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Entretien avec Mathilde Larrère autour de Rage Against The Machisme (3/3)

Si vous n’avez pas encore lu les deux premiers volets de ce riche entretien, c’est ici Entretien avec Mathilde Larrère autour de Rage Against The Machisme (1/3) et là Entretien avec Mathilde Larrère autour de Rage Against The Machisme (2/3).
Julien Marsay

L’Histoire des enfants, sa silenciation, ça rejoint aussi ce que l’on voit dans le livre : faire le récit de cette Histoire des femmes, des luttes des femmes, des droits des femmes, c’est aussi aborder les autres dominé·es et les femmes racisées. Ça aussi, c’est passionnant quand on voit les freins sur l’intersectionnalité alors même qu’une Olympe de Gouges, évoquée tout à l’heure, a aussi été l’une des

Delphine et Carole, insoumuses

premières qui a écrit des pièces de théâtre polémiques qui réclamaient les mêmes droits pour toutes les personnes, y compris pour les esclaves, pour les colonisé·es… Et il est aussi intéressant de voir qu’en fait, il y avait déjà de l’intersectionnalité là-dedans, de même que chez les Sœurs Nardal ou que chez Suzanne Roussi Césaire, alors qu’on essaie de nous faire croire que ce serait un concept sorti de nulle part, une « lubie » qui n’appartiendrait pas à notre Histoire. J’aurais voulu revenir aussi, dans le livre, sur le récit de ces luttes des femmes racisées, que soit en Algérie, en Tunisie, aux Antilles… C’est aussi ce qui est passionnant dans cette vulgarisation : cette autre histoire mise à portée de tout le monde, c’est l’Histoire des droits des dominé·es, des travailleurs et des travailleuses en même temps. L’une de ces figures du livre a-t-elle suscité quelque chose un écho plus singulier ou intime ou y aurait-t-il des figures tutélaires qui se dégagent particulièrement ?

Mathilde Larrère

Il y en a plein ! Madeleine Pelletier, je l’aime beaucoup. D’abord pour sa trajectoire : elle qui vient d’un milieu hyper populaire, s’en tire grâce à l’école, alors que ses parents auraient voulu qu’elle bosse très vite et elle termine quand même première femme psychiatre. Elle arrive d’ailleurs à un moment où le diplôme est fermé et c’est La Fronde de Marguerite Durand qui lance une campagne pour la soutenir ! C’est là aussi qu’on voit que les femmes se tendent la main, s’entraident énormément. Parce qu’il y a effectivement entre une femme bourgeoise et une femme ouvrière toute la différence des classes sociales et que par ailleurs, oui, le féminisme bourgeois a pu être complètement aveugle aux réalités des travailleuses. Mais en même temps, quand on regarde La Fronde, alors que Marguerite Durand est une bourgeoise, il y a toute une campagne pour à travail égal/salaire égal et elle parle des ouvrières et des femmes qui bossent dans le tertiaire aussi. Beaucoup de femmes travaillent dans le tertiaire à ce moment-là et elles sont absolument moins bien payées que les hommes. Elles se battent toutes et elles se tendent les mains. Au MLF également, il y a eu de nombreux exemples de soutien, des grèves aussi. Parfois, il y a quand même des choses qui se croisent et qui sont intéressantes à regarder ! Même s’il y a aussi, de fait, un féminisme bourgeois qui n’a pas vu des choses et qui continue à ne pas en voir d’autres, de même qu’il y a un certain féminisme blanc qui continue à fermer les yeux sur les doubles stigmatisations que subissent les femmes racisées. Mais si l’on en revient à Pelletier, c’est son côté extrêmement cash qui me plaît ! Dans les choix qu’elle fait : elle soutient publiquement l’avortement ! Mais aussi dans son langage : quand elle parle, un chat c’est un chat, elle va dire utérus, vulve… Elle est médecin en plus. Dans son action : c’est elle qui dit qu’on ne nous écoute que si l’on casse des vitres, eh bien, très bien, on va casser des vitres et c’est tant pis pour vous si vous ne nous écoutez que comme ça ! Parfois, ça m’amuse de prendre des phrases de Pelletier et de demander de quand ça date, et là les gens pensent que c’est Alice Coffin ! Eh non, c’était il y a plus d’un siècle : en fait, c’est Madeleine Pelletier en 1908. Puis bon, son côté « je vous emmerde, je m’habille en pantalon » et où elle dit « Je ne montrerai mes seins que quand les hommes auront des pantalons qui montrent leur b*** ». Par ailleurs, sa vie, c’est d’un tragique absolu aussi puisqu’elle elle va être enfermée après avoir pratiqué un avortement et elle va mourir. Elle va mourir en hôpital psychiatrique, elle, la première femme psychiatre, traitée comme folle juste parce que féministe.

