A l’heure où l’échec scolaire, en particulier des enfants issus des classes populaires immigrés, est mis sur le devant de la scène par l’enquête PISA, je souhaite expliquer comment l’institution scolaire m’a aidée à être en échec scolaire à l’époque où j’étais au collège.
Les mécanismes que je vais tenter de décrire dans ce texte ne prétendent pas expliquer de manière exhaustive l’échec scolaire, il y a certainement des facteurs différents qui peuvent l’expliquer en fonction des individus. Mais je pense que mon cas personnel est susceptible de recouvrir celui d’autres personnes.
A la fin de l’école primaire, j’étais une élève sans difficultés particulières en lecture et mathématiques. J’étais intéressée par les savoirs scolaires en particulier par l’histoire et les sciences. De manière générale, j’aimais lire. J’avais néanmoins une faiblesse en écriture et en orthographe.
Néanmoins, mes années de collège ont correspondu à un long processus de désintérêt pour les apprentissages scolaires.
Tout d’abord, parce que j’avais le sentiment que l’école ne s’intéressait pas à mon désir d’apprendre. C’était très simple, il y avait ce qui était au programme et ce qui n’était pas au programme. Les questions qui n’avaient pas de rapport avec le programme n’avaient pas leur place. Ainsi, par exemple, alors que j’étais en cinquième, je tombais à la bibliothèque du collège sur un BT consacré à la psychanalyse et un autre à l’analyse transactionnelle : j’avais trouvé cela passionnant. Mais il n’y avait pas de place pour discuter de cela en classe.
Parfois, il y avait des thèmes dans le programme qui me semblaient très intéressants comme par exemple en sixième le programme d’histoire. Je passais de nombreuses heures à la bibliothèque du collège à lire des livres me permettant d’approfondir la préhistoire ou la mythologie grecque. Mais cela n’intéressait pas non plus le système scolaire qui préférait nous faire faire des exercices d’orthographe ou de grammaire plutôt que des textes de littérature dans le livre de français.
Parmi ce que l’on apprenait à l’école qui m’intéressaient le plus, c’était les connaissances dont j’avais l’impression qu’elles me permettaient de comprendre le monde. Mais là encore, j’étais assez déçue parce que j’avais l’impression que les enseignants n’avaient pas envie et pas le temps de discuter du rapport entre ce que nous apprenions et l’actualité par exemple.
A l’inverse, je trouvais que l’on passait beaucoup de temps à nous faire faire des exercices rébarbatifs et ennuyeux ou à nous demander d’apprendre des leçons par cœur. On nous demandait peu de rédiger des textes dans lesquels on pouvait exprimer notre point de vue et surtout faire preuve de créativité. C’est encore les rédactions ou les travaux en dessin que je trouvais les plus intéressants.
Je me souviens par exemple que les exercices de grammaire que je trouvais encore les moins rébarbatifs, c’étaient ceux où l’on nous demandait d’inventer des phrases mettant en œuvre la règle de grammaire.
Alors progressivement, je me suis désintéressée de ce qui se passait à l’école et je me suis enfoncée dans les profondeurs du classement scolaire tandis que je consacrais mes soirées aux lectures qui m’intéressaient, à ce que j’appelais mes recherches.
En troisième, alors que je n’avais jamais redoublé, on m’annonça une orientation en section professionnelle. Je ne me voyais pas dans un emploi manuel que j’associais à la pénibilité physique des professions exercées par mes parents. Ceux-ci ne maîtrisant pas le français écrit, je rédigeais moi-même la lettre contestant l’orientation et je demandais un redoublement.
L’un des paradoxes de cette histoire, c’est que bien plus tard, lorsque je suis devenue chercheuse en sciences sociales, c’est justement les qualités que j’ai développées en marge de l’institution scolaire ou contre elle qui m’ont le plus servi : le goût pour la recherche documentaire personnelle et le désir d’affirmer dans des productions orales et écrites une perspective originale sur le monde.
Alors comment produire de l’échec scolaire par exemple ?
En ne s’intéressant pas au désir d’apprendre des élèves, en ignorant leur désir de donner du sens aux connaissances, en ne leur permettant pas d’affirmer leur personnalité et une réflexion personnelle dans leurs travaux scolaires…
Comment fabriquer de l’échec scolaire ?
Ce texte m’a beaucoup touché, sans doute parce que j’ai retrouvé mes propres frustrations !
Je me suis ennuyée à l’école et dès le CP. En effet j’ai appris à lire à la maison en écoutant mes deux grandes soeur s’entraîner. J’ai fait semblant de ne pas savoir lire toute l’année du CP, je répondais ainsi à la demande implicite de mon enseignante et je suis devenue une mauvaise élève.
