Malgré les dénégations ministérielles, les établissements scolaires sont confrontés à la reprise active de l’épidémie de coronavirus sur le territoire. Le protocole sanitaire national, déjà insuffisamment protecteur pour les élèves et personnels, se heurte souvent aux réalités matérielles des établissements. La gestion locale au cas par cas des contaminations ajoute à la confusion. Face à cette mise en danger, les personnels peuvent et doivent réagir en utilisant leurs droits d’alerte et de retrait. Les établissements sont nos lieux de travail, le MEN comme tout employeur doit garantir la sécurité de ses personnels comme du public accueilli !
Lien pour consulter la fiche alerte : [ http://www.cnt-so.org/IMG/pdf/fiche_alerte_retrait_education_maj_septembre_20-1.pdf
->http://www.cnt-so.org/IMG/pdf/fiche_alerte_retrait_education_maj_septembre_20-1.pdf]
SIGNALER/ALERTER
Les personnels doivent disposer dans chaque service ou établissement d’outils de signalement des dysfonctionnements/dangers qui peuvent affecter leurs conditions de travail, menacer leur sécurité ou celle des usagers.ères.
Registre de santé et de sécurité au travail qui doit être mis à disposition des agent·e·s dans chaque service (un exemplaire doit être aussi accessible au public). Tout avis figurant sur ce registre doit être daté et signé et comporter : l’indication des postes de travail concernés, la nature du dysfonctionnement, du danger et sa cause, le nom de la ou des personnes exposées, les mesures prises par le chef de service pour y remédier.
Registre de signalement d’un danger grave et imminent tenu par le chef de service.
(Si toutefois ces registres ne sont pas disponibles dans les établissements, les fiches correspondantes se trouvent sur Internet, consultez notamment les pages SHCT académiques)
Les personnels peuvent utiliser ces registres pour effectuer une première « alerte » à la hiérarchie sans forcement se retirer de la situation de travail (cas suivant).
LE DROIT DE RETRAIT
Comme les salarié·e·s du secteur privé, les agents publics disposent aussi individuellement du droit de retrait. Les textes réglementaires (voir les sources) sont la transposition des protections prévues dans le code du travail.
CONCRÈTEMENT COMMENT CELA SE PASSE-T-IL ?
Le droit de retrait s’exerce si un·e agent·e a un motif raisonnable de penser que sa situation de travail présente un danger grave et imminent pour sa vie ou pour sa santé ou s’il constate une défectuosité dans les systèmes de protection.
Le danger grave se caractérise par un risque d’accident ou de maladie entraînant la mort ou paraissant devoir entraîner une incapacité permanente ou temporaire prolongée. Le danger imminent se caractérise par le fait qu’il peut se réaliser brutalement dans un délai rapproché. En cas de doute demandez au syndicat !
L’agent·e alerte immédiatement son supérieur hiérarchique et se retire de la situation de danger. Attention, le droit de retrait ne doit pas créer pour autrui une nouvelle situation de danger grave et imminent (collègues et usager·ère·s).
Nous conseillons de faire cette alerte par écrit et de préférence en utilisant les documents mis à disposition des personnels (voir « signaler/alerter »).
A noter que l’agent·e peut aussi saisir un·e représentant·e au CHSCT compétent.
Un·e représentant·e qui constate une cause de danger grave et imminent peut aussi lancer une alerte sans avoir été saisi par un agent.
A la suite de l’alerte, l’autorité administrative doit procéder immédiatement à une enquête et informer le CHSCT compétent. En cas de divergence sur la réalité du danger ou la façon de le faire cesser, le CHSCT est réuni dans les 24 heures. L’inspecteur du travail est informé de cette réunion et peut y assister. L’administration décide des mesures à prendre après avis du CHSCT. En cas de désaccord entre l’administration et le CHSCT, l’inspecteur du travail est obligatoirement saisi.
L’administration ne peut pas demander à un agent de reprendre son poste si un danger grave et imminent persiste.
Aucune sanction ne peut être prise, aucune retenue de rémunération ne peut être effectuée à l’encontre d’agents qui se sont retirés d’une situation de travail dont ils avaient un motif raisonnable de penser qu’elle présentait un danger grave et imminent pour leur vie ou pour leur santé.
! Attention, la notion de “danger grave et imminent” peut être jugée subjective et ne pas être reconnue par l’administration ! Dans ce cas l’employeur ne peut vous imposer le retour au travail qu’avec un ordre écrit et nominatif.
Un recours jugé abusif par l’administration peut éventuellement donner lieu à un retrait de salaire ou une sanction. Nous vous conseillons alors de vous rapprocher du syndicat pour étudier une contestation administrative.
ET POUR LA COVID-19, LE DROIT DE RETRAIT EST-IL-POSSIBLE ?
Le cas des personnels à risque
Depuis le 01er septembre, la protection des personnes vulnérables (réduction de 11 à 4 des critères de vulnérabilité) et de leur entourage (plus pris en compte) est considérablement réduite ! Voir notre dossier.
Les agents présentant une des quatre pathologies mentionnées à l’article 2 du décret du 29/08/20 sont soit placés en télétravail lorsqu’il est possible, ou placés en autorisation spéciale d’absence (ASA) sur la base d’un certificat d’isolement délivré par un médecin.
Pour les autres agents présentant l’un des facteurs de vulnérabilité rappelés précédemment dans l’avis du Haut Conseil de santé publique du 19 juin 2020, la circulaire préconise le télétravail lorsqu’il est possible. Lorsqu’il n’est pas possible ou si la reprise en présentielle est imposée par le chef de service, des conditions d’emploi aménagées, sont préconisées. Consultez le syndicat pour évaluer si le droit de retrait peut être évoqué dans ces situations.
