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De Ceuta à nos salles de classe

Jeudi dernier, nous (un groupe de jeunes migrants, récemment arrivés, avec leur prof’) entrons dans cette école élémentaire. Le directeur  : « Je vous accueille car c’est une des fonctions de l’école. C’est encore plus évident dans ce quartier composé pour l’essentiel d’immigrés ou de descendants d’immigrés. » Les jeunes sont visiblement satisfaits, sans être surpris : l’un d’eux suit des cours offerts par le lycée proche les mercredis après-midi, sous l’impulsion d’un enseignante et avec l’appui de tous : enseignants, élèves, tous les personnels jusqu’au chef d’établissement.

Au-delà de ce moment d’accueil ou de ce lycée d’exception, il y a ces beaux dispositifs pédagogiques que sont les UPE2A, qui sont plus que des classes d’accueil : des lieux d’une richesse méconnue (malgré La Cour de Babel, à visionner!) ; on en oublierait presque leur stupide dénomination.

Il y a aussi le travail méconnu des enseignants de lycée professionnel où se retrouvent nombre de ces élèves. C’est un échange solidaire sain : motivation intense contre implication professionnelle accrue.

Heureusement qu’il y a ces lumières. Car sinon, la situation s’assombrit : refus de titres étudiants au contraire à des usages longtemps fréquents, dans plusieurs départements ; difficultés accrues pour l’apprentissage ; maintien des pratiques de la mal-nommée Aide sociale à l’enfance : sélection des jeunes pris en charge et méfiance systématique, manque de suivi que les confinements n’ont pas créé mais révélé à un plus large public. Aujourd’hui, avec la quasi-impossibilité de prendre rendez-vous dans nombre de préfectures, la fermeture xénophobe connaît, à l’occasion du Covid, un nouvel outil.

Cette fermeture s’appuie sur les politiques qui se disputent pour remporter la palme de l’exclusion (Darmanin reprochant à Le Pen d’être trop soft…), surfant sur le fait que deux tiers de personnes interrogées jugent qu’il y a trop d’étrangers en France. Dans l’aveuglement.

Car la force de la pulsion migratoire est indéniable: les politiciens qui laissent mourir en mer et tentent d’expulser ne parviendront pas à faire mentir Aminata Traoré : on n’arrête pas la mer avec les doigts.

On connaît la multiplicité de ses causes : en dehors des conflits, l’absence de perspective : pas assez de ressources ni de travail, pas d’avenir collectif pensable pour la plupart, omniprésence du rêve européen, que la présence des portables rend tellement tentant.

On voit aussi l’énergie des individus : l’épisode de Ceuta l’a récemment démontré s’il en était besoin, les risques vitaux tentés tout le long de l’année par ceux qui traversent la Méditerranée le confirment.

Ici aussi, aux côtés de ces migrants, nous sommes tenaces : une défense juridique pied à pied s’organise et donne des fruits, les maraudeurs de la montagne autour de Briançon provoquent l’admiration (et des procès à leur encontre), les jeunes rencontrent la solidarité d’hébergeurs bénévoles, de militants et bénévoles de touts obédiences ou sans étiquette, de soutiens imprévus et déterminés (ces boulangers se mettant en grève de la faim pour la régularisation de leurs apprentis)… et, tous les jours, d’enseignants. Et des jeunes commencent à s’organiser eux-mêmes ici ou là.

On continue !

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