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2 Compte rendus contradictoires de l’Atelier 20 – Subvertir (avec) les nouvelles technologies éducatives (Tice) ?

Le stage est aussi un moment de confrontations et de débats, un exemple avec ces 2 compte rendus du même atelier et qui pourtant ne nous transmettent pas la même expérience, l’idée de proposer ces deux textes en face à face et d’essayer de faire progresser les échanges et… la subversion (Ndlr) Compte rendu 1 Introduction de l’atelier Les différents documents et vidéos sont rassemblés ici http://www.scoop.it/t/videos-by-florentpasquier?page=1 Projection d’un TedX « le trou dans le mur » (relayé par le Centre de Réflexion pour une Education Authentique, animée par Jean-Pierre Lepri) : dans un bidonville, un ordinateur est installé. Les enfants apprennent rapidment, ensemble et sans personne, à utiliser l’interface et l’outil de navigation. Cette expérience renvoie à une autre, évoquée par un stagiaire, en Ethiopie où les enfants s’approprient l’outil informatique mais sont laissés à eux-mêmes et ne peuvent donc prendre le recul critique nécessaire de leur utilisation. Démarche de l’atelier -exposé de Florent Pasquier (maître de conférence et formateur à l’ESPE de l’Académie de Paris) sur les ressources et les différentes approches de l’outil numérique -tour de table pour se présenter et exprimer ses attentes quant à l’atelier -table-ronde sur les expériences à partager ensemble Cette démarche est intérrogée par l’un des stagiaire: compte-tenu du peu de temps que l’on a, ne serait-ce pas plus intéressant de commencer par les attentes et questions de chacun? Cette proposition n’est pas retenue. Exposé 1.Projection de la vidéo « Did you know? » Avec le numérique, on constate une accélération du temps, des échanges, des « progrès » technologiques. Ces constats peuvent être questionnés par un autre: toutes les 6 secondes, un enfant meurt de faim dans le monde alors qu’1/3 de la nourriture produite à l’échelle de la planète est jeté. Il convient alors d’avoir une réflexion sur le contexte dans lequel les TIC prennent place. 2.Projection d’une video au sujet des « Serious Game » à destination des écoles Exemple d’un jeu sérieux pour apprendre aux enfants à recycler. Il s’agit alors d’utiliser un outil ludique (DVD-rom) pour faire passer un message et des habitudes sans s’interroger sur le message lui-même. C’est cette orientation que l’EN a prise aujourd’hui sans que l’on ne la remette davantage en question. 3.PREAO de Florent Pasquier: Présentation par Florent Pasquier Bref rappel historique d’Internet (depuis l’imaginaire des écrivains tels Jules Verne, N. Tesla jusqu’à aujourd’hui, en passant par les utilisation militaires), Les caractéristiques d’Internet : omniscient, omniprésent et omnipotent, universel, interactif, c’est le Dieu des temps modernes. Yahoo est le nouveau Yavhé. Mise en place d’outils et logiciels (start up mais aussi logiciels libres – framasoft, open office…-), sites d’information, sites militants… (lesmotsontunsens.com, conterinfo.info, bahchich.info, mediapart.fr, bellaciao.org, rue89.com, agoravox.fr, marianne2.fr, solidarites.soutiens.org, jeneveuxplusrentrerchezmoi.fr, unefrun.com, indiscipline.fr, operation-escargot-electronique.net/ referendum-servicespublics.com, appeldesappels.org, affordance.info, sauvonslarecherche.fr sauvonsluniversite.com…), Utilisation des outils tels les blogs, Facebook, Twitter, Googlegroups, Google+ de façon subversive car ils permettent de diffuser des messages différents des positions de nos hiérarchie, avec au moins autant d’impact, voir plus. Les pétitions en ligne fonctionnent de plus en plus; possibilité de faire des enquêtes via l’envoi de questionnaires anonymes. Problème du traçage et fichage que permet Internet. Par exemple, Google conserve toutes nos données. Cela pose la question du droit d’auteur qui ne fonctionne que dans un sens. Pour se rendre compte de ce traçage, des serveurs proposent des tests qui réalisent une synthèse de toutes les données disponibles nous concernant à partir de notre utilisation d’Internet. 