J’étais spécialiste de l’évasion, durant les cours je m’inventais des histoires, dessinais… J’ai tra^né comme cela jusqu’au CM2 que j’ai redoublé.
J’ai ensuite continué de m’ennuyer jusqu’en seconde où j’ai éprouvé un peu d’intérêt grâce à la littérature et l’histoire.
J’ai retrouvé l’école à 35 ans en devenant institutrice et mon premier objectif a été : “Je dois me débrouiller pour que les enfants aient envie de venir en classe”, puis “Je dois tout faire pour qu’ils gardent l’envie d’apprendre ou qu’ils se réconcilient avec cette envie”.
Je suis maintenant enseignante spécialisée pour les élèves en difficulté, allez savoir pourquoi ?!!!
Comment fabriquer de l’échec scolaire ?
Bonjour,
je suis prof de FLE dans un collège en Italie. Je dois malheureusement remarquer que les élèves d’aujourd’hui n’ont ni de créativité ni d’opinions personnelles. Quand on leur demande de s’exprimer à l’égard d’un sujet, ils sont dans le panique, ils ne savent pas quoi dire, je pense qu’ils ne sont plus habitués à la réflexion personnelle. La technologie en a une grande responsabilité. Non, ces élèves ont de bonnes qualités, ils sont plus actifs que nous, mais ce qui leur manque c’est l’ envie d’aller au fond des problèmes, des questions: ils font comme internet, ils cliquent ici et la’ sans bien comprendre, et le fait le plus grave c’est qu’ils ne se rendent pas compte de ça.
Je le remarque depuis dix ans et la situation devient pire, de plus en plus!
Je suis pessimiste à l’égard de leur vie future!
Comment fabriquer de l’échec scolaire ?
C’est sans doute le cas…
Mais personnellement, j’enseigne en lycée et j’aimerai bien comprendre deux choses:
– Comment les élèves ont-ils pu acquérir une telle obsession du programme ?
Cela semble être le critère numéro un: le professeur qui risque de ne pas finir le programme ou le fait que ce qui n’est pas dans le programme ne mérite pas que l’on s’y attarde.
– Comment ont-ils acquis la conviction que dans une copie, il ne faut surtout pas affirmer un avis personnel ? Ils semblent d’ailleurs confondre opinion subjective et thèse personnelle argumentée.
Irène
Comment fabriquer de l’échec scolaire ?
Margherita, il est sûr que la jeune génération actuelle est piégée par la technologie et sa rapidité (ne voir qu’en surface une grande quantité de choses!) mais ce n’est pas nouveau non plus le fait de ne pas savoir quoi dire, être paniqué à l’idée de réfléchir et de s’exprimer…
À l’École, on n’apprend pas à réfléchir mais quoi réfléchir!
Comment veut-on développer sa pensée si d’abord les parents ne croient qu’en l’École, donc se déresponsabilisent de tout et relèguent donc tout également à celle-ci où il faut suivre “le programme” (terme disant tout! être programmé…)?! Le but n’est pas d’aller y dire son opinion, d’exprimer ses points de vue, mais d’appliquer ce qu’on nous dit… afin d’avoir de bonnes notes… afin de passer des examens… pour un diplôme! dans un but d’un bon travail, bien payé… Loin du simple fait d’apprendre qui lui, est naturel chez tout individu!! mais on décide pour les autres ce qu’ils doivent apprendre, de telle façon, telles journées à telle heure,etc. Pas étonnant que l’on parle “d’échec scolaire” mais ce n’est pas un échec pour l’individu, mais pour le système scolaire n’arrivant pas à formater tout le monde… c’est quand même bon signe! :p
Comment fabriquer de l’échec scolaire ?
Il faudrait sans doute ajouter que le processus que je tente de décrire est sans doute particulier lorsqu’on est un élève issu des milieux populaires:
– il peut arriver qu’un élève des milieux populaire puisse acquérir un réel intérêt pour les savoirs intellectuels. Pour autant, il ne trouve pas nécessairement à l’école le rapport intellectuel aux savoirs que nous présente l’image d’Epinale républicaine.
– Lorsqu’un enfant est issu d’un milieu familial doté d’un capital culturel intellectuel, il peut trouver une valorisation et une possibilité de partage de ses centres d’intérêt en dehors de l’école, chez lui.
– Mais lorsque ce n’est pas le cas, il se retrouve dans une situation de double isolement: à la maison et à l’école.
