pas encore rallonger le temps scolaire par du temps de travail à la maison (les jeunes ont non seulement des soins qui s’ajoutent à leur emploi du temps, mais elles et ils ont touTEs besoin de temps pour se reposer, pour se détendre, pour s’amuser, ou pour ne rien faire!) ;

– utiliser des outils de coordination entre enseignantEs pour éviter d’organiser plusieurs contrôles dans la même journée ;

– varier les types d’aide : avec unE collègue AESH, en binôme, en groupe ;

– transmettre par écrit les consignes orales ;

– utiliser des phrases courtes ;

– autoriser unE élève fatiguéE à ne pas travailler si iel en a exprimé l’incapacité. Le consentement doit pouvoir aussi s’exercer dans notre rapport aux savoirs: unE élève ne peut apprendre que si iel est disposéE et d’accord pour cela.

Repenser le rythme quotidien et hebdomadaire

– Individuellement, il est également possible d’assouplir l’emploi du temps avec des arrivées plus tardives ou des départs plus précoces de l’école mais en réalité, sans reprendre tous les débats sur le rythme scolaire, nous savons et nous constatons tous les jours que les journées de cours sont excessivement chargées pour touTEs les élèves et que leur niveau de concentration et d’implication n’est pas le même à mesure que les cours s’enchaînent.

Un réaménagement du temps scolaire à l’échelle nationale serait au bénéfice de touTEs et doit continuer à faire partie de nos revendications, pour une transformation radicale du système éducatif.


Mais la pédagogie ne peut pas tout

Nous faisons le choix, au Cuse, de proposer ces quelques pistes pédagogiques pour lutter contre les discours défaitistes et de rejet en montrant qu’il existe des ressources dont les professionnelLEs peuvent s’inspirer pour favoriser la scolarisation et les apprentissages de touTEs les élèves, sans pour autant tomber dans l’automatisation car la pédagogie n’est pas figée : elle est vivante et s’adapte en fonction des personnes parties prenantes.

Mais la pédagogie ne peut pas tout. C’est pourquoi elle s’accompagne, inévitablement, de revendications politiques et sociales, de luttes pour que change l’école, de l’intérieur et de manière radicale, avec cette exigence première et intransigeante : touTEs les jeunes ont leur place à l’école, de manière inconditionnelle.

L’accompagnement scolaire doit être émancipateur en considérant l’élève dans l’entièreté de sa personne et capable de choix autonomes lui permettant de sortir de sa condition d’éternelLE mineurE soumisE aux choix des autres. L’école ne peut plus être le lieu où on impose des savoirs qui ruissellent sur des élèves dociles comme le voudrait le premier ministre (3). L’école ne peut non plus être cet espace productiviste où suivre le rythme est aussi indispensable que si les enfants travaillaient sur une chaîne de montage.

Pour un accompagnement digne, qui permette à toutes et tous de sortir de l’impasse de la souffrance scolaire ou professionnelle, une transformation profonde du système éducatif est nécessaire et doit être revendiquée : baisse des effectifs à 20, formation conséquente de tous les personnels, statut des AESH, recrutement de personnels dédiés au sein de l’éducation nationale, bâti scolaire repensé (accessible, salles supplémentaires, matériels adaptés, etc.) ; et arrêt de la course à l’évaluation et à la comparaison type PISA, car les enfants de tous les pays ne sont pas en compétition les unEs contre les autres. Iels doivent pouvoir apprendre à leur rythme et selon leurs besoins respectifs.

Petits plus pour aller plus loin :

Vidéo sur la surcharge sensorielle https://youtu.be/xoJTTMLdkZw

La fatigabilité – Théorie des cuillères

Sources

https://fr.wikipedia.org/wiki/Th%C3%A9orie_des_cuill%C3%A8res

Théorie des cuillères : comprendre la fatigabilité

Synthèse – La « théorie des cuillères » est une métaphore utilisée par Christine Miserandino en 2003, dans son essai The Spoon Theory. Atteinte du lupus, elle utilise cette métaphore pour expliquer la fatigabilité des personnes handicapée ou malades chroniques et la manière dont elles gèrent leur énergie au quotidien.