4.Projection « la poutre de Bamako » Dans une école, une enseignante a laissé ses élèves travailler seuls en salle informatique à partir d’une activité. Mais dans le cadre de leurs recherches, les élèves sont tombés sur des images pornographiques qui les ont choqués: problème du « défaut de surveillance ». 5.Projection d’extraits d’images de journaux télévisés concernant le permis Internet, code de bonne conduite délivré aux élèves Tour de Table: questions et reflexions… – Faut-il utiliser les TICE avec les élèves et comment peut-on les utiliser? – Recherches de réponses techniques pour geek et non-geek – La question des logiciels libres et de leur pénétration difficile dans le cadre de l’EN: résistance forte, parfois même des enseignants. La question de la manne financière que l’EN représente pour les entreprises informatiques – Réflexion à partir de celles de Bernard Stiegler – Comment enseigner aux élèves une approche critique d’Internet? Quelle éducation à Internet? Comment s’approprier puis subvertir? – Problème des Environnements Numériques de Travail et du fichage qu’ils impliquent: surveillance des élèves, des enseignants. Il y a des discours clairs des entreprises, comme Sopraconsulting. – Quelle pédagogie est induite avec les Tabeaux Numériques Iinteractifs ? Avec les Cours Massifs En Ligne ? – Quel accompagnement et formation des enseignants? – Le problème des inégalités des familles dans l’accès à Internet. – Le « copier-coller » et l’absence de jugement critique ? Problèmes sanitaires et d’interface homme-machine : quels effets sur la concentration et la santé ? Le temps a été trop court, et une suite pour les échanges serait souhaitable ! Bérangère Lareynie et Florent Pasquier Ressources – film court : « did you know » http://www.youtube.com/watch?v=YmwwrGV_aiE – exposé le trou dans le mur : http://www.ted.com/talks/lang/fr/sugata_mitra_shows_how_kids_teach_themselves.html – Centre de Réflexion pour une Education Authentique (CREA) : www.education-authentique.org – www.lefigaro.fr/actualite-france/2013/12/12/01016-20131212ARTFIG00438-un-permis-internet-pour-les-enfants-de-cm2.php -Bernard Stiegler (suggestion de participant) – « Learn to play », « Ecole 42 » (école de Xavier Niel) proposés par l’animateur comme réflexion autour d’une pédagogie axée sur les TICE -l’école sans écran en Californie, proposé par un stagiaire -Michel Desmurget (chercheur en neuro-sciences): pose la question des dangers des écrans sur le développement cognitif -Vincent Berry pose la question des apprentissages possibles avec le numérique (proposé par un stagiaire) Compte rendu 2 Atelier 20 « Subvertir (avec) les Nouvelles Technologies Éducatives (Tice) » Ah, le titre de l’atelier, ce n’est pas tout à fait ça, nous explique notre charmant intervenant, formateur à l’ESPE Paris, pour « subvertir », on lui a un peu forcé la main […]. Je me dis que j’aurais mieux fait d’aller à l’atelier « La parole en classe, vecteur de pensée collective et individuelle », comme je l’avais prévu. Mais bon, maintenant que je suis là, voyons ce qui va advenir. Petit film d’intro, classique, je l’ai déjà vu lors d’une conférence sur le droit à l’Éducation, il était présenté par un monsieur d’une start-up venu nous vanter les merveilles du numérique à l’école. Donc, le film s’appelle « le trou dans le mur ». On y voit comment un ordinateur dans un mur attire des enfants de bidonvilles indiens, comment ils apprennent seuls à s’en servir et retiennent même 200 mots d’anglais. Idyllique. Ensuite un film avec des textes en gros caractères avec plein de chiffres d’autant plus flippants qu’ils étaient énormes, ultra convaincant et baignant dans une musique genre faune extraordinaire des grandes profondeurs. Comment il y a