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Rien n’oblige… nouvelle Kronik Robinson

Chaque fois qu’on les expose, les constats sur les institutions , la précarisation, l’inadaptation des moyens et procédures du travail social provoquent le désarroi des agents.

Que peut on faire ? Que peut on soi même reprendre du courant de la Pédagogie Sociale alors qu’on est pris dans une structure, un service, une hiérarchie ?

La question est souvent posée, parfois avec angoisse ou découragement. Et les réponses invariablement répètent la même chose : identifiez les petites bullles, les petites poches de liberté et de souplesse , que vous avez, et emparez vous en.

Cela suffit parfois à rassurer ; on respire : ainsi il y aurait de la conciliation possible entre l’intra et le hors institution, entre pédagogie classique et pédagogie sociale.

Nous vivons une époque de consensus obligatoire , de refus des conflits. Celui qui critique l’institution est ainsi sommé de rajouter des paroles apaisantes. Nous sommes obligés de nous confirmer dans le discours , à des contorsions obligatoires. Si nous disons « Droits », nous voilà contraints d’ajouter « devoirs ».

Si nous critiquons un mode d’agit, une ligne politique, une mesure, voilà que nous sommes contraints d’y ajouter une bouillie de discours politiquement correct, sans quoi notre discours est immédiatement disqualifié : « sur les acteurs qui font de leur mieux », « les interprétations diverses, » les « c’était pas mieux avant », « les petits progrès indiscernables qui seraient en cours », bref sur « la bonne volonté générale » qui absout tout, et qui finit pas enlever tout contenu à l’idée de base.

Les choses sont ainsi faites que nous avons le droit de critiquer à condition d’annuler nos critiques, de parler, à condition de ne rien dire, de faire , à condition de ne rien changer, d’innover avec des innovations homologuées.

Sous prétexte de ne désespérer personne, c’est l’espoir même que quelque chose arrive qui est sacrifié.

Disons le clairement une fois pour toutes ; les conflits que nous n’assumons pas à l’extérieur, deviennent des conflits intérieurs qui vont nous déborder.

Les abus de pouvoir sur nous que nous n’identifions pas ou ne dénonçons pas, nous amènent également à perdre du pouvoir sur nous mêmes.

Supporter la critique, supporter la tension, supporter la controverse sont devenus des conditions même pour demeurer acteurs et auteurs de ce qu’on fait.

Je ne sais pas si c’est la seule bulle de liberté que nous ayons, mais c’est sans doute, la première.

Car de cette faculté va dépendre notre résistance pour ne pas adhérer à l’ordre qui nous oppresse.

Comme l’exprime magnifiquement Bernard Defrance (citation ci dessous) , a priori rien n’obligerait un agent d’ajouter à l misère et la violence des choses et du Monde.

« Il y a une attitude fréquente qui m’agace prodigieusement chez ceux d’une certaine gauche qui critiquent les situations que je dénonce, lorsqu’ils refusent de mettre en cause la responsabilité personnelle de certains acteurs sur le mode « c’est la faute au système, c’est l’institution qui…, c’est le manque de moyens », etc.. Mille regrets mais rien n’oblige le flic de base à serrer au maximum les menottes, rien n’oblige tel enseignant d’assortir la remise des copies de remarques humiliantes, rien n’oblige tel magistrat à infliger trois mois fermes sous l’accusation d’outrages et rébellion dont les seules preuves sont les allégations des policiers, rien n’oblige tel gestionnaire d’office HLM à tricher sur les charges , rien n’oblige tel préfet à expulser tel jeune sri-lankais en pleine guerre civile locale, lequel jeune est exécuté sous les yeux de sa famille quelques jours après son retour, et on peut continuer la litanie de ces multiples petits et grands « salauds ordinaires » (voyez le livre de Didier Daeninckx) sans lesquels aucun « système » ne perdurerait… » B. Defrance

De même que l’enseignant, le policier, le travailleur social, réduit à l’état d’agent n’est a priori pas obligé de détourner la tête des situations qu’il ne peut pas changer, il n’est pas obligé de prendre en grippe qui lui rappelle l’inadéquation des mesures et procédures. Nul n’est obligé d’adhérer au discours de sa hiérarchie, à l’orientation de son établissement.

Et pourtant , si souvent, tant d’entre nous, trouvent plus simple de baisser la garde et de s’identifier à leurs chaînes.

Lire la suite sur le site d’Intermèdes-Robinson

3 Comments

  1. ROMET Daniel

    Rien n’oblige… nouvelle Kronik Robinson
    Ca fait plaisir de lire cela.
    Je suis enseignant référent (handicap) et j’ai toujours été professionnellement à la marge du “bunker” (pour moi, l’Education Nationale).
    Je ne supporte pas “l’esprit de corps, pour ne pas dire de soumission” particulièrement prégnant dans ce ministère mais également dans beaucoup d’autres lieux professionnels.

    • Ott Laurent

      Rien n’oblige… nouvelle Kronik Robinson
      Je suis d’accord avec vous. Une normalisation puissante règne au sein des enseignants, comme une véritable culture d’entreprise. Elle puise ses sources dans la peur de l’inconnu, de la perte de maîtrise et dans une grande solitude vécue.
      Je crois qu’on peut faire beaucoup, juste en montrant que nous pouvons travailler mieux sans ces normes.

  2. Veronique Busson

    Rien n’oblige… nouvelle Kronik Robinson
    “les conflits que nous n’assumons pas à l’extérieur, deviennent des conflits intérieurs qui vont nous déborder.
    Les abus de pouvoir sur nous que nous n’identifions pas ou ne dénonçons pas, nous amènent également à perdre du pouvoir sur nous mêmes.
    …..ne pas adhérer à l’ordre qui nous oppresse!”

    Merci, ça donne un peu de courage pour résister. Je vais faire circuler l’article.
    Véronique, enseignante en classe d’accueil

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