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Ne jamais lâcher les jeunes… pour les dresser toujours davantage !

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La répression violente des manifestations lycéennes de 2018-2019 contre les réformes des lycées et du bac nous avait déjà montré le mépris que le ministre Blanquer porte à la parole et à l’engagement des jeunes, et que, quelles que soient les résistances apposées à ses réformes, par les élèves comme par les personnels, il resterait sourd, obtus, et avancerait dans son projet éducatif.

L’arrivée brutale du Covid 19 dans nos vies aurait pu laisser espérer plus d’écoute de la part du ministre, une prise en compte des retours des jeunes, de leurs conditions de vie et d’apprentissage, plus d’humanité dans la gestion du système éducatif.
Mais il n’en a rien été, le ministre Blanquer, dans une situation exceptionnelle, a agi comme en temps ordinaire : sans dialogue, sans humanité, en communiquant avec les médias plutôt qu’avec les personnels et les jeunes et, il faut bien le dire, en décidant seul, quitte à être régulièrement contredit par le Premier ministre Philippe.

Dans toutes les décisions du ministre Blanquer ces dernières semaines apparaissent des éléments inquiétants, qui en disent long sur la manière dont lui et les sien·nes conçoivent l’éducation et la gestion des jeunes.

Invisibiliser les jeunes

● La pandémie est officiellement reconnue en France : vite, il faut imposer la continuité pédagogique ! Qu’elle se fasse sans concertation, sans état des lieux des possibles des élèves, sans réflexion sur le sens pédagogique et humain, peu importe. L’important est de garder les jeunes au travail.

● Et si les évaluations de travaux ne sont pas possibles pendant le confinement (tout de même, il faut faire montre d’un peu de compassion pour les élèves les plus fragiles), remettons à l’ordre du jour l’évaluation de l’assiduité, et que les orientations parcoursup en dépendent ! Car, selon le ministre – et certain·es collègues, nous le déplorons – pour motiver les élèves, il faut bien maintenir une forme de pression !

● Les vacances de printemps arrivent ? Pas question de laisser les jeunes désoeuvré·es, imaginons les « vacances apprenantes » ! Les élèves ont été trop impacté·es par la continuité pédagogique, dixit le ministre, et il faut leur permettre d’avoir du soutien scolaire à distance… bien que ces mêmes jeunes aient eu déjà des difficultés à suivre à distance, question de logique !
Et quel bilan de ces vacances apprenantes version 1 ? Il n’en est rien dit, et nous devinons aisément pourquoi…

● Le confinement se poursuit, s’étend sur 6, 8, 10 semaines, ce qui conduit à l’annulation des épreuves finales du bac des élèves de Terminale. Mais, « question d’honneur », selon le ministre Blanquer, maintenons l’oral de français pour les Premières ! … pour l’annuler un peu avant sa date prévue, après tellement de souffrance et d’incompréhension formulées par les élèves pendant des semaines !

● Le début de déconfinement ? Vite, qu’on ré-enferme les élèves dans des salles de classes étouffantes, avec masques et distanciation sociale, sans possibilité de jouer ensemble, de manger ensemble, en fragmentant les groupes classes, en bouleversant totalement les repères habituels des élèves. C’est important, semble-t-il, d’être dans des locaux scolaires, « pour réduire les inégalités sociales » (sic!), et c’est bien pratique car cela permettra aux gouvernant·es de ne plus en parler plus tard !

● Et maintenant, voilà qu’apparaissent les « vacances apprenantes » version 2, pour cet été. « Les écoles ouvertes, les écoles ouvertes buissonnières, les colonies de vacances apprenantes et les accueils de loisirs apprenants » : cela donne le vertige, une nouvelle fois, devant tant de dénominations pompeuses, surtout quand on sait qu’à ce jour, le 7 juin, aucun personnel de terrain n’est informé, officiellement, de la possibilité de contribuer à ces vacances apprenantes. Qui donc sera en charge de ces prétendus cours ?


Dresser la jeunesse

Dans tout cela, quels enjeux pédagogiques ? Quels enjeux sociaux ? Quels arguments, documentés, étayés, à part de simples mantras et formules d’autorité, qui ne convainquent que celui qui les prononce et sa suite ?

Pendant un des nombreux comités de rédaction de N’Autre école qui se sont tenus depuis le 16 mars, Catherine Chabrun, toujours très préoccupée par les droits de l’enfant, nous faisait remarquer que les enfants étaient toujours agi·es, toujours objets des décisions des adultes, et cela s’est particulièrement vu dans cette période.
À quel moment laisse-t-on les enfants dire, contester, décider, agir ? ,
À quel moment connaissent-ils/elles cette liberté, ce pouvoir, auxquels nous avons la responsabilité de les former également ?

