Les langues-cultures moteurs de démocratie et de développement
Martine Boudet coordination (Paris, Le Croquant, 2019)
Ce livre cherche à penser les langues et les cultures dans un monde traversé par la mondialisation néo-libérale, et en même temps par des aspirations enracinées dans le local. Dans une perspective qui se veut optimiste malgré les obstacles, cet ouvrage interroge le rapport entre les identités culturelles et linguistiques, et un système démocratique où chaque peuple et chacun devrait voir sa place reconnue.
18 chapitres, 18 contributions d’auteurs de diverses origines du Nord et du Sud, ainsi que de disciplines variées – pédagogie inspirée du mouvement Freire et du GFEN, anthropologie culturelle, linguistique du développement, droit…–, avec la participation de la DGLFLF (Délégation de la langue française et des langues de France – Ministère de la Culture). Sont abordées des facettes de cette problématique avec des focalisations diverses et complémentaires. Certains chapitres décrivent et analysent la situation contemporaine des langues-cultures en France et celle qui prévaut ailleurs, dans le monde. J’ai apprécié la mise en opposition du monolinguisme, sorte de religion d’État régnant en France, avec les langues régionales, les français parlés et écrits dans la francophonie. Notre langue s’est nourrie de tous les apports des « patois », des créoles : si le français s’appauvrit, n’est-ce pas par tarissement organisé de ces sources-là ?
En réponse, ce livre propose de nombreuses pistes d’action : j’ai goûté le chapitre sur les forums associatifs des langues qui font la promotion de l’égalité de toutes les langues : « Nous considérons que tout ce qui est parlé par des hommes comme des langues, pour combattre l’idée qu’il existerait des « sous-langues » qui mène toujours à l’idée qu’il existe des « sous-hommes »[[Chapitre 12 « Historique, principes et objectifs du forum associatif des langues » par Claude Sicre, p. 169.]].
L’ouvrage propose aussi des pistes pédagogiques : « Il a fallu quelques siècles pour que l’écriture et la lecture soient perçues comme une nécessité pour tous. Le monde actuel exige à présent que nous prenions conscience de la nécessité pour tous de sortir du monolinguisme. »[[Chapitre 8 « Polyglossie : apprendre et enseigner l’intelligence des langues » par Joëlle Cordesse, p. 113.]] Alors que le monolinguisme incite à la négation d’autrui, les situations multilingues éveillent une curiosité pour toutes les langues et les cultures.
Dans tous les chapitres, on retrouve l’affirmation que les langues ne sont pas de simples véhicules d’informations. Leurs dimensions anthropologiques, culturelles, sociales et intimes sont indispensables à la construction du sens, de la démocratie et d’un développement équilibré. Le néologisme anthropoglossophilie (titre du chapitre 14)[[Chapitre 14 « Pour une éducation et une démocratie inclusives : le paradigme de l’anthropoglossophilie » par Joëlle Cordesse et Silvia Manfredi. p. 197.]] me semble bien résumer, entre autres concepts, le projet ambitieux et humaniste de cet ouvrage.
Martine Boudet (coord.), Les langues-cultures moteurs de démocratie et de développement, éd. du croquant (coll. Documents), 2019, 278 p., 20 €.
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