Parmi les autres, j’aime beaucoup Jeanne Deroin aussi. Parce que c’est la lingère devenue institutrice et qui, avec un autre ouvrier, Jean-Baptiste Girard, monte une association qui finalement pose les bases de ce qui était les prémices d’une centrale syndicale, L’Association fraternelle et solidaire de toutes les associations. C’est elle qui rédige les statuts, ce qui était juste extraordinaire. J’ai beaucoup de tendresse également pour Solitude, l’esclave née d’une pariade (viol des esclavisées sur les bateaux négriers) qui connaît l’abolition de l’esclavage en Guadeloupe avant de connaître son rétablissement. Elle se bat enceinte jusqu’aux dents et là encore dans le registre tragique, on l’exécute au lendemain de son accouchement. Il y en a plein franchement et à chaque fois que je les découvre, je suis hyper émue ! Joséphine Pencalet quand je l’ai découverte grâce aux travaux de Fanny Bugnon, c’était merveilleux : l’une des premières femmes élues, une sardinière ! Mais je suis sûre que si l’on trouvait des choses sur les autres, ce serait pareil. D’ailleurs, moi aussi je lisais Les Pétroleuses là, et chacune de ces femmes a une histoire extraordinaire : Élisabeth Dmitrieff, Anna Jaclard, Nathalie Lemel, elles ont toutes un parcours extraordinaire, des vies dures et elles se battent toutes, ce qui mériterait l’écriture d’un roman au moins pour chacune !

Julien Marsay

Idem quand on prend la peine de mener des recherches en littérature sur ces fameuses autrices qui n’existeraient pas ! Alors que dès qu’on enquête, qu’on fouille, on trouve, et l’Histoire littéraire revêt un autre tout visage que la grimace patriarco-patrimoniale qu’on nous assène depuis longtemps. Tout de suite, l’image de l’écrivaine d’exception, « prétexte » tombe comme en Histoire : il n’y a pas une puissante, une femme d’exception et personne d’autre à côté, mais un faisceau de femmes qui ont créé, lutté, collectivement à certains moments de l’Histoire et que l’Histoire a invisibilisées…

Mathilde Larrère

Oui ! Les prostituées de 1975 par exemple, elles sont aussi extraordinaires. Sur Arte, il y a une rediffusion des Insoumuses, sur les luttes féministes de la comédienne Delphine Seyrig et de la réalisatrice Carole Roussopoulos. Sur l’occupation de Lyon en 1975 notamment, c’est extraordinaire !

Ça me fait penser à l’un de mes grands souvenirs de féministe. Je faisais un échange sur l’avortement, les droits actuels et est arrivée

Portrait de Joséphine Pencalet en 1906

une dame âgée. En fait, c’est une dame qui avait pratiqué des avortements de la méthode Karman dans les années 70, avant la loi Veil, et qui ensuite a pratiqué du Karman en self help, c’est à dire selon une solidarité entre les femmes (justement ce qui est filmé dans le documentaire Insoumuses). Elle a commencé à nous raconter ces avortements Karman et à nous raconter des histoires vraiment magnifiques. Parmi nous, il y avait aussi une infirmière qui pratique actuellement des avortements dans des pays où c’est interdit. Alors à l’époque, c’était en Argentine, c’était avant la loi qui vient de passer, donc dans des conditions de totale illégalité. Toutes deux ont alors eu un dialogue sur les modalités du type : « Ah ouais, maintenant ta canule, elle est comme ça, alors que nous la canule, elle était ainsi ! ». C’était certes très technique et médical, mais c’était juste extraordinaire de voir ces deux femmes qui ont pris ou prennent des risques, qui prennent le risque d’être en prison pour aider des femmes qui sont dans la difficulté et qui doivent avorter. Et tout leur récit était à la fois des actions d’une sororité bouleversante, ce qui faisait monter les larmes aux yeux, et en même temps elles faisaient un récit des gestes techniques. Je crois que je me souviendrai toute ma vie de cet échange et toutes les autres, des historiennes, sociologues, on était là à se taire. On ne pouvait plus rien dire, qu’écouter et pas trop pleurer tellement c’était beau. Elle s’appelait Françoise, mais elle n’a jamais voulu donner son nom de famille. Je n’en sais pas plus, elle ne voulait pas, mais cette femme a une vie incroyable : c’est ça qu’il faudrait raconter, ces vies-là, celles de ces incroyables anonymes…

Julien Marsay

En parlant des anonymes, ça me fait songer au travail sur les illustrations venant en partie de slogans ou de pancartes d’anonymes ! Le travail de Fred Sochard est assez admirable aussi, notamment sur les slogans ou les illustrations. Comment s’est passée votre collaboration ?