Il semblerait que ce ne soit pas dans les projets du ministre Blanquer, bien au contraire. Éteindre la parole et l’engagement des jeunes, par la violence ou l’indifférence, dresser les corps et les esprits à accepter toujours plus de contraintes, aujourd’hui sous le prétexte sanitaire, hier sous le prétexte sécuritaire (on se rappellera des 151 jeunes de Mantes laissé·es à genoux des heures durant, en décembre 2018, alors qu’ils et elles manifestaient pour une scolarité digne et juste).

Que signifie cette peur quasi panique du gouvernement face à ces quelques mois « sans école », face à la possibilité que les jeunes ne soient plus entre les quatre murs de la classe, contrôlé·es par les consignes de l’institution, ou encore face à l’éventualité que les jeunes soient dans la rue, à dire leur colère et à énoncer leurs revendications ?
Une peur tellement grande qu’il faille inventer des pseudo-concepts, aussi faciles et absurdes les uns que les autres : vacances apprenantes, nation apprenante, continuité pédagogique, vacances socialement justes…
Une peur tellement grande qu’il faille les soumettre au Service National Universel, sans doute pour mieux dompter leur esprit rebelle.

Mais, sous toute cette agitation stérile ou ces décisions dangereuses, le gouvernement semble oublier – ou vouloir faire oublier – que la justice sociale ne se résume pas à la seule école, à la seule accessibilité à l’éducation, que le sentiment d’appartenance à une nation, s’il en faut, ne se construit pas avec la domestication par le SNU.
Logement pour tous et pour toutes, conditions de vie dignes et égalitaires, sécurité physique et affective, droit à la liberté d’information, d’expression et de participation… où sont les mesures les concernant, sur le long terme ?
Sans justice sociale à tous les niveaux, l’école seule ne saurait suffire, surtout dans les conditions voulues par le ministre Blanquer.

Pour une jeunesse lucide et critique

Heureusement, les jeunes ne sont pas dupes face aux beaux mots lancés par le gouvernement.
Nous avons confiance en leur volonté de se dresser contre une éducation qui veut les contrôler et les museler, qui veut contraindre le développement de leur esprit critique dans les limites de quelques « valeurs » sacralisées et présentées comme incontestables, tout comme la gestion de la crise par le gouvernement.

Ce qui se passe ces derniers jours, avec des manifestations et des rassemblements massifs et déterminés, partout en France et dans le monde, auxquels participent nombre de jeunes, ne peut que nous redonner de l’espoir. De l’espoir et de la confiance en cette jeunesse qui observe et pense le monde, et qui n’hésitera pas, nous le souhaitons, à s’y engager plus fortement encore, contre toutes formes d’oppression et de dressage.

Jacqueline Triguel

0 Comments

  1. JLuc

    Ne jamais lâcher les jeunes… pour les dresser toujours davantage !
    Juste bravo et mille fois merci !

    C’est sous notre nez et pourtant quasi personne ne voit.
    Le sois jeune et tais-toi version masque covid

  2. Jean-Pierre Fournier

    Ne jamais lâcher les jeunes… pour les dresser toujours davantage !
    « Trop sympa » : beaucoup de monde pour Adama et contre les violences policières, des manifestantes (surtout) et des manifestants très jeunes pour la plupart et très tranquilles, de toute l’Ile-de-France (il y a eu d’autres rassemblements à Bordeaux et Lyon notamment).

    Manif’ bloquée place de la République, juste agacée par une banderole identitaire sur le toit d’un immeuble, qui a été décrochée en deux temps : par des habitants de l’immeuble puis par des militants bons grimpeurs.

    Manif’ interdite, apprend-on. Et ensuite « des affrontements entre les manifestants et les forces de l’ordre » : bloquer, exaspérer, provoquer.
    Tout autour, et dans tout l’Est parisien, des dizaines et des dizaines de fourgonnettes, des policiers, CRS, gendarmes tâchant d’être presque aussi nombreux que les manifestants.

    Comment les jeunes présents vivront-ils ce moment ? Ecoeurement, colère à longue portée, prise de conscience de l’antagonisme fondamental entre les « citoyens » et l’État ? Ne parlons pas à leur place, faisons-leur confiance à l’issue de cette après-midi d’éducation civique de ce samedi 13 juin.

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