Menu Fermer

Imaginons une nouvelle ministre

Collage avec des parties du corps de différents ministres de l'éducation nationale.

Imaginons qu’une nouvelle ministre de l’éducation nationale (et du sport et des JO) soit nommée. Imaginons qu’elle s’appelle Aurélie Adéou-Coustéou*. Imaginons maintenant qu’elle réussisse le premier jour de son mandat à se mettre les travailleurs·ses de l’éducation nationale à dos, à deux semaines d’un appel intersyndical à la grève. Imaginons que la revue N’Autre école soit un mélange des Cahiers pédagogiques, de Paris Match et du Journal du Dimanche. Imaginons…

*Toute ressemblance avec des faits réels est presque fortuite.

La rédaction de la revue N’Autre école est en ébullition depuis les déclarations choc d’Aurélie Adéou-Coustéou, la nouvelle ministre de l’éducation nationale. En déclarant qu’elle en avait eu « marre » des professeur·es non-remplacé·es dans l’école publique et qu’elle avait ainsi décidé de mettre ses « petits garçons » au prestigieux lycée Stanislas, la ministre a suscité la colère des enseignant·es.

A la revue N’Autre école, nous ne nous satisfaisons pas des petites phrases et du bruit de l’indignation rapide. C’est pourquoi nos journalistes se sont démenés pour nos lecteurs·rices pour donner la parole plus longuement à la nouvelle locataire de la rue de Grenelle. Nous nous sommes donc retrouvé·es avec Aurélie Adéou-Coustéou dans un modeste café du boulevard Saint-Germain pour un échange riche et sincère.

Revue N’Autre école – Si vous nous permettez, nous allons reprendre la fameuse question. “Sur la scolarisation de vos enfants au lycée Stanislas, c’est un lycée qui ne condamne pas l’homophobie, qui condamne l’avortement, est-ce que cela reflète votre vision de l’enseignement ?”

Aurélie Adéou-Coustéou –  Pourquoi nous avons scolarisé nos enfants à l’école Stanislas ? Je vais vous raconter brièvement cette histoire. Le lycée Stanislas est un lycée qui a des valeurs, et cela est important pour nous. L’école est un lieu de fabrication et de reproduction de la grande bourgeoisie, le deuxième lieu après la famille. Nous devons pouvoir lui donner toute notre confiance car son rôle n’est pas uniquement de leur transmettre des connaissances, mais aussi des « codes, des manières de faire et des manières d’être qui permettent de se faire admettre comme membre à part entière de la haute société ». Ce n’est pas moi qui le dit, c’est les Charlot-Pinçon (sociologues de la grande bourgeoisie). Et nos enfants, en osmose avec leur classe sociale, y sont heureux, épanouis. Ils ont des amis, ils sont en confiance ! C’est le cas pour mes trois petits garçons qui sont là-bas !

Revue N’Autre école – Avec cette phrase sur les absences des professeur·es, vous vouliez donc avant tout faire passer un message politique. Lequel est-il ?

Aurélie Adéou-Coustéou –  D’un point de vue politique, il y a vraiment un enjeu à libéraliser le marché de l’éducation. Cela permet tout à la fois de garantir aux élites leur place et leurs stratégies de reproduction comme je viens de vous l’expliquer, de réduire les dépenses publiques et de permettre le développement d’un marché, celui de l’éducation. Ce marché existe déjà et ses clients ne sont pas uniquement de ma classe sociale, mais aussi les classes moyennes et supérieures, et même certains parents des classes populaires ! Il est important de légitimer ces choix de consommation. Pour cela, vous pouvez insister sur les questions religieuses, mais cela paraîtrait hypocrite vu ce que nous menons en ce moment sur la laïcité. D’ailleurs, vous remarquerez que je n’ai pas répondu au sujet des enseignements et valeurs du lycée Stanislas. Je peux juste souligner que nous ne concevons pas la laïcité comme une hostilité de principes aux religions mais comme une manière d’assimiler les enfants français d’origine étrangère dans le moule républicain. Je ne crois pas que mes enfants aient besoin de cette assimilation car ils sont déjà le produit de ce que la France fait de meilleur.

Pour légitimer le recours au privé, il est important de souligner les défaillances de l’école publique. « Elle l’attaque car des heures ne sont par remplacées, mais qui est responsable ? a dit Guislaine David, porte-parole du SNUIPP sur France Info. L’état et les politiques menées par le président Macron depuis plusieurs années. On a des suppressions de postes, on n’a pas assez de postes. » Elle a à la fois raison et tord. Nous pensons, au gouvernement, que la concurrence avec le privé doit mener les cadres de l’éducation nationale à une meilleur gestion du personnel, à un meilleur management qui permettra à la fois de réduire les coûts et d’améliorer les prestations. Bien entendu, si vous souhaitez une éducation de très grande qualité, il faudra en tant que parents mettre la main à la poche, mais l’école publique doit malgré tout être efficace pour donner à tous les futurs travailleurs une formation minimale afin de booster l’employabilité des Français. Donc, oui nous avons supprimé des postes, mais cela doit être corrigé par une meilleure efficacité des enseignants français et un meilleur management.

Revue N’autre école – Vous voulez vraiment changer l’école ! Nous disions à une époque qu’on ne pouvait pas “défendre l’école publique sans la critiquer”, c’est aussi votre cas. Que faut-il faire maintenant ?

Aurélie Adéou-Coustéou –  La balle est dans le camp des enseignant·es qui doivent accepter les réformes. Le Pacte que les syndicats ont appelé à refuser est un bon exemple de ce refus de toute une profession de se mettre réellement au travail pour améliorer l’efficacité de l’école publique. On ne voit pas ce genre de chose dans le privé. Il faut que cette prise d’otage de l’école cesse.

Notes : Cette interview est bien entendue une fiction. La revue N’autre école, dont le prochain numéro sort bientôt, est toujours une revue de combat syndical et pédagogique. Ne vous inquiétez pas. A très vite dans la rue.

Arthur

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *