Journées d’étude de l’ACIREPh
jeudi 20 et vendredi 21 octobre 2016 (début des vacances d’automne)
Lycée Lurçat – 48 avenue des Gobelins – Paris 13ème Métro : Place d’Italie ou Gobelins
Les Journées d’étude de l’ACIREPh sont ouvertes à tous ceux que les questions de l’enseignement de la philosophie intéressent, et s’adressent tout particulièrement aux professeurs de philosophie, débutants ou expérimentés, qui souhaitent réfléchir collectivement à leur pratique, pour s’emparer des questions posées par leur métier.
Présentation des journées :
Dans nos classes, nous rencontrons souvent des élèves qui croient que la philosophie n’a pas besoin d’être travaillée. La philosophie souffre durablement, jusque dans le supérieur, de ce préjugé défavorable, comparativement à d’autres disciplines où le travail nécessaire à l’apprentissage semble plus facilement compris par les élèves. Le raisonnement rigoureux, la réflexion critique apparaissent à certains comme des facultés presque innées, des dons de nature ; dès lors, tout le travail visant à les exercer par l’acquisition d’une culture philosophique est réduit à une exigence bassement scolaire, liée aux normes de l’institution et à l’inévitable évaluation de l’examen final.
Pour confirmer ou bien réfuter ces constats (de sens commun), nous voudrions aborder ensemble ces pistes de réflexion : Quel est le rapport des élèves au travail ? Pourquoi se plaint-on tout le temps de ce que les élèves ne travaillent pas assez ? Plus spécifiquement, en philosophie, y’a-t-il un malentendu entre les professeurs et les élèves sur les finalités du travail ? Comment légitimer le travail que nous exigeons d’eux ? Faut-il le faire ? Que répondre aux élèves qui déplorent d’avoir travaillé si c’est pour avoir 8 ou 9 ? Faut-il déplacer certaines représentations ?
Nous-mêmes, enseignants, tendons souvent à catégoriser nos élèves en fonction, sinon du travail qu’ils fournissent, du moins des notes qu’ils obtiennent. Du sympathique fumiste au laborieux tâcheron, nous distribuons nos encouragements, nos conseils et nos remontrances en essayant d’être justes, c’est-à-dire de récompenser le travail effectivement fourni – sans toujours y parvenir – probablement guidés par l’idéologie méritocratique de notre institution.
Anciens bons élèves souvent, quel rapport les professeurs ont-ils eux-mêmes vis-à-vis de leur travail ? Par exemple, que révèlent les mémoires professionnels des enseignants débutants sur les difficultés qu’ils rencontrent dans leur appréhension du métier ?
Les élèves, de leur côté, semblent pris dans une autre contradiction : conscients de l’importance du travail dans notre société, ils expriment parfois une réticence face aux conditions économiques et sociales qui les attendent après leur formation. Ils ne semblent pas associer le travail salarié à l’épanouissement personnel ni à l’utilité sociale, mais à la simple rétribution matérielle, extrinsèque, au salaire qu’il leur faudra bien gagner. Mais de quelle rétribution le travail philosophique peut-il se prévaloir ? Le professeur peut promettre l’autonomie comme récompense immanente de l’effort de penser, quand l’élève vise seulement la bonne note comme salaire scolaire.
La question, souvent posée par les élèves : « à quoi ça sert ? » est à prendre au sérieux. Quelle est la valeur de notre travail ? Que formons-nous ? Comment affronter la question de notre utilité pour des jeunes qui ne se satisfont plus d’étudier les humanités pour elles-mêmes ?
Par ailleurs, le travail est une notion au programme. Nous abordons ainsi dans nos cours le travail sous des rapports divers. D’un côté, nous exigeons des élèves un travail qui s’inscrit, selon nous, dans leur formation humaine, citoyenne et professionnelle. D’un autre côté, en distinguant le travail comme activité libre (praxis) constituant pour elle-même sa propre fin et le travail comme production, moyen pour une finalité extérieure (poïesis), nous pouvons dénoncer le travail comme aliénant. Cette critique est-elle encore pertinente pour analyser et diagnostiquer la réalité contemporaine du travail dans notre société ? Dans la relation parfois conflictuelle, au sein de notre profession, entre une philosophia perennis et un ancrage dans l’actualité, faut-il envisager des transformations dans le regard philosophique que nous portons sur le travail ? Qu’ont à nous dire les sciences sociales, notamment, sur les évolutions contemporaines du travail dans notre société ?
Plus particulièrement, quelles distinctions nouvelles faudrait-il apporter entre le travail, l’emploi et le salariat ? Quelle est la valeur du travail d’un chômeur, d’un retraité, d’un étudiant ou d’un bénévole ? La notion de lutte des classes s’applique-t-elle seulement au partage de la valeur produite, ou bien à la détermination même des activités auxquelles on attribue de la valeur économique ? Que penser des idées, émergentes dans le champ politique, d’un revenu universel ou d’un salaire à vie, déconnectés des postes de travail effectivement occupés ? Ces questionnements s’inscrivent dans une conception de l’enseignement de la philosophie comme devant donner aux élèves des outils critiques pour penser le monde d’aujourd’hui et ses évolutions, en se nourrissant d’éclairages extra-philosophiques.
En savoir plus :
http://www.acireph.org/spip.php?breve17