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Le pouvoir d agir n’est pas un potentiel à développer mais un déjà là négligé – KroniKs des Robinsons 528 du 8 Octobre 2014 et Graines d’Orties

Nicolas Le Strat, dans son site de réflexion personnelle (« le Commun: http://www.le-commun.fr/ ) , nous met en garde contre cette paradoxale nouvelle passion du secteur social pour « l’empowerment » et le « pouvoir d’agir »:

« Notre puissance à agir n’est pas en attente quelque part, dans les tréfonds ou les bas-fonds de l’institution, comme une réalité établie, simplement rendue silencieuse, simplement masquée à la vue, qui n’attendrait donc que le moment opportun pour se signaler à notre bon vouloir. Ce n’est pas une réalité qui préexisterait, un acquis dont nous disposerions du fait de notre éducation ou de notre ascendance sociale, que les aléas de la vie institutionnelle aurait entravé ou ankylosé, et qui ne demanderait dès lors qu’à revenir à nous à l’occasion d’un regain de vitalité ».

L’idée d’un pouvoir d’agir qu’il soit individuel ou collectif, qu’il reviendrait au travailleur éducatif et social « d’activer », est non seulement un paradoxe (comment activer de l’extérieur un processus intérieur), une contradiction (comment piloter l’autonomie des « usagers »?) , mais une erreur sur le sens même du mot. Il n’y a pas de pouvoir d’agir endormi ou dissimulé, il n’y a que le pouvoir qu’on prend dans un rapport à l’environnement où le besoin de faire rupture s’impose.

Il ne s’agit pas de pinailler sur les mots mais d’y voir clair. Quel est le statut d’un pouvoir d’agir, d’un empowerment qui au fond sert bien davantage une demande et et un désir des institutions pour leurs public? Car, est ce que ce ne sont pas les professionnels, les services, les structures elles mêmes qui affirment le développement de l’empowerment comme leur propre objectif avec si peu de lien avec la réelle demande sociale?

Nous observons, même, suprême déni, que des demandes de dépendance, de soin, d’attention, de dons sont régulièrement refusées, non prises en compte , inaudibles par ces mêmes acteurs et structures, au nom d’un développement d’un tel pouvoir d’agir.

Freinet nous a appris que l’énergie sociale, l’énergie de la mise au travail répond à deux exigences préalables:

– le refus d’une réalité , d’une actualité et d’un environnement inacceptables en l’état , qui supposent « conscientisation » personnelle et professionnelle,

– la création qui en découle d’un « faire communauté » , d’un pouvoir de penser puis de dire « nous », préalable à toute action.

Deux conditions sont donc préalables à tout empowerment: la conscientisation et l’organisation; deux tâches auxquelles s’emploie en effet la Pédagogie Freinet.

En Pédagogie Sociale, dans notre pratique nous mesurons aussi que l’empowerment n’est pas qu’un pouvoir qu’il s’agirait de prendre ou de reprendre , mais bel et bien une énergie (« power »), c’est à dire une puissance.

L’empowerment n’est pas pouvoir; mais il n’est pas davantage compétence. Car nous n’avons pas besoin de plus de compétences, de toutes ces compétences que les politiques sociales voudraient nous faire acquérir, tous azimuts: compétences parentales, éducatives, professionnelles, de mobilité sociale. Ce ne sont pas nos compétences qui font défaut, mais l’énergie pour les déployer.

Dans la pédagogie que nous développons, au jour le jour, nous prenons bel et bien une telle puissance comme objectif. Ce qu’il s’agit de cultiver par les activités d’expression, par nos activités d’organisation, c’est de l’énergie: énergie sociale, énergie enfantine, énergie populaire; cette même énergie qui fait pénurie et dont le défaut fait la panne.

En réalité le pouvoir d’agir est déjà là; mais nous ne le regardons pas. Organisations, réseaux de socialité et de solidarité parallèles; économie non officielle; création et inventivité culturelles: la plupart des situations sociales que nous présentons comme des problèmes, que nos institutions se donnent comme objectif d’abolir, sont déjà des solutions, des constructions, du pouvoir d’agir en actes (Hugues Bazin).

Une véritable pédagogie devrait s’appliquer , non pas à discréditer et dénier les modes d’organisation spontanées, mais au contraire à s’appuyer sur eux, pour développer conscience et théorisation, savoirs et pratiques autour de ces expériences vivantes.

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Le pouvoir d’agir n’est pas un potentiel à développer mais un « déjà là » négligé

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