Il n’est pas un militant qui n’ait analysé les finalités étatiques et historiques de l’école, ses relations avec les pouvoirs politiques et économiques, très claires avec les Guizot et Jules Ferry, à peine un peu plus floues aujourd’hui (voir l’excellent texte de Nic Hirtt sur Q2C ).
Très bien, il faut absolument changer l’école et le système éducatif, pas seulement la pédagogie qui serait un ingrédient à insuffler dans le système pour le rendre ou plus performant, ou plus acceptable. La conception de tout système relève de l’ingénierie. Encore faut-il que l’on sache pour quelle finalité.
Or, s’il n’est pas étonnant qu’au niveau de l’Etat et des gouvernants on se contente de rajouter quelques belles phrases qui dissimulent à peine le reste, il est curieux que la question de la finalité soit très rarement débattue dans les milieux contestataires, alternatifs, politiques révolutionnaires et autres. Là aussi on trouve de belles phrases (L’éducation est l’arme la plus puissante qu’on puisse utiliser pour changer le monde, Mandela), de beaux titres (école émancipatrice, école libératrice… ), de belles déclarations, de beaux textes de philosophes, d’humanistes… mais ce n’est malheureusement pas avec cela (ou pas seulement avec cela) que l’on bâtit un système éducatif qui réponde à une finalité suffisamment claire pour pouvoir le concevoir.
Non seulement il faut déterminer cette finalité pour qu’une politique éducative puisse donner les moyens de la réaliser, mais aussi il faut qu’elle puisse faire consensus de telle façon qu’elle réponde aux intérêts de tous… aux intérêts de qui au fait ? De ceux que le système vise, concerne, évidemment les enfants et les adolescents. Pourquoi les enfants et les adolescents ont ou auraient besoin d’une école à leur disposition ?
Si c’est cette question qui est mise sur la table, on sort des pièges de l’idéologie et un consensus peut être trouvé. Il y a besoin d’un consensus sur le « pourquoi une école ? » puisque les moyens que peut donner une politique éducative sont ceux de l’argent public. Après, la question de « quelle école ? » (ou de « quelles écoles ? ») dans quel système éducatif pose beaucoup moins de problèmes.
La suite dans un essai pour amorcer le débat ici
http://education3.canalblog.com/archives/2015/03/25/31765127.html
Encore une questionsdeclasses !
Quelle finalité pour l’école, le système éducatif, une politique éducative ?
Rêveur mais têtu, je voudrais donner, sinon ma force, inexistante, mais surtout ma conviction qu’un vrai réveil pour l’Ecole est possible…
Je m’affirme rêveur et avoir rêvé mes engagements, dans et autour de l’école… mais de les avoir vécus aussi avec une communauté construite peu à peu, et bien éelle. Parfois, ce vécu a mal tourné, ensemble nous l’avons corrigé. Nul enseignant n’y a perdu son originalité mais tous ont pu réaliser leurs projets sans ignorer les autres et sans rompre la cohérence, amont, présent et aval des suivis. 10ans d’enseignement spécialisé, 30 de direction avec classe et un seul regret « trop vite passé, insuffisamment accompli… », mais pas de remords..
« Qu’est-ce qu’un vrai rêve ? C’est un rêve qui dure. Et, s’il dure, c’est qu’il s’est marié. Marié avec la volonté. » Eric ORSENNA.
L’essentiel est l’enfant ! Aussi curieux, aussi éveillé soit-il, il aura toujours besoin d’être motivé, guidé, exercé… pour que les outils de la connaissance, du savoir-faire, du savoir vivre avec les autres ne soient pas les seuls fruits de sa spontanéité.
L’Ecole, seule, est capable d’accompagner l’éducation de la famille et de l’environnement pour procéder, en toute cohérence, à la progression harmonieuse des apprentissages autant qu’à la compensation des divers handicaps.
L’Ecole ne sera véritablement ce service efficace qu’avec, pour chaque établissement, un projet adapté autant aux objectifs éducatifs de notre société qu’à la réalité de la population scolaire qu’elle prend en charge.
L’Ecole ne sera véritablement cet outil d’excellence, capable de faire vivre ce projet, que si elle est dotée d’une équipe compétente dans ses individualités et cohérente dans le suivi total des élèves depuis son arrivée dans l’établissement jusqu’à sa sortie. Une équipe capable d’aider ses membres les plus fragiles, de remédier aux erreurs de mise en place du projet de fonctionnement… Une équipe solidaire et lucide.
