Un livre d’histoire étonnant, à la croisée à la fois des mémoires nationales étudiées à travers les timbres, de l’histoire des deux guerres mondiales, de l’étude iconographique de ces étranges productions étatiques que sont ces petites images qui servent à affranchir le courrier et de la philatélie comparative et thématique.
Ce regard historique est appuyé sur l’étude de centaines de milliers de timbres postaux dont plusieurs centaines de très bonnes qualités et en couleur sont représentés dans l’ouvrage (sur les 9000 émis à propos des deux guerres). Ainsi s’ouvrent des perspectives historiographiques novatrices qui montrent comment s’écrivent et s’imagent les mémoires inscrites si fortement dans les identités nationales.
“[…] nous avons très peu conscience des spectaculaires différences entre les mémoires nationales à propos d’une histoire pourtant largement commune : les mémoires bulgare et néo-zélandaise de la Première Guerre mondiale, ainsi, n’ont à peu près rien en commun, alors que leur épicentre géographique est quasiment identique.”
Le timbre à vocation postale (et philatélique pour les “beaux timbres”) est ici un instrument essentiellement politique : l’émetteur (l’État) choisit la mémoire à valoriser ou à occulter ; le public est, selon qu’il est allemand, israélien, belge, français, étasunien ou polonais, le récepteur d’une mémoire étatique et nationale, voire nationaliste.
Alain Croix et Didier Guyvarc’h, Timbres en guerre : Les mémoires des deux conflits mondiaux,Presses Universitaires de Rennes (Histoire), 2016, 216 p., 29 €.
Introduction de l’ouvrage et tables de matières ici.