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Travail social, les raisons d’agir, Laurent Ott

De tels ouvrages sont rares : les praticiens engagés dans des démarches profondément innovatrices écrivent peu, et pas seulement par manque de temps ; les universitaires écrivent beaucoup par contre, mais en apesanteur : sans se confronter au vécu qui passe nécessairement par soi – et ce n’est pas toujours facile – , sans la responsabilité qui va avec ; du coup, ils négligent la vraie innovation, celle qui existe sans forcément braquer les projecteurs sur elle.

Laurent Ott, dans ce recueil de réflexions au jour le jour (à la semaine la semaine), tâche de donner du sens aux démarches simples et complexes du travail éducatif de rue (et de champ, puisque le jardinage occupe une large part dans les activités d’Intermèdes-Robinson) mené par une association qui s’adresse hors les murs de l’école aux enfants dès leur plus jeune âge. Il s’agit des enfants de la précarité, de ces gosses de banlieue frappés comme leurs familles par ces misères si peu dites, qui viennent redoubler les misères matérielles : mésestime de soi, solitude et enfermement. La pédagogie sociale de l’association joue sur le libre accès, la visibilité, la régularité pour mener des activités qui permettent la rencontre, le don et ce fameux « vivre-ensemble » qui devient ici autre chose qu’une hypocrisie officielle : il s’agit que les intéressés croient de nouveau à ce qu’ils font, que peu à peu la vraie sécurité, celle qui vient de relations vraies avec les autres, marque des points sur la peur et les sirènes sécuritaires qui l’accompagnent.

Les formules heureuses parsèment ces chroniques, avec de belles citations, de René Char à Vaneigem en passant par Paulo Freire ou Freinet, les grands inspirateurs. Il ne s’agit pas dans ce cas d’un décor littéraire, mais, pour l’auteur, de s’appuyer sur les penseurs vivants (fussent-ils disparus) pour penser l’action d’aujourd’hui dans ce domaine d’action sociale peu connu – et pas si fréquemment pratiqué non plus.

La lisibilité de ces textes courts, illustrés de photos, n’empêche pas qu’il faut le temps d’un « arrêt sur texte » ; on ne peut pas en lire trop à la suite. Il serait aisé d’en conclure que c’est à déguster à petites gorgées : ce serait tomber dans une facilité stylistique que Laurent Ott, pour sa part, s’interdit ; ce serait surtout négliger l’essentiel : c’est plutôt que, si l’on est impliqué dans des activités différentes et parallèles sur le plan pédagogique ou social, il faut prendre le temps de lire cet ouvrage au titre un peu plat et au riche contenu. L’auteur écrit : « nous n’avons pas besoin d’utopies, nous avons besoin de vrais lieux, en commun » – ce livre en est un. (J-P F)

Travail social, les raisons d’agir, Laurent Ott, Erès (Éducation spécialisée quotidien), 2013, 256 p., 20 €.

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