plus de diplômés du supérieur en Inde que de petits enfants aux États Unis et comment le monde change tellement vite et les données sont transférées à une vitesse exponentielle. « Did you know ?», ça s’appelle. Je n’ai pas tout écouté parce que je commençais à être énervée. J’ai lancé : oui, on a compris, soit on s’y met soit on crève. L’intervenant n’a rien dit, il devait commencer à trouver que ça sentait le roussi, d’autant qu’à côté de moi un participant arrivé peu après le début trépignait de façon de moins en moins discrète. « On pourrait commencer par dire nos attentes, c’est un peu le principe du stage, c’est plus coopératif. » a dit ce participant bouillonnant. J’ai dit que je préférais voir d’abord où se situait notre intervenant. C’est que je commençais à en avoir une petite idée et que j’avais hâte de le voir dérouler son argumentaire. Ça n’a pas loupé ; les « serious game » très en vogue au États Unis, dont on voit un édifiant exemple : un sympathique personnage s’exerçant au tri sélectif et gagnant des points pour chaque détritus convenablement jeté. J’ai salué intérieurement l’effort d’adaptation de la présentation destinée aux gauchistes, la touche écolo, tout en déplorant la fâcheuse habitude si rependue de prendre les gens pour des cons qui, entre nous soit dit, n’est jamais payante, tu ne vas pas tarder à t’en rendre compte mon gaillard. J’ai signalé à notre intervenant qu’il avait bien fait de nous prévenir que le titre de son intervention ne correspondait pas avec ce qu’il allait faire, parce qu’en effet, on ne voyait pas trop la subversion. L’un d’entre nous a expliqué que les riches de la Silicon Valley envoient désormais leurs enfants dans une école révolutionnaire : l’enseignement y est dispensé uniquement par des humains ! On a ensuite eu droit à un film des plus vaseux qui montrait à travers un rapprochement de signes et de sigles que l’omniscience et l’omnipotence divines était sœurs de celles d’internet mais je n’écoutais pas vraiment parce que, de son bouillonnement initial, mon voisin était en train de passer à une effervescence qui semblait dangereusement présager l’explosion. Image suivante : une bonne vingtaine de marques et de sigles juxtaposés dont il s’est avéré, après questionnement de mon voisin qui m’était de plus en plus sympathique, être ceux de start-up diverses et ne présenter aucun logiciel libre. Notre intervenant, qui marchait sur des œufs, nous a alors montré qu’il existait des site subversifs, comme « sauvons la recherche » et que lui-même était syndiqué. Et puis, un reportage, « la poutre de Bamako », ou comment des élèves d’élémentaire ont réussi à profiter de l’absence des adultes pour voir un film pornographique qui les a traumatisés. Ce danger est bien pris en compte dorénavant, on enseigne aux enfants à se méfier des inconnus et à n’aller que sur des sites fréquentables. Bien. À nous. Frédéric se/nous demande comment faire pénétrer les logiciels libres. Les mairies sont liées par contrats aux grands groupes et tout semble bloqué il faut que cela change. L’intervenant répond qu’il le comprend. Fabienne nous dit à quel point le numérique pourrait contribuer à la construction du sujet mais qu’il n’est pas mis en place de cette façon, à l’école, et que c’est regrettable. Elle dit aussi le temps qu’elle passe chaque soir enchaînée à son ordinateur pour des taches obligatoires liées à son travail d’enseignante. Puis vient mon tour. J’ai beaucoup de choses à dire, j’essaye d’être brève : notre intervenant a dit qu’il allait nous expliquer comment l’école s’appropriait le numérique. Ce à quoi il convient d’être très attentif c’est bien plutôt à la façon dont le numérique s’approprie l’école. Le film nous a montré comment on apprenait aux enfants à se méfier des personnes qui faisaient des choses interdites et ne pas tomber dans leurs pièges. Alors que le plus grand danger vient de ceux qui font des choses autorisées. Le