Ce lundi au travail, on discute évidemment de la canicule mais un autre sujet tourne en salle des personnels : celui des inscriptions au lycée.
Stress de fin d’année
« Les affectation au lycée et transmise aux enfants vers 16h, vendredi 27 juin, commence à explique Cécile, la collègue professeure d’EPS dans l’école. Dans certains établissements, les dossiers étaient à retirer entre 16h et 20h le jour même ». Après le stress du brevet, l’angoisse liée aux résultats d’affectation et l’urgence pour récupérer les dossiers d’inscription, le vendredi après-midi des parents d’élèves de troisième aura été stressante.
Toutefois, la pression administrative n’est pas terminée. Pour beaucoup, il fallait dans le week-end commencer l’inscription en ligne. « Ça, c’était en théorie car le site du rectorat buguait et cela n’a pas été possible avant le dimanche soir à minuit ». Bien souvent, il faut ensuite apporter ce formulaire pré-rempli, ainsi qu’une importante quantité de photocopies (carnet de santé, livrets scolaires, attestation de la CAF,…) lors d’une inscription physique dans le lycée les jours suivants. « Pour certains, ce rendez-vous était à partir de 8h30 le lundi 3 juin, explique Cécile. Il y a des familles qui ont eu donc 8 heures entre minuit et 8h du matin pour faire l’inscription en ligne, imprimer les documents et les apporter à l’établissement ».
Violence administrative, violence de classe
« Moi, je savais vendredi soir que j’avais une partie de mon week-end qui était consacrée à ça. J’ai un ordinateur, une imprimante et je sais lire des papiers administratifs un petit peu tordu, enchaîne Jeanne dont le fils passe lui aussi en seconde. Je me mets à la place de certaines familles de nombreuses familles notamment dans le 19e. Je pense que c’est compliqué et très stressant »
L’aisance à naviguer dans la paperasse administrative et à savoir l’utiliser à son avantage, est en effet une compétence située socialement. Comme le souligne Jeanne, il s’agit non seulement de comprendre les démarches, mais aussi d’être capable de jongler entre le numérique et le papier. La numérisation des procédures n’a en effet manifestement pas simplifié grand-chose, bien au contraire (à titre d’exemple, après avoir vanter les mérites de la numérisation des livrets scolaires, on demande toutefois systématiquement leur impression). Ses inscriptions peuvent être en soi une violence symbolique pour les familles populaires, qui n’est que décuplée par le manque d’accompagnement et de temps pour accomplir les démarches.
Inscription ou sélection ?
Les familles ont eu un week-end pour préparer leur dossier puisque la semaine suivante, elles étaient convoquées pour les inscriptions au lycée. Souvent, les parents sont convoqués sur une tranche de 30 minutes au beau milieu de la journée et aucune considération n’est faite quant aux capacités pour elleux de s’y rendre. Au contraire, plusieurs lycées précisent que ne pas si les parents ne se présentent pas au rendez-vous les enfants risquent de perdre leur place. « Si on ne vient pas sur le créneau qui nous a été attribué, explique Cécile, notre enfant perd sa faire sa place dans le lycée dans lequel il a été affecté et repasse avec ceux qui n’ont pas eu d’affectation. Et, il aura une affectation en fonction des places qui restent ».
« A partir du 4 juillet, ils vont coller ceux qui n’avaient pas de place au premier mouvement parce qu’ils n’ont pas eu les vœux qu’ils avaient choisis. Il y a donc aussi tous ceux et celles qui ne sont pas venus en temps et en heure au créneau d’inscription qui leur avait été alloué. Souvent, ces enfants sont affectés de l’autre côté de Paris, notamment dans des lycées près des portes [plus populaires et moins réputés] ».
L’inscription au lycée, après les diverses étapes de l’orientation des collègien·nes et d’Affelnet (le logiciel des affectations à Paris), s’avère donc une véritable épreuve de sélection. Avec Jeanne et Cécile, nous sommes d’accord sur le fait que nous ne comprenons pas pourquoi les affectations et les inscriptions sont si tardives. “Affelnet, on l’a rempli en mai. Ensuite, c’est un algorithme !” s’insurge Cécile. « Les lycées sont vides à ce moment-là de l’année, ils pourraient créer de meilleurs conditions pour accueillir les parents » observe quant à elle Jeanne.
Ces conditions d’inscription violentes envoient un message de mépris pour les parents d’élèves et semblent s’ajouter aux différentes magouilles des lycées parisiens pour éviter la mixité sociale et continuer de sélectionner leurs élèves.
Arthur Serret, avec le témoigne de Jeanne et Cécile (qui ont été anonymisées dans cet article)