Mathilde Larrère

Je voulais absolument que ce soit Fred ! J’avais une super dessinatrice pour le bouquin d’avant et vraiment c’était top ce qu’elle avait fait. C’est juste que Sochard, j’adore ses dessins de presse, j’adore ses dessins pour enfants et j’avais vraiment super envie là que ce soit lui qui l’illustre. Et puis, en plus, il se trouve qu’il illustre aussi la gazette du théâtre d’une pote à moi à Ivry sur Seine, le théâtre Antoine Vitez. Et donc, j’avais déjà vu qu’il faisait de collages pour la gazette et j’aimais beaucoup.

Quant aux slogans, j’ai commencé à m’y intéresser lors de l’occupation Nuit debout parce que je les ai vus fleurir sur la place, j’ai commencé à les prendre en photo. Et après, c’est devenu un réflexe que je ne pensais pas au début être particulièrement scientifique :

Madeleine Pelletier (1874-1939), feministe et anarchiste

je prenais en photo les graffitis parce que moi, je ne trouve vraiment pas que ça saccage Paris ! Au contraire, je trouve que c’est de la poésie et de la politique urbaines, donc j’aime ça et au bout d’un moment, c’est devenu systématique. Je suis devenue obsessionnelle, au point que, par exemple, lors des manifs des Gilets Jaunes, je revenais le soir pour faire le trajet et pour les prendre tous en photo avant que qu’on ne les efface. Je suis d’ailleurs un peu chiante en manif et j’en profite pour m’excuser auprès de mes copines et de mes copains parce qu’en fait les gens me parlent alors que moi, je suis juste à prendre des photos, des photos, des photos et je cours et je cherche parce que c’est ma récolte. Je sais que je suis chiante en manif à cause de ça. Ça devient obsessionnel ! Je ne suis pas concentrée sur ce qu’on me dit parce que je ne fais que regarder ailleurs pour prendre LA photo. Après je les archive, j’ai tout un système de classement donc s’il y a besoin, je ressors la photo. J’avais mon dossier Manifs féministes/slogans, et des slogans,

Madeleine Pelletier (1874-1939), feministe et anarchiste

j’en ai quelque chose comme 300/400. Et puis, je suis aussi allée rechercher des citations plus anciennes, cette fois presque matrimoniales. On retrouve à peu près toujours les mêmes et je n’ai pas fait des trouvailles supra originales parce que je pense que c’est important aussi qu’il y ait cette dimension : il y a des phrases canoniques comme « Prolétaires de tous les pays qui lavent vos chaussettes ». Mais ces slogans du passé, ils circulent toujours dans le présent ! Ça m’est arrivé de voir un slogan des années 70 ou même une phrase de Beauvoir sur une pancarte. Le 7 mars 2020, pour la marche nocturne féministe, une jeune fille brandissait une pancarte « Nous sommes les petites filles des pétroleuses ». Les slogans ou citations patrimoniales du féminisme sont parfois actualisées : le 1er mai dernier, j’ai vu un « Prolétaire de tous les pays, qui lavent vos masques ? » ! Et c’est chouette aussi, ça. D’où l’importance de mêler slogans contemporains et slogans anciens. Puis ça montre aussi ce que dit d’ailleurs Seyrig dans le documentaire, que le mouvement féministe a toujours été d’une inventivité incroyable, d’une grande impertinence. Il y a un sens de la formule que je ne trouve pas forcément dans d’autres mouvements. Quand on va en manif féministe, on sait qu’on va se marrer, être dans l’invention et dans la joie permanentes. La manif féministe, on en sort boosté·es, avec une énergie incroyable !

