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Collège : ça recommence !

Ça recommence ! Le nouveau ministère de l’Éducation nationale « s’attaque », comme les précédents, au « maillon faible » du système éducatif : le collège. Et que propose le nouveau ministre ? Ce qui a été proposé cent fois depuis la loi Haby de 1975 instituant le collège unique ( ce billet fut publié ici même le 18 mars 2015. Je n’y touche pas sinon pour remplacer le féminin “la” ministre par le masculin “le” ministre. C’est dire si au ministère aussi le niveau est “faible” et les progrès “très insuffisants”)…

 Pour un collège démocratique 

C’est sous Alain Savary que les mesures les plus cohérentes, les plus pertinentes ont vu le jour… sans pour autant être véritablement mises en œuvre. 

 Il suffirait à la ministre (au ministre) d’ouvrir le rapport de Louis Legrand de 1982 intitulé “Pour un collège démocratique” et elle (il) trouverait là les réponses à ses petites préoccupations : interdisciplinarité et même pluridisciplinarité, centres d’intérêt (thématiques, semble-t-on dire maintenant au ministère), autonomie des enseignants, liberté pédagogique, tutorat (accompagnement personnalisé), groupes de niveau éphémères, groupes de besoins, travail collectif des enseignants, pédagogie du projet, etc. 

Question, cette dernière, sur laquelle la (le) ministre pourra trouver d’utiles précisions dans une fameuse “Brochure bleue” intitulée “Souillac (du nom de la petite ville du Lot où se tint le colloque) … ou le projet d’établissement” éditée par le ministère (Direction des collèges, CNDP). Document qui, au-delà du projet d’établissement, traite de la notion de projet et de la pratique pédagogique du projet. 

Mais nous voici trente ans plus tard ressassant les mêmes antiennes que l’on présente évidement comme des découvertes et qui ne seront suivies d’aucun effet, on le sait maintenant d’expérience. 

On sait ce qu’il faudrait faire 

Car on sait aussi que la question posée depuis 1975 est celle-ci : comment prendre en considération dans le système éducatif les enfants qui éprouvent des difficultés, les enfants qui en 6e sont en échec scolaire (souvent depuis le CP), les enfants issus des catégories sociales défavorisées, comme on dit, bref, n’ayons pas peur des mots, les enfants des pauvres ? 

Et nous savons aussi, tous les enseignants, tous les responsables de l’éducation qui se sont succédé depuis quarante ans savent ce qu’il faudrait faire : métamorphoser ce lieu d’ennui (comme l’a fort justement caractérisé la ministre), ce lieu de gavage mortifère, ce lieu de non-vie en un lieu de vie… sachant que vivre c’est apprendre. Et tant pis pour celles et ceux qui ne veulent toujours pas entendre Socrate en son Banquet : 

Quel bonheur ce serait, répond Socrate (à Agathon), si le savoir était chose de telle sorte que de ce qui est plus plein il pût couler dans ce qui est plus vide.” 

Tant pis pour ces “instructeurs” qui pour des raisons de confort personnel n’ont jamais consenti à d’autre pratique éducative que cette verticalité du “je parle, tu écoutes”. 

En finir avec le collège-ghetto 

Tous les pédagogues savent en effet ce qu’il conviendrait de faire, les archives des centres de documentation pédagogique, des revues et maintenant des sites (Cahiers pédagogiques, Café pédagogique, Questions de classe(s)) débordent d’analyses, de récits d’expériences, de  propositions plus pertinentes les unes que les autres… 

Tous savent que pour en finir avec le collège-ghetto il faut en finir avec la ville-ghetto, avec le quartier-ghetto et que la vieille Loi SRU du 13 décembre 2000 s’est révélée totalement impuissante particulièrement pour ce qui est de la “mixité sociale”. 

Nous savons aussi que la pédagogie active (plus active (sic) vient de dire la ministre), expression que je préfère à celle de pédagogie du “projet”  tant ce mot est désormais compromis dans la langue de l’idéologie entrepreneuriale, nous savons qu’une pédagogie active ne peut vivre réellement que prise en charge par un collectif enseignant (et non une équipe, on ne joue pas au foot) ayant élaboré et mis en œuvre un mode de vie dans l’école fondé sur les centres d’intérêt (Decroly) à partir desquels se réalisent les apprentissages, se partagent et s’approprient les savoirs pour en  faire des connaissances. 

Tout cela les pédagogues savent le faire. Ils savent élaborer une démarche pédagogique aboutissant à une “réalisation” (terme, encore là, préférable à celui de projet), à la création d’un objet qui nécessite l’acquisition de savoirs, leur mobilisation et leur réemploi. 

Ils savent faire fonctionner les groupes de besoins, les groupes de niveau matières éphémères qui ont pout but de fixer les apprentissages, les connaissances et les savoir-faire correspondant aux programmes et ils savent organiser le travail libre par groupes car ils ont lu Roger Cousinet dont la pédagogie vivante ne demande qu’à être actualisée par l’usage des technologies actuelles. 

Et tant pis pour les “instructeurs” 

Est-il vraiment si difficile pour un ministère se souciant véritablement de l’inégalité et de l’échec scolaire, de solliciter, de favoriser, d’impulser la formation de groupes-enseignants cohérents par, entre autres, la facilitation de mutations à caractère pédagogique ? 

Et tant pis pour les instructeurs confortablement  installés et tellement soucieux de préserver leur petit confort ! 

Mais alors, comment ne serait-on pas dans le cas de se demander pourquoi les “grands syndicats” ne revendiquent jamais la facilitation et l’émergence de ces groupes cohérents qui prendraient en charge des établissements dont le projet constituerait un contrat impératif. 

Non, en réalité on ne se le demande pas car on sait depuis longtemps pourquoi ces grands et vieux syndicats se contentent de réclamer sempiternellement “des moyens” sur l’air des lampions au cours de la traditionnelle journée de grève  dont on peut, depuis un demi-siècle, apprécier les résultats. Ces bons vieux syndicats sont tout simplement intégrés au fonctionnement social dominant. Comment pourraient-ils être émancipateurs ? 

Qu’il me soit permis d’ajouter aujourd’hui que cette heure de “je ne sais quoi” ajoutée en sixième a été “expérimentée” sous la figure du “soutien et approfondissement” voici plus de cinquante ans et s’est révélée une cynique ineptie, une manière de ne pas faire ce qui est à faire en donnant l’impression de…faire.

Nestor Romero

Lien vers l’article sur le blog de Mediapart : https://blogs.mediapart.fr/nestor-romero/blog/060123/college-ca-recommence

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