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Enfances de classe

Suite à la parution du livre dirigé par Bernard Lahire, Enfances de classe au Seuil, Etre at savoir interroge la fabrique des inégalités et comment celles-ci se construisent dès le plus jeune âge.

Comment s’expliquent nos choix éducatifs ?
Qu’est-ce qui les motive, les conditionne, les limite ?
Où commence la fabrique des inégalités ?
Où commence la fabrique des inégalités ?

Enfances de classe, un livre de Bernard Lahire et d’un collectif de sociologues paru à la rentrée, nous raconte ce qu’est l’éducation aujourd’hui en décrivant en détail la situation de 18 enfants de 5 ans, soit l’âge de la grande section d’école maternelle : alors, qu’a-t-on appris quand on a 5 ans ? Les sociologues le décrivent par le menu ainsi que la construction des dispositions, des goûts, des valeurs qui seront intériorisés pour toute la vie. Ils racontent aussi ce qui dans l’éducation relève de la confiance donnée, en soi et en les autres, des contraintes, d’une forme de modestie transmise, et même de peurs. Cela aussi va rester toute la vie.

Dans le titre Enfances est écrit au pluriel et cette somme, car s’en est une, documente les inégalités telles qu’elles se lisent à travers la vie des familles. L’enfant y est observé à l’intérieur de sa famille, à l’école, dans un monde plus large où se déploient déjà ses goût, un type de consommation, une ouverture à la culture.

Et pour ce faire Enfances de classe explore les centaines de petits plis, les micro détails de de la vie quotidienne : se parler, manger, se vêtir, se soigner, se divertir, avoir des principes sur ce qu’on fait et les exprimer. Ce livre parle de vous, il parle de moi, il parle des Français – et il peut, peut-être, nous faire accéder à une certaine compréhension de l’autre, des autres.

Il le fait avec les outils de la sociologie mais aussi ceux de l’écriture, car sont de véritables récits qui se donnent à lire, incarnés et vivants, récits qui nous sont faits à hauteur d’enfant… Se placer là, c’est aussi une manière singulière d’observer les adultes, les institutions comme l’école, et finalement un certain état de la France.
Avec :

Bernard Lahire, sociologue, professeur de sociologie à l’Ecole normale supérieure de Lyon et membre senior de l’Institut universitaire de France, il a dirigé le collectif Enfances de classe : de l’inégalité parmi les enfants, Seuil (2019).
Cloé Korman, écrivaine, romancière, professeur de Français dans un collège de Bobigny en Seine-Saint-Denis, auteure notamment de Midi, Seuil (2018).

1 Comment

  1. VANHEE Francis

    Enfances de classe
    Un livre capital en effet, dont le Comité de réflexion et d’action laïque CREAL 76 rendait compte dans son bulletin de septembre page 7 : http://www.creal76.fr/medias/files/combat-laique-74-septembre-2019-s.pdf

