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L’Éducation nationale s’est arrêtée, mais…

L’école s’est arrêtée, violemment stoppée par l’épidémie du COVID-19. C’est inédit et le mouvement de contestation des réformes Blanquer, aussi virale fut-il, n’y est pour pas grand chose.

Les atermoiements du gouvernement et les contradictions entre le discours présidentiel et les mesures prises pour assurer la continuité pédagogique prouvent que dans cet arrêt, le gouvernement semble viser d’autres enjeux que la seule restriction épidémique. Concomitamment à la fermeture des écoles, collèges et universités, la cour des comptes sort ses préconisations sur la réforme du statut des enseignants qui sont toutes favorables au projet du ministre Blanquer. Les Enseignants et les élèves confinés à la maison sont invités au nom de la continuité pédagogique à expérimenter “in vivo” la visio-conférence, le télétravail, les exercices en ligne ou le visionnage des cours du CNED, sur des sites dont l’insuffisance de la bande passante promet plus de bug que de plug… Au delà du problème technique auquel de nombreux prestataires de services privés s’empresseront de trouver une solution et, au delà du discours rassurant adressé aux parents, comment ne pas voir dans ce dispositif d’urgence une aubaine pour Blanquer de faire appliquer de façon expérimentale une partie de son projet de réforme de l’école. Une expérimentation d’autant plus facile à imposer qu’elle n’est pas discutée, et, qu’elle fait fi de par sa dématérialisation de toute contestation pratique de ses exécutants. Bien sur, elle pose pédagogiquement une foultitude de problèmes, de l’évaluation des progrès à l’interaction entre l’enseignant et l’élève. Autant de problèmes inhérents à l’enseignement que la dynamique d’un groupe classe, en activité et bien accompagnée, peut résoudre.
Mais qu’importe puisque de fait, le projet conservateur et libéral du ministère est en partie réalisé : le cours en ligne c’est à moyen terme, une économie potentielle d’enseignants, une dématérialisation des moyens, le formatage et la standardisation du contenu d’un côté, et la diffusion individuée et consommatrice de l’élève de l’autre (bientôt mercantile ?). Il y a bien aussi une pincée de démagogie vis à vis d’une parentèle débordée en mal d’activités pour leur progéniture, à entretenir la confusion entre la transmission d’infos, l’exécution de tache, l’évaluation d’une part, et l’éducation et l’apprentissage de l’autre…

Naomi Klein commençait son livre, la Stratégie du choc, par une analyse sur la façon dont l’administration Bush en 2005 avait profité de la reconstruction de la Nouvelle Orléans suite à l’ouragan Katerina, pour virer les pauvres de leurs maisons et pour privatiser les système scolaire de l’état de Louisiane. Elle en tirait la conclusion que la gestion de catastrophes, de crises sociales, environnementales ou économiques aux profits d’intérêts privés est le mode ultime de gouvernance dans le capitalisme mondialisé. Chaque crise est l’occasion pour les dominants d’imposer dans le désordre qui en résulte, sa stratégie et son mode d’organisation.
Une épidémie de décisions politiques cherche déjà à donner ici et là du sens à cette crise sanitaire. Les gouvernements en place feignent d’organiser les effets à défaut de l’avoir prévu la catastrophe : les nationalistes parlent de retour aux frontières, les impérialistes parlent de brevet exclusif sur le vaccin et les libéraux cherchent déjà à contrecarrer la récession qui s’annonce.
En France, malgré des promesses non tenues, malgré une pénurie de moyen fautive, malgré des décisions contradictoires, beaucoup d’entre nous espèrent que ce gouvernement, qui voulait il y a encore quelques semaines, la peau du service public et de l’hôpital public, saura prendre enfin les meilleures décisions pour le bien du plus grand nombre…
Après l’épidémie, il restera comptable d’un bilan sanitaire désastreux. Des remises en cause politiques seront formulées. Malgré les contre-feux idéologiques diffusés quotidiennement dans les media de grande audience, une conscience mondiale qui s’exprime sur les réseaux sociaux, demandera des comptes aux états, d’une façon ou d’une autre.

Le texte de une conservé ci-dessous peut paraitre en ce moment de quasi état d’urgence, décalé ou historiquement obsolète. Pourtant son appel reste d’actualité. . Malgré la torpeur et la sidération actuelle, une guerre d’empires se profilant déjà, nous devons nous préparer à défendre un autre futur possible pour l’humanité, la faune et la flore de cette planète.

