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Armée / école

Un texte d’il y a deux ans mais toujours d’actualité qui appelle à notre vigilance sur le contenu et les objectifs des stages proposés dans le cadre du rapprochement Armée/école…

Bordeaux 3 décembre 2010
Armée / Education Nationale
Mépris affiché des militaires formateurs
Pour les intellectuelLEs, enseignantEs !
Témoignages ulcérés de stagiaires

Les protocoles d’accord Armée-Education organisent une symbiose contre-nature, permettent notamment aux militaires de former les enseignantEs et de faire leur propagande dans l’Education Nationale. Le mépris affiché des militaires – formateurs envers les intellectuelLEs provoqua une fronde légitime de néo-enseignantEs , qui se sont « tous sentis insultés tant par le choix des thèmes abordés, qui témoignent d’une ignorance totale de nos problèmes quotidiens, que par des propos inacceptables à notre égard et sur l’ensemble de la profession » (1) . Les militaires organisent des formations continues pour les enseignantEs, contre-nature, depuis les années 80 (Hernu-Savary). Depuis la casse de la formation professionnelle initiale, les néo-enseignantEs leur sont livréEs !

Des professeurEs stagiaires témoignent

Une formation propagandiste inversant les priorités pédagogiques !
Les témoignages écrits des stagiaires, dignes, sont explicites : « …du contenu discutable et du traitement intolérable qui a été réservé hier, vendredi 03/12/10, au lycée … à …consacrer l’après-midi au thème de l’enseignement de la défense et à la présentation des différents types de coopération possibles entre l’armée et l’éducation nationale. … alors même qu’aucun d’entre nous n’a commencé sa formation disciplinaire ce qui, de l’avis de tous, est une urgence bien réelle. … choqué par le choix des thèmes abordés et encore plus par le choix de certaines images … propagande de l’insécurité sur fond de Twin Towers en flammes ! … au moment où l’on tente de convaincre les jeunes professeurs qu’il ne faut pas hésiter à orienter leurs élèves vers l’armée … leur montrer une image d’un jeune tenant un fusil d’assaut en joue lors de sa JAPD. » (2)

Un mépris ostensible pour intellectuelLEs et enseignantEs :

Les stagiaires ont finalement réagi à des « propos inacceptables … sur l’ensemble de la profession ». Des propos « affirmant la supériorité du corps militaire face aux réflexions stériles menées par des intellectuels en salle des profs ! Il me semble que la tournure exacte était « Les discussions entre militaires çà n’a rien a voir avec les discussions entre intellectuels qu’on entend en salle des profs. (…) Nous, il nous faut des discussions rapides car çà débouche sur de l’action »

Propos repris par un commandant de réserve : « En salle des profs, on entend des conversations d’intellectuels qui ne servent à rien alors que nous dans l’armée on est dans l’action pour la nation … un autre gradé de l’armée prend la suite en affirmant de manière décomplexée qu’il n’y a pas de déontologie dans l’éducation nationale ! ».

« Une sauce idéologique » :
« Grâce à dieu, grâce à dieu, grâce à dieu nous connaissons la paix en Europe depuis plus de 60 ans », « La paix a été préservée grâce à la bombe nucléaire »

La mesure était comble

Les stagiaires ulcérés ont finalement réagi « Face à l’inutilité relative du contenu et l’hostilité palpable qui nous a été témoignée, nombre d’entre nous n’avons pas assisté à l’intégralité de la présentation l’après-midi … Nos collègues des Landes ont eux aussi témoigné leur mécontentement envers le choix thématique de la formation en quittant massivement les lieux. … nous ne sommes pas une bande d’élèves dissipés, … mais bien des professeurs. … Le temps de la remise en question est peut-être venu ! »

« Evidemment beaucoup de nos collègues, furieux que l’on se moque de leurs préoccupations quotidiennes (apprendre à construire des séquences de cours ou évaluer les élèves par exemple) ont déjà commencé à quitter massivement les lieux… ».
Plusieurs ont écrit pour « témoigner directement de ce que vivent les professeurs stagiaires lors de leurs formations organisées par le corps d’inspection. » en nous demandant de respecter l’anonymat de leurs propos.

La symbiose Armée/Ecole en marche

« Il faut arriver à l’armée préparés, et préparés par l’école, le lycée et l’Université. Il faut une symbiose avec l’Education nationale. » (Charles Hernu, ministre de la Défense, Le Monde, 11.7.82). C’est dans ce but qu’un protocole d’accord a été conclu entre les ministres de la défense et de l’EN, Hernu-Savary. Parmi les nombreux objectifs : « permettant aux élèves, dans le cadre des activités éducatives, d’obtenir une formation directe dans les unités … améliorer l’information des jeunes gens et des jeunes filles sur les nécessités de la défense … » (extraits des textes officiels). Il s’agit aussi d’organiser des formations aux enseignantEs par des militaires (dont profs d’Histoire-Géographie).
Mais aussi « afin que l’on cesse de voir, dans certains manuels militaires, des passages scandaleusement antimilitaristes » (Charles Hernu, Le Monde, mai 1982). Ce Hernu avait, en convergence avec la députée Mme de Hauteclocque (pdte de l’association pour l’Enseignement « Libre », catholique), obtenu l’interdiction d’un livre d’économie de 2nde dont une page comparait des coûts d’équipements civils et militaires : enseignement « libre » ?!
Le protocole Hernu-Savary sera complété par un second (Chevènement-Jospin) et un 3ème (par la droite) – mais aussi par un protocole d’accord Défense-culture (Hernu-Lang, mardi 24 mai 1983 à Orange Vaucluse).

Une résistance s’organisa : plus de 60 collectifs anti-symbiose dans au moins 45 départements, revues comme Le Rire (Réseau d’Information aux Réfractaires) , la brochure « Ramassis d’infos sur la militarisation de l’enseignement » (collecteur = le COT d’Albi, Collectif des Objecteurs Tarnais, toujours vivant). En manifestation laïque à Yssingeaux nous entonnions « Une Ecole sans curé, une école sans patron, une école sans armée, une école émancipée ! », longuement.
De même les ordonnances de janvier 1959 (les citoyens-soldats), actualisées par le gouvernement de gauche en 1984, permettent à un Conseil des Ministres une « mise en garde » du pays : chaque salariéE est alors réquisitionnée sur son lieu de travail et considéréE comme déserteur s’il-elle se met en grève ou désobéit à une instruction.

La casse de la formation professionnelle
des enseignantEs s’applique encore

Ce n’est pas un hasard si ces enseignantEs-stagiaires en colère souhaitent « témoigner directement de ce que vivent les professeurs-stagiaires lors de leur formations organisées par le corps d’inspection. »

TouTEs ne protestent pas de même contre les conséquences de ce massacre de la formation professionnelle des futurEs enseignantEs, au mépris aussi des familles et des jeunes.

Henri Amadéi

(1) extraits de témoignages écrits.

(2) JAPD = Journées d’Appel de Préparation à la Défense

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