Pour les slogans donc, c’était évident pour les éditeurs et moi. C’était un choix avec les éditeurs de scander le livre avec des slogans ou des citations, ce qui permettait aussi une liaison entre les chapitres ou au milieu d’un chapitre plutôt que de les mettre dans le texte. Même si dans certaines situations, c’est dans le texte. Et puis après, Fred pouvait travailler sur les titres des chapitres qui étaient des slogans (la plupart des titres des chapitres sont des slogans, mais pas tous). On les lui a envoyés et dès son premier retour, tout était absolument nickel, on n’a même pas eu besoin de faire un aller-retour. Il y a juste une fois où je lui ai demandé de faire sourire un personnage car je trouvais qu’elle faisait la tête. Il a tout de suite trouvé. Il a tout de suite compris. Et en plus, moi, je n’ai absolument aucune imagination visuelle, donc je n’avais aucune idée de ce que ça pouvait donner. Et à chaque fois que je regardais ses illustrations, je me disais que c’était exactement ça. Je ne sais pas si vous avez remarqué mais il y a aussi – et ça part du précédent qui était censé être un almanach – à la fin, ce qu’on appelle des culs de lampe ou des couillards. En fait, là certains ce sont des cup, d’autres des clitoris, d’autres encore des vulves. Et en fait, ça, c’est lui qui a eu l’idée. Réussir à mettre des symboles féministes comme ça, mettre des clitoris à la place de couillards – puisque le vrai nom, c’est couillard – mais c’est trop fort ! Donc, ça a été un bonheur d’échange. Il comprenait immédiatement tout. C’était juste magique.

Julien Marsay

C’était pareil dans N’Autre école quand Fred (Sochard) a illustré la revue : impressionnant !

Par ailleurs, puisque le livre interroge la question de la mémoire et de la transmission, tout cela rejoint la question de l’École et de l’émancipation par l’éducation. Quel visage pourrait prendre une N’AutreFac idéale ?

Mathilde Larrère

Une autre fac, une fac idéale, déjà c’est une fac sans Frédérique Vidal et où l’on recrute massivement des titulaires. Recruter permettrait de varier l’offre d’enseignement qu’on réduit comme une peau de chagrin, d’avoir moins de monde dans les TD, de personnaliser et de faire des projets. Mais ça, la question des moyens, c’est la base. De façon systémique, il faudrait une fac évidemment plus inclusive, plus ouverte. Il faut aussi qu’elle reste absolument le moins payante possible. Ça, au moins, on l’a encore, pour l’instant, ils n’y ont pas trop touché. C’est tellement important que ça soit comme ça. Je pense aussi qu’il y a un énorme travail à faire chez les profs de fac, de réflexion sur leur pédagogie et qui, pour la très grande majorité d’entre elles et eux, n’est pas fait. On continue à y voir des pédagogies extrêmement descendantes qui partent du principe que de toute façon, si l’étudiant ou l’étudiante ne comprend pas, il faut aller chercher ; partant du postulat qu’ils/elles sont censé·es déjà savoir donc. Il y a très peu de réflexion pédagogique alors qu’il y a tellement matière à faire. Et je le dis d’autant plus facilement que chez nous, on l’a beaucoup fait. Sans doute qu’avec nos moyens, on s’enrichirait en cherchant d’autres choses. L’avantage aussi, c’est que nous on a la chance d’être une université avec peu de hiérarchie. On fait des week-ends pédagogiques par exemple, c’est à dire qu’on s’invite chez un·e pote qui a une maison à la campagne. Et le soir et le lendemain, on travaille et dans ce cas-là, on invite aussi des collègues au statut précaire afin d’éviter l’entre-soi des titulaires. Or, souvent, les précaires ont des idées pédagogiques bien plus renouvelées par rapport à celles du prof qui est depuis 20 ans à la fac et qui tourne parfois un peu en boucle. Et ils/elles nous ont apporté de nombreuses idées. Donc on a essayé pas mal de démarches.

Julien Marsay

Quelles démarches ou expérimentations par exemple ?