– S’il est en echec scolaire par ailleurs, les enseignants le traite au mieux d’élève “cultivé”, mais “ascolaire”.
– L’orientation en voie professionnelle est nettement moins souvent présentée à des enfants dont les parents viennent de bons milieux sociaux et lorsque c’est le cas, ceux-ci disposent de davantage de ressource pour contester l’orientation.
Comment fabriquer de l’échec scolaire ?
Nous cherchons des solutions (à ce que nous, nous considérons “problèmes”, mais qui ne l’est pas toujours pour les principaux concernés! On décide que telles personnes ont des problèmes, par rapport à nos critères… Pour ces personnes, il n’y en a pas de troubles!).
Au lieu d’essayer de “faire avec” selon une seule voie (celle du système scolaire tentant de formater tout le monde!), pourquoi ne pas voir/trouver d’autres façons de vivre, apprendre, travailler… hors de ce système? car parfois ou souvent, c’est cela le problème; la structure!
Les gens intéressants qui peuvent nous enrichir peuvent être partout! Idéalement, la famille est le terreau… mais sinon, il n’y a pas que les profs “dans l’école” mais tout individu pouvant se trouver sur notre chemin de vie! dont des “profs” en tant que voisin, ami, connaissance… 🙂
Comment fabriquer de l’échec scolaire ?
Oui, c’est sans doute vrai pour un adulte.
Mais lorsqu’on est enfant, l’horizon est souvent limité à la famille et à l’école.
Si l’on ne trouve ni dans l’un, ni dans l’autre, la possibilité d’un épanouissement intellectuel, cela devient difficile….
Or en théorie, on pourrait tout de même attendre que l’école fournisse les moyens d’un épanouissement intellectuel et cela pourrait même être un facteur de lutte contre l’échec scolaire…
Comment fabriquer de l’échec scolaire ?
Le terreau qu’est la famille est la base, et toutes relations est un plus, un enrichissement! et je parle de relations désirées, choisies, non imposées…
Au contraire, il y a les fréquentations de toute personne au cours d’une journée; c’est sûr que si tout le monde est confiné à des endroits différents bien précis, on ne voit que ces personnes (lieu et temps obligent), on ne risque pas d’avoir d’autres opportunités! mais sinon, il y a les activités à la bibliothèque, d’un centre des loisirs du quartier où se retrouvent souvent les mêmes personnes du voisinage, lire aussi… Dès qu’on sait lire (ce qui s’apprend assez rapidement), tout est possible d’apprendre.
“L’échec scolaire”, c’est ne pas concorder avec le système scolaire et non pas un échec de sa vie! C’est le discours que je trouve dérangeant dans les médias, dans la société en général, soit insinuer aux jeunes que s’ils ne “réussissent” pas à l’École, c’est un échec… personnel et tout entier de sa personne!
Tu ne suis ou ne veux pas suivre le courant, tu échoues… mais par chance, bon nombre ne se laissent pas influencer et réussissent leur vie comme il veulent la vivre, donc ils “réussissent” 🙂
Comment fabriquer de l’échec scolaire ?
J’ai trouver le texte très intéressant et les commentaire d’autant plus, je suis moi même un étudiant (actuellement en seconde) trouvant le système scolaire extrêmement rébarbatif, l’école ne se préoccupe pas de nos désirs et de nos envies, à croire que tout ce qui est en dehors du programme scolaire, ils n’en est même pas la peine d’en parler, pour ma part j’aimerais devenir réalisateur dans le milieu audiovisuelle, pas la peine de vous dire que le système de l’éducation sans contre fou puisqu’il n’y a même pas un bac pro disponible en rapport avec la profession de “réalisateur” je m’intéresse à coté au domaine sociale (Plus spécialement Le Mentalisme, oui oui, ce ne sont que des connaissance sociale appliquer et non je ne sais qu’elles autres pouvoirs psychique ou autre fictions) Bien évidemment en S.E.S nous apprenons dans le domaine du sociale que le riche aura plus de chance que le pauvre, ce que tout le monde sais, mais ils nous apprennent cela plutôt que je ne sais quelle merveille du langage du corps de la PNL (Programmation Neuro Linguistique) ou de L’hypnose conversationnelle, mais l’école est son systèmes est éducatif est malheureusement fondée sur des fondations qui s’écroulent est les générations à venir seront de moins en moins captivé par l’école peut-être même jusqu’à la bannir, sur ce je vous présente mes plus sincère respects.
PS: Excusez mes fautes d’orthographes, la faute la encore à l’école n’ayant pas sût nous captivé.