L’Ecole ne sera performante que si un animateur responsable, formé aux tâches de gestion, de relations, d’orientation est le vrai directeur de cette équipe.
Il est terrible de constater que ces évidences, incontestables pour toute institution, reste, dans notre système éducatif, indéterminées, uniquement laissées à l’initiative, la bonne volonté, de ceux qui essaient de les mettre en œuvre… Avec tout ce que cela représente d’aléatoire. La chance scolaire d’un enfant relève de la loterie : la « bonne école » – la « bonne classe », sans cohérence assurée dans le même établissement, sans suivi de similitude lors des déménagements. Oui la carte scolaire au choix devient alors un privilège.
Structurer les établissements est un préalable sur lequel, ensuite, on peut greffer des moyens. Le contraire n’est que construction sur du sable…
Le discours final, de mon cri : « …et l’Ecole renaîtra de mes cendres ! », « l’Essentiel. » se veut la véritable base d’une école dans laquelle tous les artisans de belle volonté ont une chance de s’épanouir et d’épanouir le présent de nos enfants. Leur donner, à tous, une chance pour un futur à la hauteur de leurs possibilités, toutes différences prises en compte, est-ce vraiment impossible ?
Chacun d’entre nous est un prolétaire fondamental dont la seule vraie richesse, étymologique et de fait, reste au moment du grand dépouillement, nos enfants et leur devenir.
Je sais, on n’est pas sérieux quand on a 72 ans ; je sais qu’il faut laisser Saint Ex., son Petit Prince, rêver et laisser les gens sérieux compter les étoiles et allumer, éteindre les réverbères, mais comme la vie serait mieux possible, si la belle politique mettait un peu d’utopie dans ses projets et écoutait ceux qui ont vécu avec passion leur quotidien avec et pour les autres.
Quelle finalité pour l’école, le système éducatif, une politique éducative ?
Tout le monde croit que le fruit est l’essentiel de l’arbre quand, en réalité, c’est la graine.” Nietzsche
Je ne sais pas dans quel ouvrage, à quel chapitre retrouver cette assertion et, je m’en moque au point de’ ne pas entamer de recherches, par contre j’aime la résonance qu’elle provoque en moi.
Sans doute pas au même titre que la personne qui en faisait un argument pour mieux se connaître et se vivre grâce à une méthode quelconque mais parce qu’elle représente ma prétention à être « passeur de savoirs » comme l’exprimait Henri VINCENOT.
Prétendre : quel beau mot si facilement éreinté – mettre en avant ses convictions, tendre, diriger son attention, ses idées, sa volonté vers une mise en œuvre, une reconnaissance…
Est-ce si blâmable ? Bien sur que oui, si l’objet de cette prétention est inhumain, pernicieux, contraire aux droits de l’homme, mais combien positif si l’humanité s’en trouve mieux. La grande Humanité englobant tous les anonymes vivants et la petite, celle qui compose nos cercles rapprochés.
Ma prétention, ma pré-tension sont de vouloir veiller sur la graine pour qu’elle devienne un arbre solide, harmonieux, original et pourtant en accord avec sa forêt. Ma satisfaction, mon bonheur se voir réaliser mon vœu de voir s’épanouir l’arbre né de la graine, de lui voir à son tour offrir ses fruits aux besoins de ceux qui l’entourent, de le savoir inscrit dans la grande chaîne de la vie et du futur compte ma prétention.
Tous les parents ont cette prétention naturellement, ce qui ne fait pas preuve d’angélisme, les hiatus existent et sont les déviances d’une ligne éducative et affective que l’on voudrait idéalement rectiligne.
La société doit également se vanter de cette prétention qui conduit de la graine, à l’arbre puis au fruit, se vanter et l’assumer. Avec l’ambiance de la Fraternité, si possible, mais surtout avec les moyens d’assurer la Liberté et Egalité dans le respect mutuel de la convivialité.
Ces moyens sociaux sont tous ceux qui concourent à la croissance de la graine, sa santé physique et psychique. Lui apporter, connaissances, savoir être et savoirs faire est l’impératif d’une société en complément, en soutien voire en compensation de ceux de la famille.
