Par Jean-Pierre Fournier
Un livre pour profs d’histoire, bien sûr, mais pas seulement. Dans cet ouvrage, aux nombreux contributeurs, on verra à quel point la présence des juifs est insuffisamment traitée dans les programmes et les manuels.
Pas totalement certes, et depuis quelques années, le bon roi Saint-Louis (Louis IX) en prend pour son grade, lui qui impose le port de la rouelle jaune sur les vêtements des juifs du royaume. Mais c’est vite dit, et la continuité de l’histoire juive est ignorée.
Mais, dira-ton, et la Shoah ? Et l’Affaire (l’affaire Dreyfus) ? Certes on en parle ; pour le génocide, il a fallu attendre une trentaine d’années après la guerre, surtout pour que les photographies des policiers français faisant le sale boulot des rafles qui ont abouti aux camps de la mort apparaissent dans les livres distribués aux élèves ; pour l’Affaire, c’est souvent rapide (un accident de parcours de la IIIe République) mais c’est fait.
Mais le continuum de cette présence de la seule minorité non-chrétienne durant des siècles , ses apports, les ambiguïtés de son acceptation à partir de la Révolution française*, mériterait mieux ; c’est vrai aussi à l’Université, montrent les auteurs, et, depuis qu’on s’en est – tardivement-occupé, les travaux archéologiques démontrent l’importance d’une présence séculaire.
Ce n’est pas le seul angle mort des programmes d’histoire, et les bonnes âmes diront vite «qu ‘» on n’a pas le temps de parler de tout ». Mais il serait utile, a minima, que les enseignants puissent s’expliquer et expliquer pourquoi la contribution française au génocide a de profondes racines. C’est peut-être le seul angle mort… de cet ouvrage : la formation (initiale et continue surtout) des enseignants n’est pas examinée : elle est pourtant largement insuffisante, sur ce sujet comme sur d’autres, et en se limitant au domaine de l’histoire et des sciences sociales. Des connaissances pouvant nourrir une réflexion personnelle et collective sur les racismes, dans leur profondeur et leur diversité, sont nécessaires et devraient être organisées. Dans le cas précis de l’antisémitisme, ce livre pourra y contribuer.
* le ministre de l’Intérieur Gérard Darmanin a pu sans sourciller prôner dans un ouvrage récent – sur la laïcité…- la mise au pas des juifs par Napoléon comme modèle pour les musulmans d’aujourd’hui.
Sous la dir. de Paul Salmona et Claire Soussen, Les Juifs, une tache aveugle dans le récit national, Albin Michel, 2021, 295 p., 21,90 €.
Sur le site de l’éditeur : https://www.albin-michel.fr/les-juifs-une-tache-aveugle-dans-le-recit-national-9782226459824