Le bruit de bottes, le silence des pantoufles…comment travailler contre ?
Une saleté peut en cacher une autre : après la crasse islamiste et ses éclats sanglants, l’installation pas à pas de l’extrême-droite dans les institutions. Et nos élèves, leurs parents, nos collègues… et nous, là-dedans ?
On peut en rester à de bruyantes indignations, on a vu ce que ça donne : rien. Les « No pasaran » n’ont jamais (depuis hélas l’invention de ce slogan) fait qu’accompagner le passage en force des autoritaires et des violents de tout poil.
On peut aussi se demander comment « travailler contre ».
Travail de conviction ? On sait qu’il est plus efficace quand ce sont ceux qui sont trompés qui se convainquent eux-mêmes. Tel cet élève, dont les proclamations anti-immigrés et antisémites avaient fait qu’il avait fallu l’isoler, s’interrogeant et s’indignant à haute voix à propos de la Shoah – mais à l’issue d’une réflexion personnelle. Ou, dans le cadre d’une heure de vie de classe/conseil coopératif : « mais vous êtes racistes » s’écrit un membre du conseil, et, le « vous » signifiant « nous », la tension retombe. Le travail de l’enseignant consiste à construire le cadre de cet auto-réajustement.
Laisser des occasions de découverte ou de surprise. Ce sont ces élèves stupéfaits d’échanger quelques mots avec un employé musulman dans une synagogue. Finalement, avec les élèves, dès qu’on quitte la leçon de morale, on trouve des trucs et astuces, le quotidien nous offre mille occasions. Encore faut-il, sans les inventer bien sûr, donner sa chance à la chance.
Avec notre entourage professionnel, c’est parfois plus difficile. Ce sont ces enseignants qui lâchent des propos douteux en salle des profs ou des maîtres, à base de « quand même » (« l’immigration, c’est quand même un problème délicat ») et de « il faut bien reconnaître » (il faut bien reconnaître que les Roms, les parents africains, les ceci, les cela …).
Mais, au-delà de cette partie émergée, et pour l’instant minoritaire de l’iceberg, le plus embarrassant ce sont ceux qui n’en parlent pas : « ce n’est pas au programme » . Comme si on pouvait enseigner des contenus ou des techniques à des élèves-numéros interchangeables, sans épaisseur, sans extérieur (un extérieur qui occupe bien l’intérieur du cerveau). Comme s’il ne fallait pas se débarrasser des obstacles qui empêchent de réfléchir, de se concentrer sur un geste physique ou mental, de goûter des sons, des couleurs ou des mots. Comme si on pouvait oublier le monde. Comme si l’éducation pouvait se passer de valeurs.
Encore une fois, il ne s’agit pas de parler de tout tout le temps, ni de faire « des cours politiques », comme nous en accuseraient certains. Mais de ne pas faire semblant d’ignorer que le monde existe, avec une structure de domination, et, faisant parfois semblant de contester celle-ci, des nuisibles acharnés, d’étiquettes diverses, de haine commune.
Utilisons ce site pour échanger sur « ce qu’il faut dire » (faire, penser) pour construire avec nos élèves et nos collègues des moyens de défense face aux « passions tristes », qu’elles soient nationales, groupales ou religieuses.