– La CNT-SO revendique : le maintien des critères précédents avec le maintien des ASA ou le placement en télétravail de droit pour les agents concernés.
Cas général
Fidèle à la ligne de Jean-Michel Blanquer, le ministère indique dans sa Foire aux questions COVID-19 que : « dans la mesure où le ministère de l’Éducation nationale,de la Jeunesse et des Sports a adopté, tant dans les services que dans les écoles et établissements scolaires, les mesures destinées à assurer la sécurité et préserver la santé de ses personnels en mettant en œuvre les prescriptions des autorités sanitaires, le droit de retrait ne devrait pas trouver à s’exercer ».
Ce n’est pas au ministère d’en juger mais aux agent.e.s, un protocole national ne présage en rien des problématiques rencontrées localement. Ceci d’autant plus que le protocole sanitaire actuel comporte de nombreuses failles et insuffisances (voir nos analyses).
Par nature notre travail se fait au contact avec le public et les établissements scolaires sont des « lieux de regroupements massifs » ou le « risque de transmission est important » (avis du conseil scientifique du 20 avril). L’exposition au risque de contamination au coronavirus est bien réel et peut caractériser un “danger grave et imminent” :
en l’absence de stratégie de prévention des risques sanitaires et de « protection collective » adaptée à l’établissement qui devrait être matérialisée par une transcription dans le DUERP (Voir encadré) et la consultation des CHS dans le 2nd degré ;
en l’absence, insuffisance ou défaillance des protections individuelles (masques, gel, savon…) ;
si les règles de prévention et de sécurité ne peuvent pas être respectées (absence ou dysfonctionnement des sanitaires et point d’eau pour se laver les mains, freins aux gestes barrières, mauvaise aération des locaux, absence de désinfections régulières…).
Rappelons que la première victime française de l’épidémie était un collègue enseignant exerçant dans un collège de Crépy en Valois, notre santé ne doit pas être prise à la légère ! Dans ce cadre, les agent·e·s mis·e·s en danger (voir critères plus haut) ont la légitimité pour exercer leur droit d’alerte et de retrait.
En cas de doute, demandez conseil au syndicat.
En cas de conflit avec la hiérarchie, des préavis de grève déposés par les organisations syndicales représentatives couvrent toute la période et permettent d’engager un rapport de force collectif pour notre santé et sécurité.
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Le DUERP et la prévention dans les établissements
Les préconisations nationales de prévention COVID-19 doivent être adaptées dans les établissements notamment à travers le document unique de prévention des risques (DUERP).
En effet, chaque établissement doit établir et réactualiser annuellement le DUERP sous supervision des directions/chefs de service et en concertation avec les personnels ou leurs représentant·e·s (dans le secondaire le pilotage peut se faire par le CHS).
Mais celui-ci doit aussi être réactualisé :
Lors « d’aménagements importants modifiants les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail ».
« Lorsqu’une information supplémentaire intéressant l’évaluation d’un risque dans une unité de travail est recueillie
Cela doit être le cas avec les réorganisations et les nouveaux risques liés à la pandémie. La circulaire B9 n°10 MTSF1013277C de 2010 précise d’ailleurs le cas de « pandémie grippale ».
Attention il ne s’agit pas de faire un copier/coller des préconisations nationales ! Comme au printemps, nous invitons les personnels et les équipes syndicales à se saisir de cette procédure de manière pointilleuse dans chaque établissement. Au regard du nouveau protocole de rentrée, il convient d’identifier tous les éléments (locaux, organisation du travail et fonctionnement général de d’établissement…) faisant courir un « risque » d’exposition au « danger ». En cas de désaccords, nous invitons à saisir immédiatement le CHSCT compétent.
Attention l’absence de document comme sa rédaction peuvent avoir des incidences juridiques en cas de préjudice subi par les agent.e.s (voir encadré sur la responsabilité de la hiérarchie).
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Bon à savoir : les responsabilités de la hiérarchie
Dans la Fonction publique d’État : « les chefs de service sont chargés, dans la limite de leurs attributions et dans le cadre des délégations qui leur sont consenties, de veiller à la sécurité et à la protection de la santé des agents placés sous leur autorité ». (art 3 décret 82-453)
Dans la Fonction publique territoriale : « Les autorités territoriales sont chargées de veiller à la sécurité et à la protection de la santé des agents placés sous leur autorité » (art 2 décret 85-603).
A ce titre l’évaluation et la prévention des risques relèvent des obligations de notre hiérarchie comme pour un employeur classique. Voir les neuf principes généraux de prévention définis à l’article L4121-2 du code du travail.
Cette responsabilité peut avoir des conséquences juridiques en cas de préjudice subi par les agent·e·s ! Il sera utile de le rappeler en cas d’autoritarisme de la hiérarchie locale qui refuserait de prendre en compte les alertes des personnels sur les conditions dégradées d’exercice et les dangers liés à la pandémie de COVID-19.
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Sources :
– Fonction publique d’État : Décret n°82-453 du 28 mai 1982 relatif à l’hygiène et à la sécurité du travail ainsi qu’à la prévention médicale dans la fonction publique.
– Fonction publique territoriale : Décret n°85-603 du 10 juin 1985 relatif à l’hygiène et à la sécurité du travail ainsi qu’à la médecine professionnelle et préventive dans la fonction publique territoriale.
– Code du Travail quatrième partie livre Ier à V
– Guide du ministère de la fonction publique « les règles applicables en matière de santé et de sécurité » .
– Guide juridique DGAFP :« Application du décret n°82-453 du 28 mai 1982 modifié relatif à l’hygiène et à la sécurité du travail, ainsi qu’à la prévention médicale dans la fonction publique ».