nombre d’élèves par classes est augmenté en Réseau Éducation Prioritaire alors, pour soutenir les élèves en difficulté, on les colle devant un ordinateur avec un petit programme adapté. Ça s’appelle D’Col. Les recherches ont montré que les manuels scolaire sont orientés idéologiquement, que la médiation d’un être humain est indispensable, que ce qui compte, ce qu’on retient de notre passage à l’école, c’est les échanges. Et puis, pour répondre à ma voisine Fabienne, j’explique que bosser le soir sur notre ordinateur c’est une des conséquences du choix de l’état de confier la « modernisation » de l’Éducation Nationale à Sopra Consulting et à Bearing Point. Bearing Point se vante d’être en possession d’un Big Data capable de détecter même les opinions politiques et fait sa pub sur internet en montrant que maintenant, grâce aux nouvelles technologies de l’information, il n’y aura plus de différence entre vie professionnelle et vie privée. Grâce à notre i pode, on va bosser tout le temps ! Quant à Sopra, ils nous disent bien, dans leur plaquette « La conduite du changement dans les projets SI » comment la mise en place du système d’information n’est que la « face émergée d’un changement profond ». Parce qu’en introduisant l’outil informatique, l’organisation du travail s’en trouve « profondément » transformée. On est donc surveillés, optimisés, formatés. Nos élèves aussi. L’intervenant me dit qu’il comprend mes craintes. Le tour de table continue. Ma voisine de gauche, pleine de peps, critique vertement le « serious game » qu’on vient de voir. C’est horrible, dit-elle, cet endoctrinement des esprits. Et puis le reportage où on les voit répéter en chœur, comme des machines, ce qu’ils ne doivent pas faire avec internet, affreux ! L’assemblée manifeste bruyamment son accord avec ce qu’elle dit. L’intervenant sourit gentiment. Puis elle raconte à quel point l’Environnement Numérique de Travail exacerbe la concurrence entre collègues, chacun cherchant à montrer qu’il participe plus et qu’il est un bon utilisateur des Tice. Anne souligne que la coopération entre enfants n’est pas valorisée, dans ce face à face avec l’écran. Les profits que les entreprises d’informatique peuvent tirer de l’école sont énormes, par contre. Luc nous raconte qu’il milite pour avoir dans sa classe des ordinateurs sans internet, pour apprendre le traitement de texte, ou le dessin. Il nous parle d’un chercheur en neuroscience -Michel Desmurget- qui a montré qu’internet et la télévision détruisaient le cortex. Et puis Denis nous dit qu’en effet Base élève, Sconet et tout le tintouin participent d’un fichage anormal [il est dans le premier degré, à partir du collège, l’Espace Numérique de Travail, fiche encore plus que l’identité : les compétences, la participation aux associations, les stages en entreprises, les événements de « vie scolaire » et les échanges avec les parents, les notes…]. Il nous raconte aussi qu’il a vu des gens détruits parce qu’un de leurs mails avait été transmis là où il ne fallait pas. Puis c”est fini. C’est l’heure. Finalement c’était génial. J’ai découvert des gens qui pensent. Qui prennent la peine de s’interroger sur ce qu’ils font. Qui cherchent, et qui trouvent, des façons d’entretenir l’inextinguible force qui fait d’eux-même et de leurs élèves des humains à part entière. Bien plus riches et divers, moins malheureux, aussi, que ces rouages de la machine à compétitivité qu’on cherche à nous faire devenir. Alors, était-ce le but de la série de vidéos qui nous ont été montrées ? À mon avis, pas du tout. Certains d’entre nous les ont prises au second degré. Ils n’ont pas pensé un seul instant que c’était possible qu’on croit qu’ils allaient gober tout ça. À chacun de se faire son idée et, quoi qu’il en soit, on aura déjà subverti l’atelier. Subvertir les Tice, ce sera l’étape suivante. On se racontera… Solène Lalfert

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