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Dans un temps lointain…

Dans un temps lointain mais pas mythique (les années 1900), les instituteurs allaient à l’école… de la classe ouvrière pour y prendre des leçons de syndicalisme certes, mais aussi de positionnement social.

C’était l’époque de l’émergence d’un syndicalisme de classe, aux horizons largement ouverts même s’ils nous paraissent aujourd’hui naïfs et bien optimistes. Mais aussi à mille lieux des combats catégoriels.

Cette belle époque, au double sens du terme, est définitivement révolue, nous n’y retournerons pas plus qu’au temps des Jacqueries ou de la prise de la Bastille.

Comment franchir aujourd’hui le fossé entre les catégories relativement privilégiées du salariat, dont les professions enseignantes font partie, les « gros bataillons de la classe… employée – et parfois ouvrière», et les soutiers de la précarité – professions de la sécurité, du nettoyage, caissières et gros oeuvre du bâtiment ? Ce n’est pas ce site ni d’autres qui répondront à « la » question. Mais dans nos métiers, nous pouvons tenter des pistes au quotidien : dans la solidarité avec les familles qui luttent pour leur régularisation, pour un logement voire un hébergement, pour le droit à la santé – concrètement : un coup de fil à la Sécu, un accompagnement à la Préfecture, aider à remplir des formulaires, utiliser le scan de l’école  ; dans un attitude fraternelle et aidante par rapport à ce noeud de discorde que représente l’école, en informant les collègues, en donnant aux familles des trucs et astuces, en reconnaissant nos avantages pour avoir avec elles une relation moins inégalitaire.

N’est-ce pas reprendre, plus dans la solidarité que dans la lutte il est vrai, mais aussi plus dans le présent et moins dans un avenir rêvé, l’inspiration de nos prédécesseurs ?

Jean-Pierre Fournier

3 Comments

  1. Bernard Collot

    Dans un temps lointain…
    Entièrement d’accord avec toi Jean-pierre. L’école du peuple c’est d’abord l’école au peuple. Qu’elle lui soit ouverte, à sa disposition ainsi que ses professionnels, qu’il puisse l’utiliser, s’y émanciper comme ses enfants. En plus, c’est facile !

  2. alphonse

    Dans un temps lointain…
    Vaste question que la réunion des classes ouvrières et précaires et celles des la petite bougeoisie intellectuelle (rien de péjoratif: j’en suis, nous en sommes).

    Pourtant comme le dit très bien François Ruffin (il faut lire ce très bel article ), aucune évolution politique, économique, sociale ne sera possible sans qu’il y ait un rapprochement entre ces deux classes.

    Et pourtant, penser que l’école pourrait être le lieu privilégié de cette rencontre me semble, pour plusieurs raisons, difficile.

    Dès le départ l’école républicaine n’est pas si bien vu du monde ouvrier mobilisé,par exemple les anarcho-syndicalistes et les bourses du travail. Je me souviens avoir lu dans des débats des premières bourses du travail (pas moyen de remettre la mains sur le bouquin… si on peut m’aider …) des critiques très virulentes sur cette école bourgeoise obligatoire… On pourra aussi se référer à Marcel Martinet quand il écrit en 1935 “La loi d’airain de l’instruction : l’enfant du peuple sort de l’école sachant lire et c’est tout.”
    Voilà pour l’histoire…

    Aujourd’hui que l’école n’est plus remise en question en tant qu’institution, par aucun courant politique c’est un des rares endroits où la classe populaire fréquente une classe au capital scolaire un peu plus élevée: les enseignants. Mais c’est aussi l’endroit où se jouent la légitimation des inégalités sociales par ces mêmes enseignants. La fameuse patate chaude bourdieusienne. Ces études datent du milieu des années 60 mais leurs conclusions n’ont pas pu être sérieusement remises en question depuis et surtout pas en France.

    Aujourd’hui ce « dévoilement » finit par porter ses fruits dans les classes populaires de manière sauvage soit par une augmentation des attentes des classes populaires soit par un refus du système scolaire qui s’assume (lire à ce sujet L’École des ouvriers ).

    Alors bien sur, ouvrir l’école, prêter la photocopieuse (pour faire des tracts aussi …), accueillir de façon bienveillante ceux qui n’ont pas les codes de l’école (cette culture scolaire que l’on voudrait nous faire passer pour une culture prétendument commune).

    Mais surtout, il faudrait ne pas chercher à cacher ce que produit l’école. Il serait intéressant d’avoir les chiffres concernant les orientations des élèves … en fonction des écoles, des quartiers, des csp, de pouvoir les montrer de pouvoir les discuter en conseil d’école ou de collège (à la place de nos indigentes évaluations et autres bulletins de note…). Il est aussi intéressant à l’occasion d’interroger les élus à ce sujet (souvent pour constater leur ignorance, ou, si l’on est optimiste, pour qu’ils prennent conscience de leur ignorance).

    L’espace rural est, à ce titre, archétypal, avec une population scolaire qui pose peu de problème médiatique (ou alors une image ruralo-bucolique à la façon de l’inénarrable « être et avoir » ou de la FNER) alors que, là plus qu’ailleurs, jouent la ségrégation sociale et spatiale.

    Pour, comme le dit très justement JP Fournier reconnaître « nos avantages pour avoir avec elles (les familles populaires) une relation moins inégalitaire » il faudrait aussi savoir ne pas adhérer corps et âmes aux jugements scolaires que nous savons, par essence injustes. Cela ne va pas de soi, les conversations entendues sur « les cas », dans les salles des profs pourraient illustrer jusqu’à la nausée, mon propos. Mais il faut bien dire que les évaluations répétées, les dispositifs d’aide individuelle contractualisés avec les familles, la « médicalisation des troubles » ont fortement marqué nos pratiques et nos esprits.
    Le chantier du rapprochement des classes populaires et de l’école est immense, tout reste à faire, beaucoup à penser (avec au centre, je pense, le problème du langage). Il est à l’ordre du jour nulle part sauf ici, j’en suis heureux !

    • Jean Agnès

      Dans un temps lointain…
      Votre site présente des pistes intéressantes! Il faut pousser l’analyse, parce que nous voyons pointer de “petits meirieu en puissance” (ou autres prestidigitateurs du genre), et qu’il n’y a aujourd’hui guère de “lieu alternatif”, les anciens “mouvements” pédagogiques ayant baissé la garde. Je suis poli. Quant aux “penseurs d e l’éducation”!!!

      Bon, pas d’adresse où vous joindre. J’écris actuellement un texte “pour une philosophie (critique) de l’éducation” qui sera disponible.

      JA

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