Cette énergie est représentée au moyen de cuillères dont dispose une personne dans sa journée. Les personnes handicapées ou malades ont une réserve d’énergie plus faible, donc un nombre limité de cuillères tandis qu’une personne valide a un nombre illimité (ou très supérieur) de cuillères.

Dans une journée, chaque activité entraîne une dépense d’énergie (1, 2, 3 cuillères). La personne malade ou handicapée doit donc être vigilante à sa dépense d’énergie, elle doit choisir ses activités en fonction de l’énergie exigée, de la réserve dont elle dispose encore et du déroulement du reste de sa journée, pour éviter l’épuisement. Cela demande donc beaucoup d’anticipation.

La dépense d’énergie concerne aussi bien les activités du quotidien (s’habiller, prendre les transports) que le travail, les sorties avec des ami·es ou des personnes moins familières, etc. Il est intéressant de noter que ce qui redonne de l’énergie à une personne valide (voir ses ami·es par exemple, peut en faire dépenser à une personne handicapée ou malade chronique).

Cette théorie permet de visibiliser l’organisation de la vie quotidienne imposée par le handicap ou la maladie chronique, mais aussi de mieux comprendre les personnes porteuses de handicap invisible que l’on pense fainéantes ou ne faisant pas d’efforts de sociabilité, par exemple.

Là où une personne valide n’a pas à choisir, une personne handicapée ou malade chronique doit faire des choix dans sa journée, anticiper et gérer son éventuelle culpabilité à ne pas pouvoir ranger son logement ou à refuser des invitations. C’est une charge mentale conséquente.

Il me semble aussi qu’il faut tenir compte des cuillers qui se consomment à l’échelle d’autre temps que la journée, sur des temps plus longs : les fins de semaine, les fins de trimestres sont, pour les élèves fatigables, des moments où elles et ils sont plus vulnérables du fait de la fatigue cumulée.

Les personnes concernées expliquent que la fatigabilité est certes inhérente à leur handicap ou leur maladie chronique, qui fait varier le niveau d’énergie d’une journée à l’autre, mais la fatigabilité est aussi aggravée par le manque de compréhension et d’adaptation de leur environnement (travail, scolarité) : ableism is exhausting, disent les militantEs anglosaxonNEs, « le validisme est épuisant ».

En vidéo : la théorie des cuillères

Notes de l’article :

(1) Source sur le temps d’enseignement et les effectifs par classe en Europe :

https://www.vie-publique.fr/en-bref/287694-systeme-educatif-comparaison-entre-les-pays-de-lunion-europeenne

(2) Documents institutionnels : les PPS (projet personnalisé de scolarisation), PAI (projet d’accueil individualisé), PAP (plan d’accompagnement personnalisé), ou encore PPRE (programme personnalisé de réussite éducative).

(3) https://www.cafepedagogique.net/2024/05/03/lautorite-et-attal-paradoxes-et-tensions-sur-les-questions-educatives-a-lecole/

Sources de l’article :

Les réflexions et remarques des personnes concernées à partir de leurs expériences.

Troubles du spectre de l’autisme enfant et adulte : un fatigomètre pour mieux évaluer la fatigue (et y survivre)

Autisme et “brain fatigue”

https://www.tousalecole.fr/content/fatigue

La fatigabilité liée à la suradaptation

Autisme au collège et au lycée : les aménagements pédagogiques

https://www.reseau-canope.fr/cap-ecole-inclusive/amenager-et-adapter/fiche-adaptation/adapter-le-rythme-scolaire.html

Les précédents textes du Cuse

Lien vers la tribune fondatrice du Cuse

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