En 1953, le gouvernement Laniel élabore une réforme des retraites des fonctionnaires : l’âge de départ serait reculé de 2 ans (passant de 65 à 67 ans), et une partie des catégories actives, qui partent plus tôt, seraient alignées sur les sédentaires. Le gouvernement décide de faire passer sa retraite sans vote, par décrets-lois, et en aout, pendant les vacances scolaires, pour neutraliser les enseignant-e-s.

Le 4 août 1953, les syndicats de la fonction publique appellent à une grève de protestation, limitée à une heure. À Bordeaux, les postiers décident la prolongation de ce mouvement en grève illimitée. Dès le 5 août la grève se généralise dans les PTT, et, malgré les réquisitions, gagne peu à peu l’ensemble des services publics : arrêt des trains, des télécommunications, de l’enlèvement des ordures ménagères, etc. Le 7, on compte 2 millions de grévistes.

Le gouvernement s’obstine et publie les décrets-lois le 10 aout. Mais la grève s’étend : le 13 aout, malgré des désaccords entre directions syndicales, on compte 4 millions de grévistes, et le pays reste bloqué jusqu’au 25 aout. Le gouvernement décide alors de n’appliquer ni les décrets-lois ni les sanctions contre les grévistes.

Aujourd’hui, le gouvernement s’attaque une nouvelle fois aux retraites et dans la foulée entreprend une démolition systématique des acquis sociaux de décennies de luttes, une déstructuration des services publics et de la fonction publique à travers des privatisations et un développement exponentiel des emplois précaires.

L’Education nationale est visée par les mesures générales et par une série de réformes imposées, de la maternelle à l’université, contre l’avis de la majorité des personnels, de l’individualisation des parcours des élèves soumis à une concurrence de plus en plus forte à la soumission de l’enseignement professionnel aux intérêts des entreprises ou à la déstructuration des baccalauréats.

Après trois mois de lutte, depuis le 5 décembre, Macron reste « droit dans ses bottes », manie la répression et impose sans vote sa réforme des retraites.

Et si, au soir de la prochaine journée de grève intersyndicale, le 31 mars, à l’instar des postiers de 53, nous décidions dans nos assemblées générales que l’Éducation nationale s’arrête ?

Nos collègues des universités, avec l’intersyndicale du Supérieur et la coordination nationale, ont déjà choisi ce mot d’ordre, en proclamant : « L’université s’arrête à compter du 5 décembre » ; la grève a été un succès le 5 décembre mais on ne peut pas dire encore ce que va donner la suite.

Ne soyons en effet pas naïfs et naïves : ce n’est pas parce qu’on a un beau mot d’ordre que tout va immédiatement s’arrêter. La division syndicale actuelle est un frein à la mobilisation, la vigueur des attaques décourage certain-e-s.

Mais si nous nous donnions dès maintenant cette perspective, si nous mettions tout en œuvre d’ici le 31 mars pour mobiliser avec cet objectif, en se préparant dans les écoles, les établissements, les services, en tenant des réunions ou des hmi, auxquelles on peut inviter des syndicalistes, en planifiant ce que sera concrètement la suite du 31 (quelle forme de grève -en réglant par exemple la question de l’arrêt Omont-, quels blocages, quelles relations avec les élèves quand ce sont des lycéen-ne-s) , en commençant à constituer du matériel (banderoles, futurs tracts aux parents, etc.), en organisant des réseaux d’écoles ou d’établissements par secteur pour savoir ce que font les autres, en constituant de manière anticipée des caisses de grève locales, en tenant des réunions d’information pour les parents, … Bref, en faisant en sorte que le 31 on ait (re)constitué des collectifs militants prêts à fonctionner, et notamment à envoyer des délégué-e-s mandaté-e-s dans les AG départementales.

Nous aurions ainsi une chance d’engager une dynamique qui ouvre enfin l’espoir de mettre un coup d’arrêt à la politique destructrice des solidarités menée par Macron et ses affidés.

1 Comment

  1. François

    Correctif pour l’article “L’Éducation nationale s’est arrêtée, mais…”
    L’ouragan Katrina a détruit des quartiers entiers de la Nouvelle-Orléans, pas de Saint-Louis. Détail géographique factuel

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