Les vecteurs de ces acquis à proposer, mettre en place chez notre graine d’enfants sont nombreux et aussi ancien que le premier individu enseignant à un jeune apprenant.
Ils se sont multipliés, diversifiés mais même électroniques, mêmes techniques, mêmes médiatisés… n’en restent pas moins la prétention de passeurs de savoirs d’abord dédiée à l’apprentissage : apprendre, appréhender déjà des notions ambivalentes pleines de réticences.
Oui, il est beau qu’un enfant tende à prendre la connaissance que nous lui proposons, qu’il s’en saisisse sans appréhension, mieux qu’il ait envie de s’en emparer et c’est déjà de la pédagogie, pas de cette discipline inculquée aux enseignants mais de cette démarche qui faisait que des esclaves lettrés accompagnaient l’élève vers son enseignant.
Chacun d’entre nous pouvant être appelé à instruire même occasionnellement un curieux, verra son empreinte se graver selon sa façon de dire, expliquer, montrer, intéresser… sera pédagogue et à son tour accompagnera vers l’instruction.
Au centre de toutes les influences éphémères ou organisées qui concourent au développement de notre graine d’enfant, il fallait une institution d’enseignement. Ce fut l’Ecole avec tous ses avatars, l’Ecole par laquelle une société s’imposait de renoncer à former ses jeunes à la guerre, aux métiers ou aux tâches du quotidien familial pour les mettre en « arrêt de travail », selon le sens originel de « école », pour enfin, investir dans l’instruction et l’éducation…
Bien que baigné très tôt, parfois noyé, dans la mer des actions éducatives associatives, comme bénéficiaire depuis mes premières colos, comme intervenant responsable multifonctions, souvent bénévoles, c’est dans l’Ecole que j’ai pu le plus, sinon le mieux, accomplir ma prétention d’instituteur, celui qui fonde, quoi de plus prometteur pour veiller sur une graine ?
C’est avec toute l’autorité de ma prétention première et constante que je revendique pour l’école la reconnaissance de sa priorité sur tout autre engagement humain !
La course aux fruits est la marque essentielle de nos actions et nous affirmons que la grosseur, la saveur, la quantité, l’épargne de ces fruits bien concrets sont les garanties de notre survie, avec juste raison, mais leur fragilité, leur faiblesse face aux circonstan-ces, ne pourront jamais occulter qu’un individu, qu’une famille, qu’un groupe, voire un pays, ne se relèvera de ses catastrophes que par la force de ses savoirs, de ses capacités, ses initiatives et sa volonté. Les moyens accumulés n’étant que les matériaux et les outils de ces fondamentaux !
Nous sommes tous des Robinson Crusoé en puissance et seule notre intelligence, nos connaissances nous permettrons de nous adapter.
L’histoire est un grand livre dans lequel il est difficile de se projeter, sinon pour faire comme si, pour imaginer rêver, rarement en tirer des leçons… Les passéistes et les alarmistes sont des déconnectés du présent, ce présent qui réclame des satisfactions quasi immédiates. D’ailleurs, certains sombrent mais tant d’autres s’en tirent bien, pourquoi pas moi ? est-il aisé de conclure.
Instruire reste la sauvegarde essentielle. Reste à savoir comment et faire la pause nécessaire pour :
– S’assurer que tout le monde est conscient de cette nécessite d’instruction et d’éducation.
– S’assurer que notre outil social principal, d’instruction et d’éducation, notre Ecole, remplit efficacement son rôle.
Tout le monde croit que le fruit est l’essentiel de l’arbre quand, en réalité, c’est la graine.” Nietzsche
Quelle finalité pour l’école, le système éducatif, une politique éducative ?
Deux très beaux textes Alain.
Oui, dans la machine scolaire nombreuses nombreux sont celles et ceux qui y ont agi et ont été inspirés par cette noblesse.
Mais la machine scolaire n’est pas conçue pour cela, n’a pas vraiment été conçue pour cela par les pouvoirs en place.
Concevoir un système relève bien de l’ingénierie, dans le cas de l’école (donc des enfants), c’est l’ingénierie du vivant.
C’est pour cela qu’il me semble qu’à côté de la finalité humaniste (qui ne fait pas l’unanimité, on va s’en rendre malheureusement compte de plus en plus) il faut qu’il y ait une finalité plus pragmatique et précise qui puisse, elle, être incontournable.