Dans le dernier numéro (septembre 2016) de la revue Éducation et Formations, quatre chercheur-euses (Pauline Givord, Marine Guillerm, Olivier Monso et Fabrice Murat) mettent en évidence la ségrégation sociale qui existe entre les collèges publics et les collèges privés.
Quelques extraits
À la rentrée 2015, en France (métropole + DOM, sauf Mayotte), le secteur privé sous contrat représente 24 % des collèges et 21 % des élèves, proportions quasi inchangées depuis 2003.
Les deux secteurs se distinguent nettement en termes de composition sociale : 38 % des collégiens sont d’origine sociale dite « défavorisée », c’est-à-dire dont le « parent de référence » est ouvrier ou sans profession déclarée ; cette part est beaucoup plus élevée dans les collèges publics (43 %) que privés (20 %). D’un autre côté, les professions dites « très favorisées » (cadres et professions intellectuelles supérieures, professions libérales et chefs d’entreprise de 10 salariés ou plus, enseignants) représentent 23 % des collégiens. Là encore, le secteur privé apparaît avec un recrutement social en moyenne beaucoup plus favorisé que le secteur public 6, puisque 37 % des collégiens y sont d’origine très favorisée contre 19 % dans le public. Les deux autres grandes catégories utilisées pour l’étude sont les catégories
dites « favorisée » (professions intermédiaires hors enseignants) représentant 13 % des collégiens et « moyenne » (agriculteurs, artisans, commerçants, employés et retraités correspondants), représentant 27 % des collégiens. (…)
Chez les collégiens scolarisés dans le privé, la part de catégories très favorisées a gagné 7 points, passant de 30 % à 37 %. De l’autre côté, la part de collégiens ayant une origine sociale défavorisée a fortement diminué (de 25 % à 20 %), alors qu’elle est restée stable dans le public. L’écart de recrutement social moyen s’est ainsi creusé à l’avantage du privé. Un peu supérieur à 10 points en 1989, l’écart de
recrutement entre le public et le privé en termes d’élèves de catégorie très favorisée est passé à plus de 15 points en 2015 parmi les entrants en sixième.(…)
L’étude de la distribution des collèges en fonction de la proportion d’élèves d’origine sociale défavorisée (définie par tranches de 5 points) confirme ce constat : une grande partie des établissements privés présentent des proportions comprises entre 0 % et 35 %, alors que plus de la moitié des collèges publics se trouvent dans les tranches allant de 35 % à 50 %.
Croiser la contribution à l’indice d’entropie liée à la segmentation entre public et privé avec la part du privé dans l’académie fait apparaître une grande diversité des situations. À Nantes et à Rennes, où le privé est le plus fortement implanté, les écarts de composition sociale avec le secteur public sont faibles. Toutefois, à Paris et à Lille, la part du privé est très élevée et, en même temps, les écarts de composition sociale avec le public y sont les plus importants parmi l’ensemble des académies métropolitaines. Dans d’autres académies, en particulier à Besançon et à Toulouse, le secteur privé, tout en étant beaucoup moins implanté qu’à Nantes et à Rennes, est peu différent du public en termes de composition sociale. En menant l’analyse au niveau départemental, toutefois, nous pouvons mettre en évidence un groupe de treize départements où le secteur privé est à la fois très fortement implanté et très peu différent du public quant à la catégorie sociale des parents : il s’agit des départements des académies de Rennes et de Nantes (sauf la Sarthe), de quatre départements au sud du Massif central, répartis entre plusieurs académies (Aveyron, Ardèche, Haute-Loire et Lozère), ainsi que des Pyrénées-Atlantiques.