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Vi0lences s3xuelles : Comment protéger nos enfants ? – (émission, chaîne Histoires crépues)

Point de départ

La campagne nationale de lutte contre les violences sexuelles faites aux enfants de 2023 donne des chiffres qui parlent d’eux-mêmes et disent une certaine urgence à mieux protéger les enfants :

– « 160 000 enfants subissent des violences sexuelles chaque année

Toutes les trois minutes, 1 enfant est victime d’inceste, de viol ou d’agression sexuelle

– Près de 40 % des violences sexuelles avant 18 ans ont lieu avant l’âge de 11 ans

– Dans le cadre familial, les violences sexuelles commencent très tôt : l’âge médian des victimes est de 7 ans pour les filles et 8 ans pour les garçons ; et une victime d’inceste sur quatre avait moins de 5 ans au moment des faits. »

Ce qui revient à 1 à 3 enfants par classe victimes de violences sexuelles.

A partir de ces chiffres et contre les décideureuses politiques qui ont décidé des programmes finaux de l’Evars et ont relégué le S (« sexuelle ») de Evars au secondaire, je reprendrais cette phrase prononcée par la professeure des écoles Lolita, intervenante de l’émission : « S’il y a un seul enfant à sauver en France en faisant de la prévention en maternelle, eh ben on fait de la prévention en maternelle ».

L’émission

L’émission datée du 16 octobre se trouve sur la chaîne Youtube de Histoires crépues. C’est le 2ème épisode de la nouvelle émission « Histoire extra scolaire », animé par le professeur des écoles Mouhamadou, avec l’intervention de Mai Lan Chapiron, musicienne, autrice et créatrice d’outils de prévention, et de Lolita, professeure des écoles.

Vi0lences s3xuelles : Comment protéger nos enfants ? – Histoire Extra Scolaire EP.2

J’ai écouté deux fois cette émission récente sur la question vive de l’Evars, tant elle est riche en échanges, en ressources, en questionnements et en pistes pour prendre la juste mesure des enjeux de l’éducation à la vie affective, relationnelle et sexuelle (Evars) à l’école et l’aborder avec les élèves.

Les intervenant·es expliquent pourquoi l’Evars est indispensable pour informer et protéger les enfants, et leur donner des outils de compréhension et d’alerte. Quelques-uns de leurs arguments (mais allez voir l’émission, c’est très clair et convaincant!) :

– Parler du corps, des parties intimes (la vulve, le pénis, l’anus, les fesses) ne doit pas être un problème et constituer un malaise. C’est le contraire (le silence, le tabou, la gêne) qui met les enfants en danger, qui les laisse livré·es à elleux-mêmes lorsque des propos, des gestes, des agressions viennent les violenter. Enseigner le vrai nom des parties intimes et familiariser les élèves à leur utilisation, c’est donner du pouvoir aux enfants, leur rappeler qu’on peut en parler sérieusement aussi.

– Dire aux enfants qu’il existe des adultes défaillants est indispensable pour les protéger et développer leur esprit critique en leur donnant la légitimité de dénoncer les comportements des agresseureuses.

– Parler de la vie affective, en expliquant l’existence d’autres modèles que l’hétérosexualité normative, permet également de limiter, si ce n’est d’empêcher l’émergence de la honte et de la haine de soi qu’éprouvent trop d’enfants qui se découvrent différent·es de ce modèle propagé par notre culture hétéropatriarcale. Car il faut protéger les enfants des pédocriminel·les, mais aussi les protéger de la haine d’elleux-mêmes.

– Éduquer au consentement protège les enfants dans leurs relations quotidiennes : consentement à toucher le corps de l’autre (la main, la tête par exemple), tout en ne transigeant pas avec la règle des parties intimes : personne n’a le droit de les toucher, et on ne touche pas les parties intimes de l’autre (notamment l’adulte) même s’iel le demande.

– … et bien d’autres arguments et exemples exposés au cours de l’émission.

Et pourtant, malgré une adhésion majoritaire à l’Evars, les professionnel·les restent frileux·euses, soulignent les intervenantes, et parfois même iels ont peur : peur de la réaction des familles, peur de mal faire, d’utiliser les mauvais termes, peur de la hiérarchie.

Face à cela, Mai Lan Chapiron a rappelé très justement les conséquences des violences sexuelles sur les victimes, tout au long de leur vie : sur la santé, sur la vie affective, relationnelle, sexuelle, parentale. Elle rappelle que les victimes perdent jusqu’à 20 ans d’espérance de vie. « Sachant ça, dit-elle, on ne peut pas se permettre d’être gagné·es par la peur, d’être empêché·es par la peur ».

Dans l’Evars, il y a les 3 séances obligatoires dans les programmes, et qui peuvent effectivement effrayer lorsqu’on n’est pas formé·es, mais il y a surtout, rappellent Lolita et Mouhamadou, toutes les petites situations du quotidien, là où les adultes doivent intervenir pour mettre de l’éducatif dans les relations entre élèves : les insultes homophobes, les comportements tactiles intrusifs, l’occupation genrée de l’espace et des jeux de cour, par exemple.

Une émission à écouter, vraiment, pour comprendre la nécessité de l’Evars et retrouver de la détermination à faire vivre cet enseignement ! Un grand merci à Histoires crépues / Histoires Extra Scolaires et aux trois intervenant·es.

Ce qui m’a interpellée

80 % des personnes à qui les enfants se confient ne font rien.

En réalité, quand on discute avec les personnes qui sont contre l’Evars, on se rend compte que c’est une façon de masquer leur transphobie et/ou leur homophobie.

L’émission a confirmé une réalité : je me rends compte que pour éduquer à ces questions, il sera aussi nécessaire de connaître les discours auxquels sont confronté·es les jeunes, notamment les discours masculinistes qui envahissent les réseaux sociaux et dont les paroles ont des échos jusque dans nos classes quand on entend les ados parler de body count, ou de tel influenceur qui dispense des cours de séduction virilistes et misogynes, etc. Autant de discours qu’il faut débattre et déconstruire avec les jeunes, en leur proposant d’autres modèles possibles.

Car, rappelle Lolita, l’Evars est un sujet hautement politique qui met en jeu la question du pouvoir et de la domination mais aussi celle de l’émancipation des enfants : « qu’est-ce qu’on transmet aux enfants, est-ce qu’on leur permet d’être autre chose que ce qu’on a prévu pour eux, est-ce qu’on leur permet d’exprimer d’autres envies et désirs que les nôtres propres, nous parents ? » et là dessus, le consensus n’existe pas et les voix réactionnaires veillent toujours…

Jacqueline Triguel, collectif Questions de classe(s), SUD éducation 78

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