Mathilde Larrère

On a essayé des formes de classes inversées par exemple. On essaye, et parfois, ça ne marche pas. J’ai complètement raté une fois, ça ne marchait pas mais j’ai essayé puis après, j’ai essayé une autre démarche et là ça a pris. Mais ça, c’est sûr qu’une fac qui penserait plus à ça, ça serait vraiment bien quand même ! Par ailleurs, il y a tout un tas de violences et de discriminations à la fac, contre les étudiant·es, avec le statut du prof qui sait et l’étudiant·e qui, forcément, ne sait pas. On a aussi des systèmes de notation qui sont assez humiliants, même si c’est moins le cas que dans les classes prépas. Là, il y a tout un travail à faire et qui rendrait plus heureux les profs comme les étudiant·es. Parce qu’en fait, c’est souvent ça que je dis à des collègues, en enseignant différemment, on est aussi plus heureux·ses, parce que ça se passe mieux. Parce que les étudiant·es sont plus intéressé·es, interviennent plus. N.B. : les profs se plaignent tout le temps que leurs élèves n’interviennent pas, mais en même temps, si on ne leur laisse aucun espace, si on ne leur pose jamais de question ou alors des questions fermées, forcément… L’élève a tellement peur de dire une connerie qu’il/elle ne répond pas. C’est assez difficile parce qu’il y en a qu’on ne voit que deux heures par semaine, donc c’est sûr que ça n’a rien à voir avec une classe du primaire ou du secondaire que l’on voit beaucoup. Mais en fait, en deux heures par semaine en semaine, on arrive à avoir des rapports en faisant l’effort de les connaître. C’est ainsi que l’on peut créer ! Et justement t’apprends à les faire intervenir, à les mettre en petits groupes, à faire préparer des travaux qui rendent compte de ce qu’ils/elles ont fait… Si l’on mettait plein de profs, plein de moyens, qu’on rénovait les locaux tout ça, imaginez ! Mais si les profs continuent à parler du haut de leur chaire en considérant que les étudiant·es doivent déjà être bien content·es d’être devant eux parce qu’ils sont tellement intelligents que ça descendrait tout seul, c’est sûr que ça ne va pas aider ! Je caricature certes ! Évidemment, il y a plein de profs aussi qui ne sont pas comme ça, mais il faudrait plus accepter ce changement. Dans une fac idéale, on ferait aussi de nombreuses sorties culturelles. On sort très peu à la fac alors que les sorties, c’est génial. Quand je fais le cours sur la Révolution, je les emmène justement dans le Paris de la Révolution. J’essaie de trouver les expositions qui correspondent au cours du moment. Il y a les voyages d’étude aussi, tout ce qui contribue à l’ouverture. Nous, dans notre fac, on fait un voyage d’études (souvent en Grèce) en troisième année… C’est incarné : ils/elles voient l’Acropole, et on leur fait cours devant, et cela, il n’y a aucune raison de ne le faire qu’avec des plus petit·es ! Dans les faits, ils/elles ont huit petits cours dans la journée, sauf que c’est sur le site. Nous, on a bossé avant, et pas qu’un peu ! Et évidemment, il n’y a pas des L-3 qui viennent, y a quelques L1 et des L2 quand il reste de la place. Je peux vous assurer qu’après quand, en cours, on a un·e élève qu’on a eu en voyage d’études, ça roule tout seul. Assister à un cours de Vincent Azoulay, sur l’Acropole, les cheveux au vent, le temple sous les yeux, je pense que toutes les étudiantes et étudiants qui y étaient s’en souviendront longtemps. Moi je n’oublierai jamais en tout cas !

Magali Jacquemin

Oui, de la pédagogie active ! J’ai fait un petit tour à la fac. Au cours de mon doctorat d’histoire, j’ai été chargée de TD. Et c’est justement cette absence de pédagogie, cette revendication, même, à l’absence de pédagogie qui m’a fait, de manière assez radicale finalement, non pas devenir profe d’histoire-géo, mais instite. Parce que je me souviens très bien quand toute jeune chargée de TD, on a eu un semblant de formation. Le principal propos du « formateur » a été de nous demander si nous avions prévu comment nous allions nous habiller parce qu’on avait quasiment le même âge que nos étudiant·es ; donc, il fallait nous différencier. Mais sinon, sur comment faire pour accrocher les décrocheurs etc., c’était le vide ! En fait, en première année, la fac, ça fonctionne par « évaporation naturelle de l’étudiant », nous disait-on. Je me souviens de cela : c’était ultra violent, déshumanisant au possible, alors même que j’étais chargée de TD sur la Révolution française (quand même, un peu d’Histoire sociale !). Et au moment des délibérations sur les partiels, – parce que j’avais noué contact avec mes étudiant·es – quand je disais que oui la copie de l’un·e était ratée mais que oui, peut-être qu’il y avait moyen de le rattraper parce qu’il y a aussi ses difficultés, qu’elles soient sociales ou scolaires ou autres, c’était inaudible et cela se figeait en un : ici, c’est la fac et ça fonctionne par évaporation naturelle de l’étudiant ! Ça, c’est un truc qui m’a marquée à tout jamais, vraiment. Et c’est l’une des raisons qui ont fait que je suis devenue instite, pédagogue auprès des enfants, et non profe d’Histoire !

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