À l’occasion de la publication du 4ème titre de la collection «N’Autre École», Entrer en pédagogie Freinet, (Libertalia, 2015, 118 p.) nous avons rencontré son auteure, Catherine Chabrun pour lui poser quelques questions. Nous reproduisons également quelques passages de son ouvrage.
Questions de classe(s) – Comment est née l’idée de ce livre ? Pourquoi cette rencontre ICEM/Libertalia /Q2C ?
Catherine Chabrun – L’idée de ce livre vient de Grégory Chambat qui souhaitait mettre en place une collection « Entrer… ». La participation de l’ICEM aux différents stages et sans doute mes différentes contributions écrites sur le site de Question de classes ont fait le reste. J’ai joué le jeu et j’avoue avec plaisir, une manière aussi de regarder en arrière avec un projet d’avenir : donner envie de se lancer en pédagogie Freinet qu’on soit débutant ou tout simplement en recherche d’autres pratiques.
L’éditeur, je l’ai rencontré ensuite lors d’un après-midi de débats. J’ai été assez impressionnée par les ouvrages qu’il présentait.
Q2C – Peux-tu nous parler de ton parcours et de la manière dont tu t’es engagée en pédagogie Freinet ?
C. C. – Je suis entrée à l’Éducation nationale par défaut. Je venais de démissionner ne supportant plus le travail que je faisais : plus de deux ans dans un cabinet d’actuaire après une formation universitaire en Sciences économiques. Heureusement, un recrutement de suppléants éventuels sur simple entretien à l’Inspection académique m’offrit cette opportunité. Ma représentation de l’école, hors mes souvenirs personnels, était nourrie de mes lectures étudiantes : Libres enfants de Summerhill d’Alexandre S.Neill, Une société sans école d’Ivan Illich, Pédagogie des opprimés de Paulo Freire… et autres livres de chez Maspero. Bref, une vision de l’école articulée à celle de la société.
Les premiers temps, je n’ai fait que de courts remplacements en essayant d’enfiler les chaussons des maîtres que je remplaçais. Les heures passées avec les enfants me plaisaient, mais ne donnaient aucun sens à ce que je faisais.
Après les vacances de printemps, j’ai eu la chance de remplacer un congé maternité jusqu’à la fin de l’année scolaire. Et là, je me suis retrouvée devant un problème que je n’avais pas perçu avant : les enfants qui progressaient étaient ceux qui étaient déjà très bons et ceux qui auraient dû progresser restaient en échec. Je faisais des leçons, des exercices, un contrôle et je passais à une autre notion et tout recommençait, un véritable cercle infernal.
J’ai décidé alors de permettre aux enfants de recommencer leurs exercices jusqu’à ce qu’ils réussissent. Mais il a fallu les accompagner, travailler à côté d’eux… il a fallu donc que les autres travaillent seuls… L’entraide et le compagnonnage ont été mes premiers alliés. Le temps des questionnements et des recherches pédagogiques s’est enclenché. J’ai dévoré des livres, j’ai eu la chance de rencontrer un inspecteur qui m’a propulsée dans un réseau de CLIN (classes d’initiation pour les enfants non francophones venant d’arriver en France) – ma seule formation pédagogique institutionnelle –, de rencontrer des gens passionnants et passionnés, de lire Le Nouvel Éducateur, de militer dans un groupe départemental de l’ICEM, de participer à des congrès… et je n’ai jamais quitté l’enseignement.
Q2C – Dans ce livre très agréable à lire, tu abordes les valeurs émancipatrices de la pédagogie Freinet, les bases théoriques de de la PF et surtout tu proposes les principales entrées pratiques et concrètes dans la PF. Peux-tu nous dire comment ces facettes s’articulent ?
C. C. – Je suis persuadée que les principes et valeurs que j’ai énoncés dans ce livre sont indispensables pour pratiquer la pédagogie Freinet et ainsi ne pas la limiter à une somme de techniques pédagogiques. Dans les instructions officielles de l’enseignement élémentaire, on a pu ainsi retrouver des techniques comme l’écriture de textes, le journal scolaire, la correspondance, l’entretien du matin… mais comme aucun projet éducatif global ne les portait, elles n’ont jamais rien changé au système.
C’est pourquoi à mon avis, ils doivent préexister à la mise en place des différentes pratiques. Par exemple la coopération, si l’on décide d’en faire un principe incontournable, il va permettre un autre regard sur l’enfant, sur les relations entre pairs, entre l’adulte et le groupe… il va changer les moments de travail personnel, les apprentissages, les évaluations et il faudra alors utiliser des pratiques et des techniques différentes. On pourrait aussi décliner la puissance d’autres principes pour pratiquer autrement comme le respect des cheminements singuliers d’apprentissages, le tâtonnement et le droit à l’erreur, la parole de l’enfant…
Q2C – Tu ne caches pas les difficultés, la progression à petits pas, tout en donnant de nombreux exemples et en proposant des témoignages d’enseignants. Quelles questions doivent se poser les futurs pédagogues et praticiens de la PF et quels sont tes conseils pour démarrer en PF ?
C. C. – Je l’ai dit un peu plus haut, ce qu’il faut mettre en place doit résulter d’une nécessité d’utiliser une pratique pour avancer dans la mise en œuvre des principes. On choisit en premier celui qui correspond le plus à sa philosophie, ses valeurs et on cherche les pratiques qui le mettent en vie. Et ensuite on prend le deuxième, le troisième…
Q2C – Ton livre s’adresse à des « débutants », pourquoi ce choix ? Ce livre peut-il (doit-il) se lire même si l’on ne veut pas débuter pas en PF ?
C. C. – Des débutants et aussi des enseignants qui souhaitent changer leurs pratiques.
Donner envie sans faire peur, montrer qu’on peut changer ses pratiques sans tout bouleverser. Qu’on peut offrir un quotidien d’apprentissage respectueux de chaque personne sans avoir des années et des années d’expérience. Que le chemin se fait en marchant si on pose quelques principes essentiels pour guider.
Le livre peut servir aussi à faire connaître la pédagogie Freinet aux parents, aux éducateurs, aux animateurs, aux formateurs…
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Propos recueillis par François Spinner pour Questions de classe(s)