« Dans la fonction publique, “il y a urgence” à s’occuper de la santé au travail »
Ce constat est celui du rapport Lecocq de 2019 sur la santé au travail dans la fonction publique, mais c’est aussi le constat d’une jeune association de salariés, ANTHEN – Association nationale des travaileurs-ses en situation de handicap ou en ALD de l’Education nationale.
Un manque de prévention de la santé au travail
La haute autorité de santé (HAS) recommande : « de repérer, en amont de tout arrêt de travail, toute altération de l’état de santé du travailleur ayant un retentissement sur ses capacités fonctionnelles et de travail ». Nous sommes loin de cette culture de la prévention.
«Prendre soin de ceux qui nous rendent ces services est un devoir. Comme tout employeur, l’Etat,
les élus locaux et les employeurs publics ont l’obligation de préserver la santé physique et psychique de leurs agents ». Nous sommes loin du compte. C’est ce que souligne le rapport Lecocq.
L’un des problèmes bien identifié est le faible nombre de médecins de prévention. C’est vrai en particulier à l’Education nationale.
Mais comme le souligne le rapport, « le dispositif d’ensemble doit davantage inciter à la prévention » : « En outre, aucune mesure incitative n’est prévue pour sensibiliser les managers de la fonction publique à cette problématique. Hormis les très rares cas de figure (la mission n’a pu en identifier aucun) où la responsabilité pénale d’un chef de service pourrait être engagée en cas d’absence par exemple d’un DUERP à l’occasion d’un accident sur le lieu de travail, il n’existe pas à notre connaissance de situation dans laquelle l’évaluation de la qualité d’un cadre tient compte de sa plus ou moins grande prise en compte des sujets « RPS ou QVT ».
De fait, cela signifie que lorsque l’on constate que la santé physique ou mental d’un agent au travail se dégrade, du fait ou non de ses conditions de travail, rien n’est fait pour prévenir le risque de désinsertion professionnel.
Non-respect des droits des travailleurs-ses en situation de handicap ou ALD
En outre, une fois que la situation de maladie ou de handicap est installé, les agents ont bien du mal à faire valoir leurs droits. C’est le constat qu’ont pu faire les adhérents de l’association ANTHEN comme l’évoque plusieurs témoignages sur leur site internet (https://assoanthen.wordpress.com/).
Les salariés non seulement sont pas informés de leurs droits, mais lorsqu’ils les font valoir, ils n’ont pas toujours gain de cause. C’est comme si l’administration attendait que les travailleurs et travailleuses, en situation de maladie ou de handicap, se découragent et renoncent à faire valoir leurs droits car rien ne semble pouvoir faire pression en dehors d’une décision du tribunal administratif.
Or c’est bien justement pour faire pression collectivement que des personnels de l’Education nationale, concernés directement par la maladie ou/et le handicap, ou aidants, on décidé de se constituer en association.
Il faudra sans doute que les travailleurs et les travailleuses, en situation de maladie et/ou de handicap, soient capables de mener des actions collectives comme l’avaient fait les associations de malades du SIDA, comme ce fut le cas avec Act Up, pour que la situation change….
Il faudra aussi sans doute que l’ensemble des travailleurs/ses prennent conscience que ces enjeux les concernent tous et toutes.
L’enjeu social de la lutte contre la désinsertion professionnelle
Avec l’augmentation des maladies chroniques (20 % de la population dont 10 % en ALD (Affection longue durée), le vieillissement de la population et l’allongement des carrières professionnelles, le maintien dans l’emploi et le risque de désinsertion professionnel est un enjeu social émergent. C’est ce que soulignent plusieurs rapports récents : rapport de l’IGAS de 2017, rapport Lecocq de 2019, rapport de l’HAS de 2019….
L’enjeu de société est énorme car il interroge la place des personnes vulnérables dans le monde du travail. Le monde néolibéral du travail, basé sur la performance et la compétitivité, tend à vouloir se débarrasser de ceux et celles qui sont considérés comme n’étant pas assez productifs et performants.
La vraie question est celle de savoir quel monde du travail et quelle société nous désirons : voulons-nous d’un monde du travail où seuls les hommes, dans la force de l’âge et en bonne santé, auront une place ? Ou considérons nous que le monde du travail doit être inclusif pour les mères seules avec enfants, les personnes en situation de handicap, les personnes malades, les aidant-e-s…
(à venir un entretien avec les fondateurs/trices de l’association ANTHEN)
Rapports officiels :
IGAS, La prévention de la désinsertion professionnelle des salariés en situation de handicap ou de maladie (2017). URL : http://www.igas.gouv.fr/IMG/pdf/2017-025R_Tome_I.pdf
Rapport Santé, sécurité et qualité de vie dans la fonction publique (2019). URL : https://www.gouvernement.fr/sites/default/files/document/document/2019/10/rapport_version_definitive_sante_au_travail_dans_la_fonction_publique_231019.pdf
Haute autorité de santé, Santé et maintien dans l’emploi (2019). URL : https://www.has-sante.fr/upload/docs/application/pdf/2019-02/reco271_recommandations_maintien_en_emploi_v1.pdf