    École : inégalités de classe et dénis
    «
    Ce qui empêche la résorption des inégalités, c’est la répartition extrêmement hétérogène de tous les capitaux, qu’ils soient économiques ou culturels. Il faut y remédier en menant une politique sociale tous azimuts. C’est un prix qu’aucun gouvernement jusque là n’a été prêt à payer. »1 C’est le coup de gueule de Bernard Lahire fondé sur les constats du travail monumental de 5 ans d’une équipe de 16 sociologues sur les inégalités parmi les enfants dès la maternelle.2 Philippe Champy – quant à lui – décrit dans son ouvrage3 le ralliement d’une partie croissante des hauts technocrates de l’Éducation nationale à l’agenda néolibéral. Ils mobilisent dans ce cadre le numérique et les neurosciences.
    L’aveuglement aux réalités sociales, la fuite en avant vers des recettes pseudo-scientifiques individualisantes, la mise à l’écart des classes populaires (réforme des lycées professionnels, des lycées d’enseignement général, Parcoursup….) caractérisent la politique de J.-M. Blanquer.
    Les enfants « vivent au même moment dans la même société, mais pas dans le même monde »4, explique Bernard Lahire. C’est ce que montre le travail exigeant et précis de son équipe sur 35 cas d’enfants de maternelle au travers de leur famille, entourage, nourrice, crèche, école… sans oublier les entretiens avec les enfants eux-mêmes. Les déterminismes sociaux déjà connus avaient besoin d’être documentés, objectivés, incarnés et pour la première fois concernant la petite enfance. Conditions de vie, santé, alimentation, loisirs, langage, rapport à l’école… sont croisés et analysés pour chaque classe sociale : populaire, moyenne ou supérieure. Tandis que certain-e-s vivent une « réalité augmentée », référence au transhumanisme, selon « les pouvoirs économique et culturel » dont ils disposent, d’autres subissent « une réalité diminuée ».4 L’enquête met ainsi à nu les inégalités de classe, « quelque chose comme un scandale, un sentiment d’injustice extraordinaire », affirme Bernard Lahire.
    Quelles réponses ?
    Aux niveaux européen comme français, on est dans le déni de la sélection sociale. Les réponses sont le plus souvent individualistes, utilisant les notions de « talents, potentiels, intelligences, habiletés » qui révèlent en fait « une conception essentialisée des élèves, déconnectée de leur classe sociale »5, qu’il s’agit d’invisibiliser. Le recours aux « méthodes qui marchent », aux « bonnes pratiques », aux neurosciences détournées de leur objet6, ont le même objectif. Il accompagne « une reprise en main dirigiste, centralisatrice »3 portée par le néolibéral institut Montaigne cher à J.-M. Blanquer.
    « Faire de la politique, c’est changer les déterminismes sociaux qui pèsent sur nous »1, insiste Bernard Lahire. « Il n’y a pas de fatalité sociale », le sociologue rappelle qu’ « il est toujours plus facile de naturaliser les choses, de les psychologiser. »
    L’accélération des attaques contre les services publics met d’abord les plus démunis en difficulté. Aux antipodes des politiques éducatives, sociales et économiques menées depuis plus de quarante ans et actuellement accélérées, c’est vers une remise en cause radicale et conséquente des inégalités sociales et donc culturelles qu’il faudrait résolument aller. C’est le chemin que doit prendre la société pour s’arracher aux déterminismes sociaux et cheminer vers l’égalité, sans laquelle la fraternité (le vivre ensemble ?) n’ont pas de sens. Nous faisons nôtre cette phrase de Bernard Lahire : « Après avoir décrit la lutte féroce des espèces pour la survie, Darwin s’est empressé de rappeler que l’honneur de la civilisation était ‘l’entraide’[…]. Or des politiques de plus en plus libérales attaquent depuis plus de quarante ans l’idée (chère au Conseil national de la Résistance) qu’il faut mettre à disposition de l’ensemble de la population certains services et certains biens : l’électricité, l’eau, la santé, l’éducation… »4
    1 L’OBS L’Obs, n° 2860, 29.08.2019
    2 Enfances de classe. De l’inégalité parmi les enfants, collectif dirigé par B. Lahire, éd. du Seuil, 1232 p., 27 €
    2 LAHIRE, Bernard (dir.). .Enfances de classe : de l’inégalité parmi les enfants. Seuil, 2019
    3 Philippe Champy. Vers une nouvelle guerre scolaire : quand les technocrates et les neuroscientifiques mettent la main sur l’Éducation nationale, La Découverte, 320 p., 20 €
    3 CHAMPY, Philippe. Vers une nouvelle guerre scolaire : quand les technocrates et les neuroscientifiques mettent la main sur l’Éducation nationale. La Découverte, 2019
    4 Télérama numéro 3634 du 07.09 au 13.09
    4 Télérama n° 3634
    5C. Dozier et S. Dumoulin. Quand la bienveillance envahit l’école, Le Monde diplomatique, septembre 2019
    5 C. DOZIER, Clothilde, DUMOULIN, Samuel. « La “bienveillance”, cache-misère de la sélection sociale à l’école ». Le Monde diplomatique, septembre 2019

    6 Rubrique Lu, vu, entendu du CREAL76, Derrière les neuropédagogies, une idéologie individualiste, http://www.youtube.com/watch?v=08DbApLsLKA

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